Des rivières bétonnées, des cours d’eau obstrués... Au XXe siècle, l’Europe a misé sur l’hydroélectricité pour disposer d’une source d’énergie renouvelable. Mais les barrages empêchent certaines espèces de poissons migrateurs, notamment les saumons, de faire la navette entre l’océan et la rivière pour se reproduire. Les barrages sont-ils un obstacle à la biodiversité ?
Jean-Marc Roussel, le docteur de la rivière
Sur la rivière Sélune, près de la baie du Mont-Saint-Michel, nous partons à la rencontre des "docteurs de la rivière", le directeur de recherche à l’Inrae Jean-Marc Roussel et ses équipes. Leur travail ? "Prendre le pouls" de l’écosystème. Sur la Sélune, le barrage de Vezins, un barrage de 35 mètres, a été retiré en 2019. Un autre, celui de la Roche-qui-Boit, est actuellement en cours de démolition. Jean-Marc Roussel et ses scientifiques capturent des poissons et des invertébrés, les comptent, les mesurent, pour voir si la rivière se porte mieux sans barrages. Son constat est sans appel : le cours d’eau "commence à retrouver un aspect naturel" et la nature à "reprendre ses droits". Et il s’émeut : "Dans un moment où l’on pense que beaucoup de choses ne vont plus au niveau de notre environnement, on peut avoir des signes assez tangibles d’un retour de la nature."
En Europe, 500 000 barrages inutiles ?
Tous les barrages sont-ils utiles ? C’est la question que se pose Roberto Epple, président du European Rivers Network, qui "se bat pour des rivières vivantes". En Auvergne, le barrage du Chavanon a été construit il y a 100 ans. Il n’a jamais été achevé, n’a jamais produit quoi que ce soit et obstrue aujourd’hui un cours d’eau. Selon Roberto Epple, la moitié des barrages européens, soit 500 000 ouvrages, n’auraient en réalité aucune utilité et seraient "obsolètes, trop vieux, trop anciens". À l’époque de leur construction, leur fin de vie n’a pas été pensée. Qui doit payer pour la déconstruction ?
Poutès, un barrage sur mesure pour la rivière ?
Peut-on concilier production hydroélectrique et respect de la biodiversité ? Sur l’Allier, le redimensionnement du barrage de Poutès a été achevé en 2022. Sa hauteur a été abaissée de 20 mètres à 7 mètres et une grande partie de l’ouvrage en béton a été retirée. De plus, deux vannes centrales peuvent désormais être ouvertes pour laisser couler la rivière et permettre aux saumons de passer en période de reproduction, pendant trois mois de l’année. Si le barrage ne produit rien pendant cette ouverture, le site a conservé 85 % de sa production annuelle. Est-ce un exemple à appliquer ailleurs ?
Céline Bérard, un coup de main pour les saumons
Mais pour sauver les saumons, transformer les barrages risque de ne pas suffire. Cela coûte cher et prend du temps alors que l’espèce a besoin d’aide immédiatement. Au Conservatoire national du saumon sauvage de Chanteuges (Auvergne), Céline Bérard donne un coup de main aux poissons. Elle capture des saumons, les fait se reproduire puis élève la progéniture dans des cuves aux conditions semblables à leur milieu naturel. Les alevins sont ensuite lâchés dans la rivière pour repeupler l'écosystème.