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En Corse, nouvelles violences lors d'une manifestation pour Yvan Colonna

La nouvelle manifestation en hommage à Yvan Colonna, mortellement agressé en prison, a dégénéré en violents affrontements, dimanche à Ajaccio. Selon la préfecture, ces affrontements ont fait 15 blessés, 14 manifestants et un policier, dont trois blessés graves.

Comme les précédentes, la nouvelle manifestation pour Yvan Colonna, militant indépendantiste corse mortellement agressé en prison, a dégénéré en violents affrontements, dimanche 3 avril, à Ajaccio, au risque de retarder l'ouverture des discussions annoncées avec le gouvernement autour d'une possible autonomie pour l'île.

Entamés vers 16 h, aussitôt après l'arrivée du cortège à la préfecture, ces heurts entre 150 à 200 jeunes gens, souvent cagoulés et équipés de masques à gaz, et les policiers, se poursuivaient encore vers 23 h.

Répondant aux jets de cocktails Molotov et de bombes agricoles, les policiers répliquaient avec des lances à eau, des grenades lacrymogènes et des grenades assourdissantes. En fin de soirée, les manifestants utilisaient notamment des panneaux électoraux comme projectiles.

Selon la préfecture, ces affrontements ont fait 15 blessés, 14 manifestants et un policier, dont trois blessés graves. Parmi eux, une femme de 54 ans touchée à une jambe.

En fin d'après-midi, alors que les affrontements les plus virulents se déroulaient vers la mairie, les pompiers ont été longtemps mobilisés autour d'un geyser de flammes jaillissant d'une canalisation de gaz. Face au risque d'explosion, une trentaine d'habitants ont dû être évacués, a précisé la préfecture.

Des heurts ont également été constatés en fin d'après-midi aux abords de la caserne de CRS de Furiani, près de Bastia, déjà cible des manifestants il y a une semaine, ainsi que devant la préfecture de Bastia en soirée.

Au plus fort de la journée, cette manifestation a rassemblé 4 000 personnes selon la préfecture, 14 000 selon les organisateurs.

Aux grilles de la préfecture, un drap blanc portant le visage d'Yvan Colonna au pochoir avait été accroché par des manifestants, accompagné de deux phrases : "On va se réveiller" et "moi j'ai confiance". Selon une vidéo diffusée par BFMTV la semaine dernière, ces mots avaient été prononcés en janvier par le militant nationaliste, dans une discussion avec un codétenu basque à qui il exprimait sa conviction que la Corse serait un jour indépendante.

Lundi, Emmanuel Macron a jugé "inacceptables" les violences de dimanche et estimé qu'il n'y aurait "pas de discussion" sans "retour à l'ordre préalable".

"Ce que j'ai vu ce week-end est inacceptable, y compris avec des responsables politiques en tête de cortège", a-t-il dit sur France Inter.

.@EmmanuelMacron sur la Corse : "Je n'ai pas changé de ligne. Je suis favorable à toute évolution si elle répond aux besoins de la population. L'autonomie n'est pas l'indépendance, et l'autonomie n'est pas un objectif en soi." #le79Inter #Elysée2022 pic.twitter.com/Poj4bc6UxA

— France Inter (@franceinter) April 4, 2022

"État français assassin"

Détenu à la maison centrale d'Arles (Bouches-du-Rhône), où il a été agressé le 2 mars, Yvan Colonna a été condamné par trois fois à la prison à perpétuité pour l'assassinat du préfet Claude Érignac, abattu de plusieurs balles dans la tête et le cou, en 1998, à Ajaccio.

La manifestation s'était élancée vers 15 h, sur le front de mer, derrière deux larges banderoles portant le désormais traditionnel slogan "État français assassin". Le cortège était mené par Stéphane Colonna, le frère d'Yvan, et le fils ainé de celui-ci, entourés de très jeunes manifestants, des enfants pour certains, qui reprenaient en chœur ce même cri d'"État français assassin".

Derrière lui, dans la foule, plusieurs personnalités locales : Gilles Simeoni, le président autonomiste du conseil exécutif de Corse, Charles Pieri, ex-leader présumé du Front de libération nationale de la Corse (FLNC), mouvement qui a récemment menacé de reprendre la lutte armée, ou encore Paul-Félix Benedetti, le leader du parti indépendantiste Core in Fronte.

"Je suis venu pour honorer la mémoire d'Yvan Colonna, montrer qu'on est toujours là", a expliqué à l'AFP Camellu Tomasi, 23 ans, secrétaire de Ghjuventu Paolina, un des syndicats étudiants membres du large collectif nationaliste à l'origine de la manifestation.

Ce collectif était également à l'origine des deux autres grandes manifestations pour Colonna, les 6 et 13 mars à Corte et Bastia. Elles aussi s'étaient terminées dans la violence et le chaos.

"La France dehors"

Face aux risques de débordements, le dispositif policier était plus important dimanche, mieux organisé et plus offensif. Des contrôles préventifs avant la manifestation ont notamment permis la saisie de plusieurs dizaines de projectiles, dont des boules de pétanque, des hachettes et des barres de fer.

Lors de sa visite en Corse, du 16 au 18 mars, le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, s'était engagé à ouvrir "dès la première semaine du mois d'avril" des négociations sur "l'ensemble des problématiques corses", dont "l'évolution institutionnelle vers un statut d'autonomie restant à préciser".

Il avait également promis le "prompt rapprochement en Corse, dans les prochaines semaines" de Pierre Alessandri et Alain Ferrandi, les derniers membres du 'commando Érignac' encore incarcérés. Les deux hommes, incarcérés à Poissy (Yvelines), ont signé vendredi leur ordre de transfèrement à la prison de Borgo.

Reste à savoir si ces nouvelles violences ne vont pas perturber ce scénario. Dans un document qu'ils avaient co-signé le 18 mars, Gérald Darmanin et Gilles Simeoni avaient en effet convenu "que la mise en œuvre de ce processus historique ne" pouvait "s'envisager que dans un cadre général apaisé et calme".

Du côté des manifestants, la colère était en tous cas perceptible dimanche soir, avec notamment une cible, Laurent Marcangeli, maire de la ville et leader de l'opposition de droite à l'assemblée de Corse, visé par plusieurs tags injurieux le traitant de "salope collabo".

"Aujourd'hui plus que jamais, la France dehors !", a insisté Stéphane Colonna sur Twitter.

Avec AFP