
Cité à la barre par la justice new-yorkaise, l'ancien patron de Vivendi Universal est accusé d'avoir dissimulé à des millions de petits porteurs l'état des finances du groupe, entre 2000 et 2002.
L'ancien patron de Vivendi Universal, Jean-Marie Messier, est accusé d’avoir dissimulé à ses actionnaires que le groupe frôlait la faillite en 2001 et 2002 et doit répondre de ses actes devant la justice new-yorkaise. Il est attendu comme témoin à la barre, ce vendredi, au cours d’un procès unique en son genre : une "class action" menée par un million de petits actionnaires, en grande partie français, mais aussi américains, britanniques et néerlandais.
"C’est exceptionnel qu’un juge américain ait accepté de prendre une plainte principalement menée par des actionnaires étrangers", relève Emmanuel Saint-Martin, le correspondant à New York de FRANCE 24. Car la procédure de "class action" n’existe pas en France. Le gouvernement la promet pour bientôt, mais les différentes propositions et projets de loi dans ce sens sont toujours en attente d’être votés au Parlement.
J2M - ou selon ses détracteurs J6M : "Jean-Marie Messier moi-même maître du monde" - qui avait ambitionné de conquérir Hollywood et les médias new-yorkais à partir d’une entreprise de services française, Générale des Eaux, au prix de la survie financière du groupe, doit donc convaincre le jury qu’il n’a pas sciemment menti aux actionnaires il y a sept ans. Les plaignants affirment avoir été trompés par sa communication triomphaliste, alors même que Vivendi accumulait les dettes qui mettaient en péril la survie du groupe.
J2M assurait que son groupe allait "mieux que bien"
Alors que les acquisitions - en particulier la gigantesque et brusque fusion-acquisition transatlantique entre Vivendi, transfuge de la Générale des Eaux, et Universal, le géant américain de médias et de divertissements - entraînaient des pertes de plusieurs milliards d'euros dans les comptes 2001, le PDG assurait en mars 2002 que son groupe allait "mieux que bien".
Puis les événements se précipitent : les déboires du groupe éclatent au grand jour, Jean-Marie Messier est poussé au départ début juillet 2002 et doit renoncer à son parachute doré de plus de 20 millions d’euros. En retraçant cet épisode à la barre, Jean-Marie Messier va tenter de convaincre le jury que les actionnaires ont toujours eu accès à des informations justes et détaillées sur les finances du groupe.
Le litige pourrait se solder en milliards de dollars de dommages et intérêts, facture qui serait réglée par Jean-Marie Messier et par Vivendi. Tout dépend si Vivendi parvient à trouver un accord à l’amiable avant la fin du procès. Tout dépend aussi si la société parvient à convaincre le tribunal de grande instance de Paris, mercredi prochain, d'enjoindre aux actionnaires français de se désister de ces poursuites en nom collectif. Car si les actionnaires français n'étaient plus concernés par le procès new-yorkais, les éventuels dommages et intérêts pourraient être automatiquement réduits de 60 %.
D’autres casseroles judiciaires
Aujourd’hui, J2M détient un cabinet de conseil en stratégie, Messier Partners, qui conseille des patrons comme Maurice Lévy, à la tête de Publicis. Il a effectué un retour médiatique en janvier avec son livre "Le jour où le ciel nous tombe sur la tête", où il explique notamment qu’il faut "inventer un capitalisme bien tempéré", "responsable et éthique", et "placer l’entrepreneur au centre" en remettant "la finance au service de l’économie".
L’ancien patron de Vivendi Universal traîne d’autres casseroles judiciaires : il risque plus de cinq ans de prison devant le tribunal correctionnel de Paris pour diffusion d'informations fausses ou trompeuses, manipulation de cours et abus de biens sociaux.