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Le journaliste Taoufik ben Brik encourt trois ans de prison ferme

Le journaliste d'opposition Taoufik ben Brik a comparu aujourd'hui devant la justice tunisienne pour "faits de violence". Il affirme qu'il s'agit d'un procès politique et risque trois ans de prison ferme.

Le journaliste Taoufik ben Brik s’est présenté ce jeudi devant la justice tunisienne, pour "faits de violence, outrage public aux bonnes mœurs et dégradation volontaire des biens d’autrui". Le verdict est prévu pour le 26 novembre. Le journaliste risque trois ans de prison ferme.
Les autorités tunisiennes l’accusent d’avoir agressé une automobiliste et l’ont écroué, le 29 octobre dernier. Mais le journaliste affirme que le procès qui lui est intenté est avant tout politique et lié aux articles qu’il publie dans la presse étrangère. Plusieurs articles, qui mettent à l’index le régime de Ben Ali, ont paru avant la réélection du président tunisien, le 25 octobre.
Selon le président de Reporter sans Frontières, Jean-François Julliard, qui a pu assister au procès, les avocats de Ben Brik ont réclamé en vain un report d’audience et une mise en liberté provisoire. "Les avocats ont eu accès au dossier, qui est vide. Il s’agit réellement d’une manipulation", ajoute Jean-François Julliard, joint par France24.com.
L’affaire est devenue diplomatique : le ministre français des Affaires étrangères, Bernard Kouchner, s’est dit "déçu" par les arrestations jugées "inutiles" de journalistes en Tunisie, alors qu’il était interrogé le 10 novembre sur France Inter. A la suite de quoi le président Zine el-Abidine Ben Ali s’est élevé publiquement contre l’"ingérence" de France. Il a saisi l'Union du Maghreb arabe et l'Union africaine pour "atteinte à la souveraineté" de la Tunisie.
"La police entoure la maison de Sihem Bensedrine"
Pour se présenter devant la justice, Taoufik ben Brik est épaulé par un collectif de dizaines d’avocats, par Reporter sans Frontières et par la Fédération Internationale des Ligues des droits de l'Homme ( FIDH) . Selon Alexandra Pomeon, responsable de l’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’homme à la FIDH, et interrogée par France24.com, "les activistes tunisiens et maghrébins ont été empêchés de se rendre au palais de justice. La police entoure la maison de Sihem Bensedrine, porte-parole du Conseil national pour les libertés en Tunisie, et la contraint à rester chez elle."
Sihem Bensedrine était justement de passage à Paris, cette semaine, pour sensibiliser l’opinion internationale contre l’absence de liberté de la presse dans son pays. Elle s’est alors confiée à France 24 : "Nous n’avons que les médias étrangers comme bouclier. Notre président a appelé au lynchage des journalistes, de tous ceux qui critiquent son régime. Nous sommes totalement ‘déprotégés’ et la justice ne fonctionne pas. Il n’y a rien qui fonctionne."
Ce n’est pas sans risque que Sihem Bensedrine s’adresse ainsi à la presse. Elle a déjà connu la prison et dit avoir subi des violences policières. "J’ai été agressée à deux reprises, au cours des dix derniers jours, et je peux vous dire qu’ils ont été extrêmement violents." Elle est poursuivie par la justice tunisienne pour utiliser, avec sa radio indépendante Kalima, une fréquence sans licence - alors que ses programmes sont diffusés sur Internet et via satellite.
"Le pays peut basculer dans l’anarchie"
" Il est important d’attirer l’attention sur ce qui se passe en Tunisie, car le pays peut basculer à la fois dans l’anarchie et dans la régression", estime Souhayr Belhassen, présidente de la Fédération internationale des Ligues des droits de l’Homme et elle-même journaliste de nationalité tunisienne, interrogée par France 24.
Selon la FIDH, six journalistes indépendants vivent sous haute surveillance policière et deux autres croupissent en prison : Taoufik ben Brik et Zouhair Makhlouf, collaborateur d'un hebdomadaire d'opposition et d'un site Internet basé en Allemagne, poursuivi pour avoir tourné illégalement des images.