La commission des Lois de l'Assemblée nationale a rejeté mardi la demande socialiste de création d'une commission d'enquête sur les sondages financés par l'Élysée, un dossier révélé l'été dernier par un rapport de la Cour des comptes.
REUTERS - La commission des Lois de l'Assemblée nationale a jugé irrecevable mardi, à l'initiative de sa majorité UMP, la demande de création d'une commission d'enquête sur les sondages financés par l'Elysée.
Le président de l'Assemblée, Bernard Accoyer, qui a en théorie le dernier mot sur cette demande socialiste, a annoncé qu'il convoquerait "dans les prochains jours" le bureau de l'Assemblée pour trancher.
Le bureau, plus haute autorité collégiale de l'Assemblée, compte 22 membres, le président, six vice-présidents, les questeurs et les secrétaires.
Ce dossier, révélé l'été dernier par un rapport de la Cour des comptes, porte sur le montant des dépenses, l'utilisation des sondages dans des médias jugés proches du pouvoir et l'intervention de spécialistes payés par l'Elysée.
La députée socialiste Delphine Batho a appelé de ses voeux un débat sur l'éventuelle formation de cette commission d'enquête en séance plénière le 9 décembre.
Un créneau a en effet été prévu à cette date. Si le débat a lieu, seul un vote à la majorité des 3/5e des députés pourrait empécher la formation d'une commission d'enquête, a souligné Delphine Batho sur France 3.
Elle s'appuie sur la réforme de la Constitution votée en juillet 2008, censée donner davantage de pouvoirs au Parlement.
Le président du groupe socialiste, Jean-Marc Ayrault, a vivement réagi à la décision de la commission des Lois.
"C'est un vote d'opportunité politique décidé par l'Elysée et par l'UMP pour empêcher cette commission d'enquête de faire la vérité sur l'affaire des sondages de l'Elysée", a-t-il dit.
Question sur les sondages
Le président de la commission des Lois, Jean-Luc Warsmann (UMP), a, lui, estimé que la commission porterait atteinte au chef de l'Etat, qui bénéficie d'une immunité.
"Le seul objectif de cette proposition de résolution n'était pas de contrôler les comptes de l'Elysée, ils le sont déjà par la commission des Finances, c'était tout simplement de s'en prendre à la personne du président de la République et de le mettre en cause", a-t-il dit.
"Le devoir de la commission des Lois a été de constater que vouloir utiliser une commission d'enquête pour mettre en cause la responsabilité du président de la République, c'est contraire à la Constitution", a-t-il ajouté.
La commission des Lois avait, à l'ouverture de sa réunion, élu un rapporteur, l'UMP Thierry Mariani, un proche de Nicolas Sarkozy, qui a conclu à l'irrecevabilité.
Epinglé l'été dernier par la Cour des comptes, l'Elysée a communiqué à l'Assemblée les factures, après l'audition par la commission des Finances le 13 octobre de Christian Frémont, directeur de cabinet de Nicolas Sarkozy.
Le budget sondages de l'Elysée s'est élevé à 3,281 millions d'euros en 2008, à 1,989 million en 2009 et il est estimé à 1,424 million pour 2010, dit un rapport du député Jean Launay (PS) sur les crédits de l'Elysée publié il y a dix jours.
L'opposition y voit plusieurs problèmes.
Outre le coût jugé important, elle estime que certains sondages pré-électoraux concernant l'UMP n'avaient pas à être financés sur fonds publics.
Elle s'interroge en outre sur la publication dans des médias jugés proches du pouvoir d'enquêtes commandées par l'Elysée, laissant croire que des éléments contestés de la politique gouvernementale avaient l'appui de l'opinion, ou favorisant certains thêmes, comme la popularité d'Olivier Besancenot à gauche.
En outre, est mis en cause le recours à l'institut OpinionWay, aux méthodes discutées car empruntant internet, ainsi que la rémunération par l'Elysée de deux spécialistes des sondages, Patrick Buisson et Pierre Giacometti.
Dans un communiqué, la société GiacomettiPeron & Associés précise qu'elle n'a "aucun lien commercial ou financier de quelque nature que ce soit avec aucun institut de sondage. Ses prestations concernent exclusivement le conseil en diagnostic d'opinions et en stratégies de communication".