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Le monopoly des terres agricoles

Alors que 45 millions de Pakistanais - soit un quart de la population du pays - se trouveraient en situation d'insécurité alimentaire, Islamabad s'apprête à louer des terres cultivables à l'Arabie saoudite. Une décision qui fait polémique...

Les invités de ce Focus sont Cédric Molle-Laurençon, correspondant de FRANCE 24 au Pakistan, et Béatrice Hermelin, directrice du Groupe de recherche et d'échanges technologiques (Gret), une ONG qui œuvre pour le développement durable.

Les 2000 habitants du village d’Okara, à quelques kilomètres de la frontière indienne, vivent désormais en sursis. Et ce n’est pas la récolte, mauvaise cette année, qui les inquiète : ces paysans pakistanais, dont les ancêtres se sont installés là il y a plus d’un siècle, craignent de perdre leurs terres, synonyme de mort pour ces familles qui n’ont aucun autre moyen de subsistance.

La menace est, en effet, bien réelle : le Pakistan envisage de louer 200 000 hectares de terres agricoles à l’Arabie saoudite, qui souhaite les exploiter pour son propre compte.

Islamabad a beau assurer qu’aucun paysan ne sera exproprié, ce sont pourtant bien les autorités qui possèdent la terre, à Okara comme dans une multitude d'autres villages du pays. En 2005, l’armée avait d’ailleurs tenté d’expulser les habitants d’Okara, avant de renoncer face à la révolte paysanne ; cette-fois encore, les hommes du village sont prêts à prendre les armes pour défendre leurs champs - et leur vie.

Le projet du gouvernement de louer des terres à un pays étranger fait scandale au Pakistan, un pays où plus de 45 millions de personnes (soit un quart de la population) souffrent quotidiennement de la faim. Côté saoudien, en effet, l'objectif n'est pas d’alimenter en denrées alimentaires le marché pakistanais, mais de permettre au royaume d'en produire à moindre coût pour résorber sa propre crise alimentaire.

Face aux critiques de la société civile et des organisations internationales, Islamabad assure que ce projet est un atout pour le pays : le Pakistan a désespérément besoin d’investissements étrangers pour sortir du marasme son secteur agricole à bout de souffle.

Le pouvoir affirme en outre qu’il existe suffisamment de terres inexploitées dans le pays pour répondre aux demandes étrangères sans aggraver la crise alimentaire interne. D'ailleurs, d’autres pays sont déjà sur les rangs pour obtenir leur portion de sol pakistanais...