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En plein procès, une commémoration des attentats du 13-Novembre très symbolique

Après une cérémonie marquée par la pandémie en 2020, cette année, la commémoration des attentats du 13 novembre 2015, organisée samedi, s'est déroulée en même temps que le procès, en cours depuis septembre.

Six ans après l'horreur, plusieurs hommages ont été rendus samedi 13 novembre par les autorités à Paris et Saint-Denis pour commémorer les attentats du 13-Novembre, dans une atmosphère hautement symbolique, au moment où le procès éprouve les victimes et façonne la mémoire collective de ces attaques.

Accompagné notamment de la maire de Paris Anne Hidalgo, le Premier ministre Jean Castex a entamé la tournée d'hommages par un dépôt de gerbe suivi d'une minute de silence devant le Stade de France, avant de prendre la direction des terrasses de cafés et du Bataclan à Paris, où des commandos téléguidés par le groupe État islamique (EI) avaient tué 130 personnes et fait plus de 350 blessés en 2015, semant l'effroi dans le pays.

De son côté, la vice-présidente des États-Unis, Kamala Harris, qui achève samedi une visite de quatre jours en France, a déposé peu après midi un bouquet de fleurs blanches en face de la terrasse du bar Le Carillon. Elle a ensuite traversé la rue pour entrer brièvement dans l'établissement.

Cette série d'hommages s'est s'achevée dans la soirée avec une minute de silence observée juste avant le coup d'envoi du match France-Kazakhstan au Parc des Princes.

Un groupe de supporters des équipes de France de football a ensuite déployé une banderole d'hommage "À nos 131 étoiles du 13 novembre" depuis une tribune à la 15e minute de la rencontre, en référence au moment où la première des deux bombes a explosé il y a six ans aux abords du Stade de France, durant le match France-Allemagne.

Devant le Bataclan, les rescapés et les proches des victimes ont écouté avec émotion résonner sous la grisaille le nom de chacune des 90 personnes qui ont péri dans la salle de concert.

Après une cérémonie sans public en 2020 à cause de la pandémie, la commémoration paraît plus importante que jamais, en parallèle d'un procès historique qui ravive depuis septembre avec force détails le souvenir de l'attaque terroriste la plus meurtrière jamais commise en France.

"Le procès nous a tous rapprochés et il y a une envie très forte de se retrouver dans un cadre commémoratif", confie à l'AFP Arthur Dénouveaux, le président de l'association de victimes Life for Paris. "La commémoration va cristalliser un renforcement des liens entre les victimes."

Stress post-traumatique, culpabilité du survivant, décalage persistant avec le reste de la société... Pendant un mois, les témoignages des victimes et de leurs proches ont révélé les cicatrices indélébiles et l'ampleur des dégâts psychologiques de ces attentats sur des centaines de vies brisées.

Pour affronter le reste de l'audience, qui doit se poursuivre jusqu'à fin mai, "les gens sentent qu'il faut se serrer les coudes", résume Arthur Dénouveaux. "Partager toutes ces expériences à la barre, ça a aussi accru le sentiment d'appartenir à une communauté qui a du sens."

"Solidarité" 

D'où un besoin encore plus fort de participer aux commémorations, "seul moment où une catharsis collective peut se faire", ajoute ce rescapé du Bataclan.

Cette année, son association enregistre une cinquantaine de participants supplémentaires à la cérémonie qu'elle organise à la mairie du 11e arrondissement, après les différents hommages.

"Le procès a sans doute renforcé le besoin d'être ensemble", confirme Philippe Duperron, président de l'autre association de victimes, 13onze15 Fraternité et vérité. "Dans la salle d'audience, il y a eu des regards, des mains tendues, on a ressenti beaucoup de solidarité."

Son organisation recense elle aussi plus d'inscrits qu'à l'habitude pour le déjeuner qu'elle organise après la cérémonie officielle.

Cette année, "la commémoration fait figure de marqueur du grand récit partagé qui se construit actuellement au procès", observe l'historien Denis Peschanski, coresponsable du Programme 13-Novembre, un vaste projet de recherche qui étudie l'évolution de la mémoire des attentats sur dix ans. 

L'audience et sa retranscription dans la presse "influencent la mémoire collective des Français" et a permis "de compléter le puzzle avec des morceaux qu'on ne connaissait pas encore", constate-t-il.

Ses recherches, menées auprès d'un échantillon représentatif de la population française, montrent qu'au-delà du carnage du Bataclan, le procès a notamment "fait réémerger les lieux du 13-Novembre dans leur globalité", grâce aux témoignages des victimes du Stade de France et des terrasses, que le grand public avait progressivement tendance à oublier.

Six ans après ces attentats, la menace terroriste reste très élevée en France, mais prend désormais de nouvelles formes.

Comme l'ont montré les assassinats de la fonctionnaire de police Stéphanie Monfermé en avril à Rambouillet (Yvelines), ou de l'enseignant Samuel Paty en octobre 2020, elle est désormais portée par des assaillants plus "autonomes" dont le lien avec les organisations terroristes, qui ne revendiquent plus systématiquement leurs actions, s'est largement distendu.

Avec AFP