Le président américain Barack Obama a entamé samedi une tournée express en Asie. Si plusieurs points économiques et sécuritaires devraient être abordés, peu d’accords concrets ont de réelles chances d'être conclus.
Le président américain Barack Obama est en tournée express en Asie - la première depuis son arrivée à la Maison Blanche. Un multitude de problèmes économiques régionaux et sécuritaires requièrent son attention, mais il est très probable que peu soient résolus durant cette tournée. Son voyage est surtout le point de départ d’une nouvelle phase de l’engagement américain la région : une zone qui représente plus de la moitié du commerce mondial.
Contrairement aux États-Unis et à l’Europe, fortement touchés par la récession économique, de nombreuses économies asiatiques - Chine, Inde, Indonésie, Vietnam... - ont maintenu leur croissance. Mais Washington, confrontée à des difficultés économiques et qui mène deux guerres de front, n’a pas su se positionner et profiter du dynamisme asiatique. Au contraire, le pays a observé passivement la multiplication des pactes commerciaux conclus ces dernières années, tandis que le PIB régional a doublé, entre 2004 et 2008.
Une réaction tardive
La Chine, l’Inde, Corée du Sud et la Nouvelle-Zélande ont déjà signé des accords de libéralisation des échanges commerciaux avec les 10 membres de l’Association des nations asiatiques du sud-est (Asean). Les 21 pays de la Coopération économique pour l’Asie-Pacifique (Apec), parmi lesquels figurent les Etats-Unis, représentent 55 % du PIB global et près de 45 % du commerce mondial.
"On [les États-Unis] observe en spectateur les nations asiatiques passer de nouveaux accords commerciaux entre elles, mais sans y prendre part", regrettait mercredi le président la Chambre de commerce américaine Thomas Donahue, dans une interview accordée au Wall Street Journal. "Cela aboutit de facto à la création d’une zone de libre-échange en Asie de l’Est et donc à l’émergence d’un troisième bloc économique, aux côtés de l’Amérique du Nord et de l’Europe."
Thomas Donahue explique que 168 accords commerciaux sont actuellement en vigueur en Asie, tandis que les Etats-Unis disposent de seulement deux accords bilatéraux, avec Singapour et l’Australie, pour faire progresser leur position dans la région.
Selon les estimations du Fonds monétaire international (FMI) du mois d’octobre, les économies asiatiques connaîtront une croissance de 2,75 %, en 2009, et de 5,75 % en 2010 : des prévisions qui sont aux antipodes des annonces de stagnation, voire de récession, aux Etats-Unis et en Europe occidentale.
Okinawa fait de la résistance
La rencontre entre Barack Obama et le Premier ministre japonais Yukio Hatoyama intervient alors que l’Alliance sécuritaire entre les deux pays fête ses 50 ans. Mais la relocalisation d’une base militaire à Okinawa, qui abrite une partie des 47 000 soldats américains présents au Japon, complique une peu plus cette relation. Les habitants de l’île se montrent en effet fermement opposés à la présence de forces américaines.
Lors de son passage à Tokyo, Barack Obama entend obtenir quelque chose de concret : le renouvellement de l’aide japonaise en Afghanistan. Yukio Haotyama a déclaré, après son élection en septembre, qu’il souhaite "équilibrer" les relations entre Tokyo et Washington. Après avoir annoncé qu’il ne renouvellerait pas le mandat de l’armée japonaise dans l’océan Indien (qui permettait notamment aux troupes américaines basées en Afghanistan de se ravitailler depuis 2001), le Premier ministre nippon s’est engagé à verser une aide non-militaire de 5 milliards de dollars à l’Afghanistan.
Etats-Unis et Japon ont un intérêt commun à ce que la Corée du Nord abandonne son programme nucléaire. Tous deux ont donc pris des engagements dans ce sens. Une attitude reflétée par la Corée du Sud, qui fera de cette question un des principaux sujets de la visite de Barack Obama, le 18 novembre prochain.
À la recherche de l'influence perdue
Les discussions avec la Chine, où le président Obama est attendu mardi pour un diner d’Etat, promettent d’être intéressantes. Principal objectif : réduire le déséquilibre commercial entre les deux pays, la Chine étant le deuxième partenaire économique des Etats-Uni. Il s'agit aussi de convaincre Pékin de concentrer ses efforts commerciaux sur le marché intérieur - en lieu en place de sa politique (agressive) d’exportations. Enfin, Obama devrait demander à la Chine, principal détenteur de la dette américaine, de réévaluer à la hausse sa monnaie - le yuan.
L'influence chinoise dans la région étant loin d’être négligeable, le président américain s’efforcera également d’obtenir le soutien du pays sur les dossiers nucléaires - nord-coréen et iranien.
"Dans la région, on s’accorde à dire que l’influence des Etats-Unis est sur le déclin depuis un décennie, tandis que celle de la Chine s’est accrue", a reconnu jeudi Jeffrey Bader, le conseiller d’Obama pour l’Asie de l’Est. "Mais les Etats-Unis ont des intérêts vitaux dans la region et sont là pour longtemps", a ajouté Bader.
Marche arrière stratégique sur le dossier birman
La présence du président américain au sommet de l’Asean, ce week-end à Singapour, a fait couler beaucoup d’encre. Il s’agit en effet du premier sommet entre les Etats-Unis et Asean auquel participeront les dirigeants birmans.
Pendant des années, Washington a soigneusement évité tout contact avec le régime militaire birman, à cause du non-respect des droits de l’homme et de l’emprisonnement systématique des opposants - dont Aung San Suu Kyi. Signe d'un dialogue, le secrétaire d’État adjoint Kurt Campbell s’est rendu en Birmanie pour rencontrer les dirigeants de la junte pour ce qui a constitué le point d’orgue de l’engagement américain dans le pays depuis quatorze ans.
Les précédentes tentatives pour réunir les Américains, l’Asean et les Birmans avaient systématiquement échoué, Washington ayant toujours refusé de siéger à la même table que le régime de Rangoun.
Jeudi, la secrétaire d’Etat Hillary Clinton a indiqué que des discussions en tête-à-tête entre les deux pays n’étaient pas à l’ordre du jour. Elle a néanmoins précisé qu’une "opportunité de rencontrer les dirigeants birman" existe.