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La Côte d’Ivoire face au défi de la vidéo-verbalisation

Radars fixes et embarqués, alcootests systématiques, vidéo-verbalisation… Depuis le mois de septembre, une vaste campagne de renforcement de la sécurité routière a été lancée en Côte d’Ivoire par les autorités. L’initiative part d’un constat : les accidents mortels se sont multipliés ces dernières années.  Mais sur le terrain, les automobilistes peinent encore à s’adapter à ce nouveau dispositif.  

"Je me sens un peu plus en sécurité pendant mon trajet en gbaka ces jours-ci", témoigne Aissata, tout juste descendue du bus à son arrêt habituel. La jeune assistante de direction emprunte ce mode de transport informel tous les matins pour se rendre à son lieu de travail. 

Ce qui a changé depuis deux mois en Côte d'Ivoire, c’est la présence de radars et de caméras de vidéo-surveillance sur les grands axes routiers d’Abidjan, comme le boulevard Valéry-Giscard-d'Estaing, qu’elle parcourt au quotidien. 

“Il y a tellement d’accidents stupides sur les routes à Abidjan,” ajoute-t-elle. “Mais j’ai l’impression que la peur de se faire verbaliser oblige les conducteurs à mieux se comporter, à être plus disciplinés.” 

En moyenne, la Côte d’Ivoire enregistre chaque année plus de 6 500 accidents qui occasionnent plus de 700 tués et 13 000 blessés. Selon les statistiques officielles, 94 % des accidents de circulation sont dus aux conducteurs ou usagers et 6 % imputables au mauvais état des véhicules et du réseau routier.

C’est face à ce constat que le gouvernement ivoirien a lancé, en septembre dernier, un système de surveillance intelligent dans la métropole, avec pour mesure phare la vidéo-verbalisation.

Une baisse des accidents à Abidjan

Après trois semaines de campagne de sensibilisation au respect du code de la route, le ministère des Transports a estimé que la répression pouvait commencer le 7 septembre dans la capitale économique, concernée par 40 % des accidents intervenant sur tout le territoire ivoirien. 

Au total, ce sont 140 radars qui ont été installés dans la capitale économique. Mais le dispositif dit intelligent va plus loin : les automobilistes flashés pour excès de vitesse reçoivent une notification de leur verbalisation par SMS et ont la possibilité de consulter leur fiche de contravention en ligne. 

Selon Souleymane Coulibaly, chef des opérations au Centre de gestion intégrée et de la mobilité (CGIM), le système mis en place est simple et efficace. "Nos agents qui sont là reçoivent des images et s’assurent de la qualité des images traitées. On a une étape de qualification, on s’assure que toutes les informations qui sortent de la base de données sont conformes à l’image qu’on a sur la vidéo. Après on transmet toutes les informations à la police," explique-t-il. 

Le ministère des Transports se félicite des premiers résultats de la campagne. Il annonce que le nombre d’accidents à Abidjan a baissé d’au moins 30 %. 

Sur les routes, les conducteurs tendent à confirmer le bilan officiel. Ibrahim, automobiliste d’une quarantaine d’années, avoue être plus prudent depuis que les radars ont été installés dans la ville. “La circulation est plus tranquille et fluide. C’est vrai que j’ai parfois envie de rouler plus vite par habitude, mais je fais attention pour éviter de me faire flasher. Et je ne suis pas le seul..."

Une régularisation des plaques 

Néanmoins, les plaintes pour verbalisations erronées se multiplient sur les forums en ligne depuis un mois. Dans une publication postée sur Facebook, un automobiliste du nom de Wesse Dable partage son expérience : il a été verbalisé pour excès de vitesse à Abidjan, alors que son véhicule est en maintenance depuis avril 2021 à San Pedro, une ville située à plus de 500 kilomètres. 

Après réclamation, sa contravention a été annulée. L’agent en charge de son dossier précise que le radar a bien fonctionné, mais que la plaque enregistrée était défectueuse et que le responsable de l’infraction a été identifié. Sur les réseaux sociaux, les témoignages comme celui-ci sont légion. 

C’est justement ce qui justifie la répression par la vidéo-surveillance, estime le ministre des Transports. "Quand on a commencé la répression, Abidjan s’est vidée. Ça veut dire qu’il y a beaucoup de gens qui ne sont pas en règle", relève Amadou Koné, qui rappelle que le système mis en place vise avant tout à dissuader les comportements illégaux et irréguliers. "Cette campagne de répression est justement là pour que les gens se mettent en règle". 

C’est un point de vue que partage Éric Yedoh, le président de l’Association des vendeurs de véhicules de Côte d’Ivoire. Depuis plusieurs semaines, des revendeurs informels se voient fréquemment verbalisés pour des infractions commises par des acquéreurs n’ayant pas effectué la mutation de leur plaque d’immatriculation. 

Une raison de plus pour mettre en place de nouvelles règles et structurer les ventes, conclut ce propriétaire d’un parc automobile situé près de l’aéroport d’Abidjan. "Quand vous venez prendre une voiture chez nous maintenant, nous prenons soin de faire la mutation dans les 72 heures qui suivent pour que nous ne soyons pas verbalisés après… et payer des amendes pour rien. Ça va rendre tout le monde droit, réglo."