Quelque 18 millions d'électeurs étaient appelés aux urnes mercredi au Maroc pour renouveler le Parlement. Le nouveau chef du gouvernement sera issu du parti arrivé en tête lors de ce scrutin législatif. L'avenir des islamistes au pouvoir depuis plus d'une décennie est en jeu.
Les Marocains ont voté, mercredi 8 septembre, lors d'élections générales qui devraient déterminer l'avenir du parti islamiste PJD, au pouvoir depuis une décennie et qui a dénoncé de "graves irrégularités" lors du scrutin.
"Nous suivons avec une vive inquiétude le déroulement des élections au niveau national. Nous avons relevé plusieurs irrégularités", a déploré le Parti de la justice et du développement (PJD) dans un communiqué publié en fin d'après-midi.
Ce parti islamiste modéré a dénoncé "la distribution obscène d'argent" à proximité de bureaux de vote ainsi que des "confusions" sur certaines listes électorales, des citoyens n'y trouvant pas leur nom.
Le PJD a exhorté les autorités à intervenir "sévèrement et rapidement" pour "ne pas entacher la transparence des élections".
La fin de la courte campagne électorale, marquée par l'absence de grands meetings politiques pour cause de Covid-19, avait déjà été empoisonnée par des accusations d'achat de voix.
L'enjeu de la participation
Les opérations de vote ont pris fin à 19 h (18 h GMT) et le dépouillement des bulletins était en cours dans la soirée. Selon le ministère de l'Intérieur, le taux de participation a atteint 36 % au niveau national à 17 h.
Une déclaration du ministère de l'Intérieur sur les résultats provisoires était attendue dans la nuit de mercredi à jeudi, vers 0 h 30 (23 h 30 GMT), selon des médias locaux. Les résultats définitifs devraient être connus jeudi.
C'était la première fois que les 18 millions d'électeurs choisissaient leurs 395 députés le même jour que leurs représentants communaux et régionaux. Ce qui pourrait réduire l'abstention.
Pour le quotidien L'Économiste, la participation est le "véritable enjeu des scrutins" de mercredi. Elle avait plafonné à 43 % lors des précédentes législatives.
"Aujourd'hui est un jour important au Maroc. Je vote car c'est mon devoir", a dit à l'AFP un électeur dans un bureau de vote de Casablanca, la capitale économique.
Le chef du gouvernement sera issu du parti arrivé en tête du scrutin législatif. Il est nommé par le roi Mohammed VI et chargé de former son exécutif pour un mandat de cinq ans.
Dans ce royaume de 36 millions d'habitants, les décisions et les grandes orientations des secteurs stratégiques restent l'apanage du monarque.
Polémique en fin de campagne
Longtemps cantonné dans l'opposition, le PJD espère briguer un troisième mandat consécutif à la tête du gouvernement.
Il avait remporté un succès électoral historique après les protestations du "Mouvement du 20 février" – version marocaine du Printemps arabe de 2011 – qui réclamait la fin de "la corruption et du despotisme".
Une vive polémique a éclaté ces derniers jours entre le PJD et son rival libéral du Rassemblement national des indépendants (RNI), deux des favoris des législatives, avec le Parti authenticité et modernité (PAM, libéral) et le Parti de l'Istiqlal (centre-droit) qui sont dans l'opposition.
L'ancien chef du gouvernement et ex-secrétaire général du PJD, Abdelilah Benkirane, a jugé que "la présidence du gouvernement a besoin d'une personnalité politique intègre", en ciblant Aziz Akhannouch, patron du RNI et riche homme d'affaires, dans une vidéo sur Facebook.
Ministre de l'Agriculture depuis 2007, Aziz Akhannouch a rétorqué que les critiques des islamistes étaient "un aveu d'échec" et "ne visaient qu'à semer la zizanie".
À la tête d'une des plus grosses fortunes du pays et décrit comme un proche du Palais royal, le ministre a joué un rôle clé dans le précédent gouvernement, contrôlant des portefeuilles importants comme l'Économie et les Finances ou l'Industrie.
Nouveau mode de calcul pour répartir les sièges
C'est la première fois depuis la tenue des premières élections au Maroc en 1960 que la répartition des sièges à la Chambre des représentants sera calculée sur la base du nombre des électeurs inscrits et non des votants. Ce nouveau mode de calcul devrait handicaper les grands partis, au profit des petites formations.
Car s'il réalisait le même score qu'en 2016, le PJD n'obtiendrait cette fois, selon les estimations, que 80 à 85 sièges, contre 125 à l'époque. Ce qui compliquerait sa tâche de constituer une nouvelle coalition gouvernementale en cas de victoire.
Après le scrutin, l'ensemble des partis politiques est censé adopter "un pacte" découlant d'un "nouveau modèle de développement", qui préfigure une "nouvelle génération de réformes et de projets", comme l'a promis récemment Mohammed VI.
Avec AFP