Plus de deux Français sur trois ont choisi, dimanche, de ne pas se rendre aux urnes lors du premier tour des élections régionales, un record d'abstention pour un vote hors référendum qui atteindrait entre 66,1 % et 68,6 %, selon les premières estimations des instituts de sondage.
Ce dimanche 20 juin, 48 millions de citoyens sont appelés aux urnes pour le premier tour des régionales et départementales en France. Ce dernier scrutin avant la présidentielle – dans 10 mois – a été marqué par une forte abstention.
L'abstention s'élèverait à 66,1 %, selon un sondage Ipsos/Sopra Steria pour France Télévions, Radio France et la Chaîne parlementaire. Elle serait légèrement plus forte à 68 % selon Opinionway pour CNews et pour Ifop Fiducial pour TF1/LCI, et s'élèverait à 68,5 % selon Elabe pour BFM/RMC. L'institut Harris pour M6 estime la participation à 31,4 %.
Le président de la République Emmanuel Macron a voté à la mi-journée au Touquet, dans le Pas-de-Calais, département où son adversaire Marine Le Pen a glissé un bulletin dans l'urne, plus tôt à Hénin-Beaumont. Le Premier ministre Jean Castex a quant à lui rempli son devoir d'électeur à Prades, dans les Pyrénées-orientales.
Les enjeux sont multiples : le RN va-t-il décrocher sa première région ? Quel avenir pour les potentiels candidats à l'Élysée ? La majorité limitera-t-elle la casse ? Quelles alliances pour le second tour, le 27 juin ? L'abstention risque pourtant d'être le grand vainqueur de ce premier tour, au moment où l'épidémie du Covid, responsable d'un report du scrutin de trois mois, recule et la vie retrouve un semblant de normalité.
Elle pourrait aussi être nourrie par des dysfonctionnements dans la distribution de la propagande électorale, épinglés samedi par les collectivités et les partis. Les compétences dévolues aux régions (transports, lycées, formation professionnelle...) et départements (collèges, RSA, aides sociales...) touchent pourtant au plus près à la vie quotidienne des Français.
Désintérêt de la population
Au terme d'une campagne anesthésiée par la crise sanitaire, l'intérêt n'a jamais décollé pour ce scrutin dont les enjeux sont à la fois exacerbés et dépassés par la proximité de l'élection présidentielle. La sécurité s'est ainsi immiscée parmi les sujets majeurs, bien qu'elle ne relève pas des compétences des régions. Deux candidats potentiels de la droite à l'Élysée, Xavier Bertrand et Valérie Pécresse, ont annoncé qu'ils arrêteraient la politique s'ils n'étaient pas réélus dans leur région respective, les Hauts-de-France et l'Île-de-France, contribuant à nationaliser l'échéance.
Le Rassemblement national compte, lui aussi, utiliser ces régionales comme rampe de lancement pour Marine Le Pen, candidate déjà déclarée pour 2022. En 2015, l'élan du parti d'extrême droite était déjà fort à l'issue du premier tour. Mais il s'était brisé contre la digue du "front républicain", dressée notamment par le sacrifice du Parti socialiste en Provence-Alpes-Côte d'Azur (Paca) et dans les Hauts-de-France.
Campagne sous tension
Cette fois, le barrage semble plus fragile et les partis traditionnels plus réticents à s'effacer complètement pour les six prochaines années. L'entre-deux tours promet des tractations intenses, jusqu'au dépôt des listes mardi 18 h. Le psychodrame en Paca, où le rapprochement entre le président sortant Renaud Muselier (LR) et LREM a précipité la droite dans une crise ouverte, a donné un avant-goût des empoignades à venir.
Les tensions qui ont marqué la campagne – gifle au président, candidats enfarinés, polémiques – ont culminé samedi par l'altercation entre une candidate communiste et un candidat RN dans les Alpes-Maritimes.
Il y a six ans, la droite et le centre étaient parvenus à conserver sept régions et le PS, cinq. Depuis, ces deux grandes forces de gouvernement ont dévissé au niveau national, mais comptent sur leur ancrage local pour limiter les dégâts.
Les ex-LR Valérie Pécresse et Xavier Bertrand restent bien placés, tout comme Jean Rottner dans le Grand Est et Laurent Wauquiez, autre postulant possible à l'Élysée, en Auvergne-Rhône-Alpes.
La position du PS est plus fragile, tandis que les Verts entendent profiter de la dynamique qui les a portés à la tête de plusieurs grandes villes aux municipales. Les écologistes misent notamment sur un succès en Pays de la Loire avec Matthieu Orphelin.
La majorité présidentielle aborde le scrutin avec des ambitions modestes – avec le ministre Marc Fesneau, un MoDem, comme principal atout dans le Centre-Val-de-Loire. La majorité nourrit surtout l'espoir de se placer en position de faiseurs de rois.
En cas de grosse déconvenue, la question d'un remaniement gouvernemental risque de se poser, alors qu'Emmanuel Macron doit exposer, début juillet, la feuille de route de la dernière année de son quinquennat.
Pour les élections départementales, le scénario est identique : les sortants devront faire face à la poussée du RN qui, là non plus, ne détient aucun département.
Cinq collectivités d'outre-mer – Mayotte, la Réunion, la Guadeloupe, la Guyane et la Martinique – sont également appelées aux urnes pour renouveler les élus de leur département, régions ou collectivité territoriale.
Avec AFP