Après une semaine de manifestations contre le gouvernement et de répression meurtrière, les Colombiens sont une nouvelle fois descendus dans les rues de plusieurs villes du pays mercredi. Le président Ivan Duque a dénoncé "vandalisme violent" et proposé un dialogue, qui ne devrait toutefois pas débuter avant plusieurs jours.
Des milliers de Colombiens sont à nouveau descendus dans les rues contre le gouvernement de droite du président Ivan Duque, mercredi 5 mai, sous l'œil de la communauté internationale qui a condamné la répression policière et les violences d'une semaine de manifestations.
Syndicats, étudiants, indigènes et d'autres secteurs se sont mobilisés dans plusieurs grandes villes contre les politiques de santé, d'éducation, de sécurité et pour dénoncer les abus des forces de l'ordre.
Les violences ont fait au moins 24 morts et quelque 850 blessés, selon des sources officielles. Mais des ONG locales ont annoncé des chiffres plus élevés, notamment Temblores avec 37 morts. Reporters sans frontières (RSF) a déploré 76 agressions contre des journalistes, dont 10 ont été blessés par les forces de l'ordre.
Le président Duque a dénoncé mercredi "des faits de vandalisme violent, de terrorisme urbain", le ministre de l'Intérieur, Daniel Palacios, lançant "un appel à la non violence".
À Bogota, des affrontements ont opposé des manifestants à la police qui les a dispersés avec des gaz lacrymogènes, alors qu'ils tentaient de pénétrer dans le parlement, adjacent au siège de la présidence. Environ 5 000 personnes s'étaient rassemblées au cœur de la capitale, arborant des slogans tels que "Duque démissionne". Des groupes se sont ensuite dirigés vers le domicile du président, dans le nord de la ville.
Un "gouvernement sourd"
Des traces de violence restaient visibles à Bogota : postes de police incendiés, stations de bus et succursales bancaires vandalisées, résidus de pneus brûlés, après de graves heurts la nuit précédente qui ont fait 46 blessés, dont 16 agents.
"Cela fait mal de voir ça, mais nous blesse encore plus la négligence de ce gouvernement sourd, qui préfère recourir à la force publique, soutenir les banques, les grandes entreprises, plutôt que d'aider" les gens, a déclaré à l'AFP Hector Cuinemi, un étudiant de 19 ans.
La situation semblait plus calme que ces jours derniers à Cali (sud-ouest), avec une marche comptant quelque 3 000 indigènes. Les accès de la ville restaient toutefois bloqués, alors que des pénuries, notamment de carburants, commençaient à s'y faire sentir.
La manifestation était tranquille également à Medellin (nord-ouest), où environ 8 000 personnes ont marché sur fond de slogans contre l'ex-président de droite dure Alvaro Uribe (2000-2010), mentor politique d'Ivan Duque.
Début de dialogue
La mobilisation a débuté le 28 avril contre un projet de réforme fiscale qui, selon ses critiques, affectait la classe moyenne et était inopportun en pleine pandémie de Covid-19. Le président l'a retiré, promettant un nouveau texte sans les points les plus contestés comme la hausse de la TVA et l'élargissement de la base de l'impôt sur le revenu. Mais la mobilisation s'est maintenue mercredi sous de nouveaux mots d'ordre contre la politique d'Ivan Duque.
Le chef de l'État a dénoncé mercredi "une organisation criminelle, qui se cache derrière des aspirations sociales légitimes pour déstabiliser la société, générer la terreur". Tout en apportant son soutien aux forces de l'ordre, il a annoncé des "espaces de dialogue", soit 11 réunions prévues à partir de la semaine prochaine.
Avec AFP