Malgré les déclarations du président Ivan Duque se disant prêt à chercher un "consensus", la Colombie a vécu samedi sa quatrième journée consécutive de manifestations contre le projet de réforme fiscale du gouvernement.
Des dizaines de milliers de Colombiens ont manifesté, samedi 1er mai, pour le quatrième jour consécutif pour réclamer le retrait d'un projet de réforme fiscale, présenté par le gouvernement en pleine pandémie et accusé de toucher surtout la classe moyenne.
L'annonce vendredi soir du président de droite Ivan Duque, qui s'est dit prêt à réviser le projet de réforme afin de trouver un "consensus", n'a pas affaibli la détermination des protestataires.
Alors que la Colombie est secouée par une troisième vague de Covid-19, les manifestants sont descendus dans la rue à Bogota, mais aussi à Medellin, Cali, Barranquilla et Neiva, ainsi que dans d'autres villes du pays.
"C'est incroyable, nous sommes en pleine crise" et le gouvernement décide "de conduire une réforme fiscale (qui) appauvrit davantage le peuple", a déploré auprès de l'AFP Julian Naranjo, un responsable environnemental, pendant la manifestation à Bogota.
"Il ne s'agit pas seulement du retrait de la réforme, (c'est) la cerise sur le gâteau. Toute la gestion de la pandémie et tout ce qui s'est passé avec ce gouvernement nous a explosé à la figure (...) nous sommes contre toutes les politiques de ce gouvernement", a témoigné Maria Teresa Flores, 27 ans.
Des critiques venus de l'ensemble de la classe politique
Le projet de réforme fiscale vise à relancer la 4e économie d'Amérique latine, très affectée par la pandémie et dont le PIB a chuté de 6,8 % en 2020. Avec son projet initial, le gouvernement entendait collecter quelque 6,3 milliards de dollars entre 2022 et 2031.
Mais il a été rejeté par l'opposition, les syndicats, les universitaires et d'autres secteurs qui le jugent inopportun et défavorable à la classe moyenne. Même le parti au pouvoir et ses alliés ont émis des critiques.
Les premières manifestations ont rassemblé des dizaines de milliers de personnes mercredi dans plusieurs villes du pays. D'autres protestations, moins fournies, ont eu lieu les jours suivants. Certaines manifestations ont été suivies d'incidents violents, ayant fait notamment des blessés.
Des ONG et l'opposition ont multiplié les accusations de violences contre les forces de l'ordre pendant les manifestations, des allégations rejetées par le gouvernement.
Pour l'heure, le ministère de la Défense, qui supervise la police en Colombie, a reconnu un décès et n'a pas donné de bilan officiel sur le nombre de blessés parmi les manifestants. Il a également fait état d'un mort et 209 blessés parmi les forces de l'ordre et de 203 arrestations.
Enquête sur six homicides
Le parquet a annoncé samedi enquêter sur six homicides ayant eu lieu pendant les quatre jours de manifestations et de troubles, notamment dans le centre et le sud-ouest du pays où 3 000 policiers et militaires ont été déployés vendredi à Cali.
Le parquet a "eu connaissance de neuf homicides", mais enquête pour déterminer "si six d'entre eux ont un lien avec les manifestations sociales dans la région", a indiqué son service de presse à des journalistes.
Le Défenseur du peuple, indépendant, a fait état de 179 civils blessés et deux morts, à Bogota et à Neiva.
Les accusations d'abus de la part des forces de l'ordre ont ravivé de mauvais souvenirs en Colombie. En septembre, le pays avait été secoué par plusieurs jours d'émeutes pour protester contre les violences policières après le décès d'un ingénieur de 43 ans roué de coups dans un commissariat. Treize personnes avaient été tuées et plusieurs centaines blessées.
La Colombie, peuplée de 50 millions d'habitants, a comptabilisé plus de 2,8 millions de cas de Covid-19, dont près de 74 000 mortels, ce qui en fait le 5e pays d'Amérique latine comptant le plus de décès proportionnellement à sa population, selon un décompte de l'AFP.