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Un affront infligé en Turquie à Ursula von der Leyen provoque la colère de Bruxelles

Lors d'une réunion mardi à Ankara, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a dû s'asseoir en retrait sur un divan tandis que le président du Conseil, Charles Michel, a pu s'installer aux côtés du président turc Recep Tayyip Erdogan. Un faux pas protocolaire jugé "sexiste" à Bruxelles, provoquant la colère de plusieurs élus européens. 

Bruxelles a déjà surnommé cet épisode "le sofagate". Mardi 6 avril, un affront a été infligé à la présidente de la Commission européenne, l'Allemande Ursula von der Leyen, lors d'une réunion entre les présidents des institutions de l'Union européenne et le dirigeant turc Recep Tayyip Erdogan organisée à Ankara. Celle-ci a dû se placer en retrait sur un divan, tandis que les deux hommes s'installaient sur deux fauteuils côte à côte. 

La scène, qui a été filmée, a déclenché une controverse à Bruxelles. "Ehm", murmure l'ancienne ministre de la Défense d'Angela Merkel, apparemment désemparée, au début d'une vidéo largement diffusée sur les réseaux sociaux. Elle semble ne pas savoir où s'installer alors que le président du Conseil européen, Charles Michel, et le président turc s'installent dans les deux sièges préparés pour la réunion. Elle opte finalement pour un divan légèrement en retrait, en face du ministre turc des Affaires étrangères, dont la fonction lui est inférieure dans la hiérarchie protocolaire.

European Commission President Ursula von der Leyen was taken aback to find her fellow top EU official taking the only chair available next to Turkish President Tayyip Erdogan when the duo visited Ankara, her spokesman said https://t.co/Sx4qB0SYyk pic.twitter.com/G6aZrh3hzm

— Reuters (@Reuters) April 7, 2021

"La présidente von der Leyen a été surprise. Elle a décidé de passer outre et de donner la priorité à la substance. Mais cela n'implique pas qu'elle n'accorde pas d'importance à l'incident", a expliqué mercredi 7 avril son porte-parole, Éric Mamer.

Un faux pas protocolaire  

"Les présidents des deux institutions ont le même rang protocolaire", a-t-il soutenu tandis que le Conseil européen a fait savoir que son président a la préséance sur la Commission pour le protocole international.

"Ursula von der Leyen attend d'être traitée selon les règles protocolaires et elle a demandé à ses services de faire en sorte que ce genre d'incidents ne se répète pas à l'avenir", a annoncé son porte-parole. "Il revient aux autorités turques, en charge de la rencontre, d'expliquer pourquoi il a été offert ce type de siège à Ursula von der Leyen."

"Les demandes de l'UE ont été respectées. Cela veut dire que la disposition des sièges a été réalisée à leur demande. Nous services de protocole se sont rencontrés avant la réunion et leurs demandes (de l'UE) ont été respectées", a déclaré le chef de la diplomatie turque, Mevlüt Çavusoglu, lors d'une conférence de presse à Ankara.

"Les accusations visant la Turquie sont injustes. La Turquie est un État profondément enraciné et ce n'est pas la première fois qu'on accueille des dignitaires étrangers", a-t-il ajouté.

Cette rebuffade intervient à un moment diplomatique délicat, alors que l'UE et la Turquie cherchent à renouer leurs relations après une année de tensions. Les Européens ne cachent pas leurs inquiétudes face aux violations des droits fondamentaux en Turquie et notamment la décision du président Erdogan de quitter la convention d'Istanbul sur la prévention de la violence contre les femmes et les enfants.

À l'issue de la rencontre, Ursula von der Leyen n'a pas mâché ses mots lors de la conférence de presse. "Je suis profondément inquiète du fait que la Turquie se soit retirée de la convention d'Istanbul", a-t-elle lancé. "Il s'agit de protéger les femmes, et de protéger les enfants contre la violence, et c'est clairement le mauvais signal en ce moment", a-t-elle ajouté. "Les questions relatives aux droits de l'Homme ne sont pas négociables."

De vives réactions à Bruxelles

L'affront fait à la première femme à occuper l'un des deux plus hauts postes de l'UE a suscité la colère de plusieurs élus européens à Bruxelles, qui y voient une volonté du président turc de relayer Ursula von der Leyen en raison de son sexe.

Sous le hashtag #Sofagate, elle a suscité de nombreux commentaires sur les réseaux sociaux sur l'inégalité de traitement entre les deux chefs des institutions européennes et son caractère sexiste.

"D'abord, ils se retirent de la convention d'Istanbul et maintenant, ils laissent la présidente de la Commission européenne sans siège lors d'une visite officielle. C'est honteux. #WomensRights", s'est insurgée la présidente du groupe socialiste au Parlement européen, l'Espagnole Iratxe Garcia Perez, dans un message sur son compte Twitter.

First they withdraw from the Istambul Convention and now they leave the President of European Commission without a seat in an official visit. Shameful. #WomensRights pic.twitter.com/p5Z4AHuHjK

— Iratxe Garcia Perez/♥️ (@IratxeGarper) April 6, 2021

"L'expression d'Ursula von der Leyen 'Ehm' est le nouveau terme pour 'ce n'est pas comme ça que la relation UE-Turquie devrait être menée'", a commenté l'eurodéputé écologiste allemand Sergey Lagodinsky.

Charles Michel n'a pas été épargné par les critiques. L'eurodéputée libérale néerlandaise, Sophie in 't Veld, s'est demandée pourquoi le président du Conseil était resté "silencieux" alors que sa collègue se retrouvait sans siège. En France, l'eurodéputée de la France insoumise Manon Aubry a dénoncé l'"incompréhensible passivité de Charles Michel qui légitime cet affront en ne réagissant pas".

Honteuse mise en scène d'Erdogan qui marque son mépris des femmes en humiliant @vonderleyen au moment où la Turquie quitte la Convention d'Istanbul contre les violences sexistes.

Incompréhensible passivité de @CharlesMichel qui légitime cet affront en ne réagissant pas. https://t.co/GEXffOEOxk

— Manon Aubry (@ManonAubryFr) April 7, 2021

Le principal intéressé a répondu mercredi. "L'interprétation stricte par les services turcs des règles protocolaires a produit une situation désolante : le traitement différencié, voire diminué, de la présidente de la Commission européenne", a-t-il expliqué dans un message sur son compte Facebook. "Sur le moment, tout en percevant le caractère regrettable de la situation, nous avons choisi de ne pas l'aggraver par un incident public", a-t-il soutenu.

Avec AFP