
Les opposants au Premier ministre arménien, Nikol Pachinian, ont lancé de nouvelles manifestations à Erevan, vendredi, au lendemain d'une journée très tendue. Le chef du gouvernement avait en effet mobilisé ses propres partisans dans la rue pour contrer ce qu'il a présenté comme une tentative de putsch.
L'opposition ne relâche pas la pression sur le Premier ministre arménien, Nikol Pachinian. Des milliers de personnes sont descendues dans la rue pour le deuxième jour consécutif, vendredi 26 février, pour exiger sa démission. La veille, le chef du gouvernement a dénoncé une tentative de coup d'État militaire après que le chef d'état-major a appelé à sa démission.
Après avoir campé dans la nuit, les opposants ont encore défilé dans le centre d'Erevan, agitant des drapeaux arméniens et scandant des slogans anti-pouvoir.
Le peuple doit descendre dans la rue et exprimer sa volonté pour qu'on évite un bain de sang et la crise", a lancé l'ex-Premier ministre Vazguen Manoukian, que l'opposition aimerait voir prendre la tête du gouvernement. "Ou bien nous nous débarrassons d'eux (le gouvernement, NDLR), ou bien nous perdons l'Arménie", a-t-il ajouté.
Dans le cortège où la colère était palpable, Grigor Airapetian, un retraité de 68 ans, estimait que "le temps de Nikol est terminé". "Tellement de jeunes gens ont été tués, nous avons subi une défaite militaire et la souveraineté du pays a été affaiblie", a-t-il expliqué à l'AFP, en référence au conflit qui a opposé le pays à l'Azerbaïdjan, l'an dernier, pour le Haut-Karabakh.
C'est dans ce contexte tendu que Paris a appelé, vendredi, au "dialogue" afin de préserver la démocratie arménienne.

"Les troupes n'ont pas été mobilisées"
Ces appels à la démission du Premier ministre n'ont rien d'inédit, et se sont déjà étendues jusqu'au président lui-même. Mais si les déclarations du chef d'état-major déplacent le mécontentement hors de la sphère politique, "il n'est pas pour autant question de parler de coup d'État à proprement parler", analyse Antoine Mariotti, journaliste à France 24. En effet, "les troupes n'ont pas été mobilisées, et les militaires n'ont pas pris les armes pour tenter de déloger Nikol Pachinian du pouvoir".
Cette sortie demeure malgré tout polémique, l'armée se devant de rester loyale au gouvernement, et suscite l'inquiétude, le chef d'état-major est entouré d'une quarantaine de hauts-gradés ayant réclamé publiquement la démission du Premier ministre dans un communiqué.
Mais jeudi, Nikol Pachinian a montré qu'il bénéficiait encore d'un soutien populaire important. Plusieurs de ses partisans - 20 000 selon les chiffres officiels - ont défilé autour de lui dans les rues de la capitale arménienne.
La perte du Haut-Karabakh vécue comme une humiliation
Depuis novembre dernier, plusieurs manifestations de l'opposition ont eu lieu pour appeler au départ du Premier ministre, accusé d'avoir vendu l'enclave du Haut-Karabakh à l'Azerbaïdjan au terme d'une guerre de 45 jours dans laquelle 4 000 Arméniens ont perdu la vie.
La perte du Haut-Karabakh est vécue comme une humiliation par de nombreux Arméniens, qui accusent Nikol Pachinian de ne pas avoir mené la guerre qu'il fallait, de ne pas avoir combattu assez fort, assez longtemps.
Alors que l'un des principaux partis d'opposition a appelé le Premier ministre à ne pas mener le pays vers la guerre civile, Nikol Pachinian a appelé ses détracteurs au dialogue, tout en menaçant d'arrestation ceux qui iraient plus loin que le simple appel à la contestation.