Alors que de nouveaux rassemblements ont été organisés samedi dans des dizaines de villes françaises contre la proposition de loi "Sécurité globale", les cortèges n’ont pas fait le plein. À Paris, les manifestants étaient quelques milliers au plus fort de l’après-midi, contre ce projet combattu depuis novembre par les défenseurs des libertés publiques et syndicats de journalistes.
Effet du Covid, essoufflement de la mobilisation ou mots d'ordre trop hétéroclites ? Les nouveaux rassemblements contre la proposition de loi "Sécurité globale", combattue depuis novembre par les défenseurs des libertés publiques et syndicats de journalistes, n'ont pas fait le plein samedi 30 janvier à travers la France. Regroupant aussi des Gilets jaunes et des partisans des "free parties", quelques milliers défilaient dans la capitale au plus fort de l’après-midi.
Sur l'ensemble de la France, les manifestations ont rassemblé 32 770 personnes, selon les chiffres donnés par le ministère de l'Intérieur en soirée. C'est loin de l'affluence de la plus importante journée de mobilisation, le 28 novembre, qui avait rassemblé 500 000 personnes dans le pays selon la coordination, 133 000 selon le gouvernement.
"La mobilisation est compliquée avec le Covid, mais pour autant, beaucoup estiment qu'il s'agit d'une loi liberticide", a assuré à l'AFP Dominique Besson-Milord, secrétaire départementale de la CGT, à Rennes, où 800 personnes se sont rassemblées, selon la préfecture.
"On sait bien qu'au bout d'un moment, il y a moins de monde", a pour sa part analysé Paul Garrigues, coprésident de la Ligue des droits de l'Homme (LDH) de Dijon, au milieu de quelques centaines de manifestants. "C'est le dixième événement, et les gens ne lâchent pas, c'est déjà ça", a voulu retenir Jean Latasse, militant d'Amnesty International à Strasbourg, où 300 personnes étaient présentes selon la police.
"Le plus important, c'est d'acter notre présence. Même si on n'est pas beaucoup, il faut montrer qu'on est là", renchérit Frédéric, qui a manifesté à Lille avec 800 personnes, selon la préfecture.
Article 24
Dans le viseur des manifestants, le texte sur la "Sécurité globale" présenté cet automne, et notamment son article 24 qui pénalise la diffusion malveillante d'images de membres des forces de l'ordre.
Une mesure défendue par le gouvernement pour qui elle vise à protéger les policiers victimes d'appels à la haine et au meurtre sur les réseaux sociaux, mais qui empêcherait selon ses détracteurs de filmer les forces de l'ordre en intervention et de documenter les violences policières.
"Surveillance généralisée"
Le collectif "#StopLoiSécuritéGlobale", lancé par des syndicats de journalistes et la Ligue des droits de l'homme, cible également les articles 21 et 22 sur l'usage des caméras-piétons et des drones par les forces de l'ordre. Il s'oppose en outre au "nouveau schéma national du maintien de l'ordre" (SNMO), régulièrement invoqué par les forces de l'ordre pour limiter la couverture médiatique des manifestations.
"Avec cette proposition de loi, viendrait tout un arsenal d'outils pour restreindre les libertés publiques et amplifier la répression : empêcher de filmer les pratiques policières, la surveillance généralisée par drone et par caméra-piéton, l'octroi de dangereux pouvoirs aux entreprises privées de sécurité…", plaident les membres du collectif, appelant à "faire tomber" ce texte, qui doit passer au Sénat en mars.
"Convergences des luttes"
Mais certains sont également venus défendre le droit à la culture.
Le collectif est d’ailleurs soutenu par les représentants du monde de la culture, mis à rude épreuve par la pandémie de Covid, et par les teufeurs adeptes des "free parties" techno, qui s'estiment visés par une répression policière abusive après la rave de Lieuron (Ille-et-Vilaine) au Nouvel an.
"Aujourd'hui, c'est le summum de la convergence des luttes : loi Sécurité globale, fichage, violences policières, monde de la culture et étudiant délaissés et en souffrance, sanctions trop élevées sur le monde de la free party", s'est exclamée Marion, membre du collectif de teufeurs Maskarade et participante du rassemblement à Paris.
Dans la capitale, les organisateurs ont fait appel à la participation d'artistes et de musiciens "pour proclamer la liberté de créer, d'exercer, de jouer pour un public résolument vivant", face à la fermeture des lieux culturels.
"Le gouvernement ferme tous les lieux de pensée, de culture, d'échange et de sens critique, privilégiant les centres commerciaux aux théâtres, aux universités, aux salles de concert et aux cinémas. Nous voulons être libres, éveillés et debout !", proclament-ils, appelant à une mobilisation "dans le strict respect des gestes barrières et la détermination la plus totale".
Mais à Bordeaux, la fusion de deux rassemblements distincts, celui contre la Sécurité globale et celui, plus important, pour les free-parties, a laissé perplexes certains participants, qui se demandaient aux côtés de qui exactement ils manifestaient.
Heurts et canons à eau à Paris
Dans la capitale, où des Gilets jaunes partis de la place de la Nation ont rejoint le mouvement place de la République, les manifestants étaient quelques milliers au plus fort de l'après-midi.
Vers 17h00, une heure avant le couvre-feu imposé par le Covid, des heurts ont éclaté entre une cinquantaine de jeunes, principalement de la mouvance ultra gauche, et les forces de l'ordre, alors que les organisateurs avaient annoncé la dispersion. Après des jets de projectiles, les forces de l'ordre ont utilisé des canons à eau. La place a finalement été évacuée vers 17h30.
"On est sur un maintien de la mobilisation jusqu'en mars au moment du passage du texte devant le Sénat", a assuré Vincent Lanier, secrétaire général du Syndicat national des journalistes (SNJ).
Avec AFP