Le gouvernement polonais a entériné, mercredi, une décision du Tribunal constitutionnel conduisant à l'interdiction quasi totale de l'avortement, ce qui a provoqué la colère des mouvements de défense des droits des femmes et de l'opposition.
L’avortement est désormais presque interdit en Pologne. Des milliers de personnes sont descendues dans les rues du pays après que le gouvernement conservateur y eut annoncé, mercredi 27 janvier, que l'arrêt du Tribunal constitutionnel interdisant pratiquement l'avortement entrerait en vigueur à l'issue de sa publication le même jour au Journal officiel. Le texte a été publié tard, mercredi soir, sur le site internet du Journal officiel.
"Le Tribunal constitutionnel a présenté une justification écrite de l'arrêt sur la protection de la vie. Conformément aux exigences constitutionnelles, l'arrêt sera publié aujourd'hui (mercredi) dans le Journal officiel", a indiqué le Centre d'information du gouvernement sur Twitter.
"Non à la terreur"
Le Tribunal constitutionnel a proscrit, en octobre, l'interruption volontaire de grossesse en cas de malformation grave du fœtus, statuant qu'elle est "incompatible" avec la Constitution, ce qui aboutit à l'interdiction de toute IVG sauf en cas de viol ou d'inceste ou lorsque la vie de la mère est en danger.
À Varsovie, les manifestants ont allumé des fusées éclairantes, brandi des drapeaux arc-en-ciel, l'emblème des mouvements gays, ainsi que des pancartes avec les inscriptions "Cela signifie la guerre", "Libre choix, non à la terreur".
La manifestation, qui a commencé devant le siège du Tribunal constitutionnel à Varsovie, a entraîné un arrêt de la circulation. Les manifestants se sont ensuite dirigés vers le siège du parti ultra-catholique Droit et Justice (PiS) au pouvoir.
"Exprimez votre colère"
Des rassemblements similaires se sont déroulés dans d'autres villes polonaises, en dépit des restrictions interdisant les rassemblements de masse à cause de l'épidémie de Covid-19.
Des manifestations massives ont débuté en Pologne le 22 octobre, quand le Tribunal constitutionnel, réformé par le PiS et se conformant à ses souhaits, a pris cette mesure sur l'avortement.
Le gouvernement avait suspendu la publication de l'arrêt, à la suite de ces actions de protestation qui se déroulaient en pleine pandémie.
"Nous exhortons tout le monde à sortir dans la rue. (...) Exprimez votre colère comme bon vous semble", a déclaré à la presse, avant les manifestations, Marta Lempart, de la "Grève des femmes", le principal mouvement à l'origine des protestations.
"L'enfer des femmes"
"L'ensemble de la Pologne se mobilise, pas seulement Varsovie, nous sommes prêts ! Quand nous parlons de l'enfer des femmes, nous pouvons maintenant parler de l'enfer du gouvernement. Nous allons vous cuisiner un enfer", a ajouté Klementyna Suchanow, également de la Grève des femmes.
Le président de PiS "Jaroslaw Kaczynski est responsable du déclenchement de la guerre polono-polonaise", a déclaré pour sa part Borys Budka, le chef de la Plate-forme civique (centre libéral, opposition), "aucun gouvernement respectueux de la loi ne respectera cette pseudo-décision".
Selon lui, la publication de l'arrêt est "une provocation" et une tentative, de la part du gouvernement, de "cacher son incompétence" dans la lutte contre la pandémie du coronavirus et "l'échec du programme de vaccination" (...) tout "en jouant avec la santé et la vie des femmes polonaises".
Wanda Nowicka, du parti de Gauche, a tweeté : "Vous n'avez pas encore gagné cette guerre contre les femmes et vous ne la gagnerez pas".
La Pologne, un pays majoritairement catholique, a une des lois les plus restrictives en matière de l'avortement en Europe.
Aujourd'hui, il y a moins de 2 000 avortements légaux par an en Pologne, selon les données officielles. Les organisations féministes estiment par ailleurs qu'environ 200 000 IVG sont réalisées illégalement ou à l'étranger chaque année.
Avec Reuters