Des démocrates ont demandé, mercredi, qu’une enquête détermine si des élus républicains avaient aidé les émeutiers à organiser l’assaut du Capitole le 6 janvier. Trois membres du parti conservateur sont particulièrement soupçonnés à cause de leurs liens étroits avec les plus extrémistes des partisans de Donald Trump.
Des petits tours… et puis reviennent. Une trentaine de démocrates américains du Congrès ont demandé l’ouverture, mercredi 13 janvier, d’une enquête officielle concernant des visites guidées "suspectes" qui ont eu lieu au Capitole un jour avant le violent assaut mené par des partisans de Donald Trump.
C’est Mikie Sherrill, une élue démocrate à la Chambre des représentants, qui a été la première à faire état des soupçons de son camp au sujet d’une potentielle collusion entre des républicains du Congrès et les émeutiers. Dans un Facebook Live diffusé mardi, cette ancienne militaire a qualifié de missions de "reconnaissance" les visites organisées "par des membres républicains du Congrès" et appelle à ce que ces élus, qu’elle ne nomme pas, "rendent des comptes" pour le rôle qu’ils auraient joué pour faciliter l’assaut sur le Capitole.
Visites guidées "suspectes"
D’autres démocrates ont fait écho à ses accusations dans une lettre ouverte, publiée mercredi. Ils s’y étonnent du "très grand nombre de visites guidées" alors que l’accès au Capitole, en cette période de pandémie, est censé être restreint pour des raisons sanitaires. "Plusieurs d’entre nous, et certains de nos assistants, ont servi dans l’armée et ont été entraînés à reconnaître des activités suspectes", écrivent ces élus.
Ils ont demandé aux équipes de sécurité du Capitole de vérifier les caméras de surveillance et de se coordonner avec les autorités en charge de l’enquête sur l’assaut du Capitole pour vérifier si les images ne permettent pas d’identifier des émeutiers parmi les visiteurs du 5 janvier.
Il n’existe pour l’heure pas d’éléments concrets pour étayer ces accusations, et les républicains n’ont pas manqué de nier en bloc, suggérant que leurs collègues démocrates flirtaient dangereusement avec la théorie du complot.
Il n’empêche que cette demande d’ouverture d’enquête renforce l’impression d’un malaise croissant au sein de la classe politique américaine. "L’idée d’une insurrection est sans précédent dans l’histoire moderne américaine et la possibilité que des élus et alliés au sein du Capitole aient pu y participer contribue à l’incertitude et aux craintes du moment", résume la chaîne CNN.
Ces soupçons ont aussi été nourris par certaines voix au sein des jusqu’au-boutistes de la cause trumpienne. Ali Alexander, un agitateur ultraconservateur très actif et influent sur Internet et qui clame être l’organisateur en chef du mouvement "Stop the Steal" ("stop au vol" supposé de l’élection présidentielle par les démocrates) avait ainsi cité, dans une vidéo mise en ligne fin décembre, trois républicains qui auraient participé à l’organisation de la manifestation du 6 janvier devant le Capitole.
Trois "amis" du mouvement "Stop the Steal"
Ali Alexander avait désigné Paul Gosar et Andy Biggs, deux élus de l’Arizona, ainsi que Mo Brooks, représentant républicain d'Alabama, comme ses coconspirateurs dans la mise au point d’un plan "pour mettre une pression maximum sur les élus qui voteront [la certification des résultats de l’élection présidentielle, NDLR]". Cette vidéo, aujourd’hui effacée du Net, a déclenché la fureur des démocrates et de commentateurs politiques, qui y voient la preuve d’une collusion entre ces trois républicains et les émeutiers. "Ces trois-là vont avoir besoin de se trouver un avocat très rapidement", a assuré Charlie Dent, un ancien élu républicain de Pennsylvanie devenu analyste politique pour CNN.
Interrogés par le Washington Post, ces républicains qui appartiennent à la frange la plus pro-Trump du parti conservateur ont assuré n’avoir jamais eu de contact avec Ali Alexander. Il n’empêche qu’Andy Biggs avait exprimé son "soutien total" au mouvement "Stop the Steal" dans un enregistrement audio qu’Ali Alexander avait fait écouter à la foule lors d’un rassemblement pour préparer la manifestation du 6 janvier, a rapporté lundi le journal local Arizona Republic. Quant à Paul Gosar, il a "cité Ali Alexander plus d’une vingtaine de fois dans ses tweets depuis l’élection [du 6 novembre]", a calculé CNN.
I am proceeding with my objections on behalf of Arizona with @tedcruz and @RepAndyBiggsAZ
Leftist violence—or any violence— will not deter our mission for truth and transparency. The people need and deserve the truth. #StopTheSteaI2021 @ali @NBCNews @michellemalkin
Mais ce sont là davantage des preuves de proximité idéologique que de collusion pour organiser l’attaque de l’un des hauts lieux de la démocratie américaine. Pour savoir ce qu’il en est vraiment, il faudra probablement attendre les conclusions des multiples enquêtes qui ont été lancées pour identifier les responsables de l’assaut et leurs soutiens.
Deux procédures en particulier pourraient permettre d’y voir plus clair. Le Government Accountability Office, le bureau d’investigation du Congrès, a annoncé se pencher sur le rôle que des élus ont pu avoir "pour inciter les émeutiers à agir", tandis que l’inspecteur général de la police du Capitole a ouvert une vaste enquête pour déterminer comment la foule en colère a pu prendre aussi aisément possession du bâtiment.
Pour l’instant, aucune preuve concrète ne permet de relier des membres du Congrès aux tragiques événements du 6 janvier, ont affirmé les enquêteurs au Washington Post. Mais ils ont ajouté qu’ils prenaient très au sérieux les accusations lancées par les démocrates, notamment concernant les "visites guidées suspectes".
Il faut dire que les enquêteurs ont déjà beaucoup à faire avec un autre dossier très sensible : l’aide fournie aux émeutiers par des policiers du Capitole. Les selfies postés par des assaillants en compagnie de membres des forces de l’ordre durant l’attaque ont suggéré qu’ils n’avaient pas que des ennemis dans les rangs de la police ce jour-là.
Trois officiers présents au Capitole le 6 janvier ont déjà été suspendus de leur fonction et 17 autres font l’objet d’une enquête du département de la Justice, précise le New York Times.
Si les enquêtes concluent que des membres républicains du Congrès ont également aidé les émeutiers, les démocrates ont déjà averti qu’ils "chercheraient à imposer les sanctions adéquates, y compris l’exclusion du Congrès et l’interdiction d’occuper un poste électif pour le restant de leur vie", a résumé Jason Crow, représentant démocrate du Colorado. L’assaut sur le Capitole n’a certainement pas fini de secouer Washington et le paysage politique américain.