logo

Covid-19 : Paris assume les lenteurs de la campagne vaccinale

Des responsables politiques de tous bords ont critiqué, mercredi, la lenteur de la campagne de vaccination en France. Une stratégie toutefois assumée par le gouvernement, qui veut prendre le temps de la "pédagogie" dans un pays où la défiance envers les vaccins est forte. 

Déjà 78 000 personnes vaccinées contre le Covid-19 en Allemagne, 8 300 en Italie... et plus de 300 en France : le lent démarrage de la campagne vaccinale suscite critiques et incompréhension dans la classe politique et chez certains médecins, mais le gouvernement dit assumer sa stratégie. 

La France est-elle en retard par rapport à d'autres pays ? On compte déjà plus de 600 000 personnes vaccinées au Royaume-Uni, un million aux États-Unis et 650 000 en Israël, mais les comparaisons avec ces pays ne sont guère pertinentes car la vaccination y a débuté beaucoup plus tôt (respectivement les 8, 14 et 19 décembre). 

Accélérer pour sauver des vies  

Les pays de l'Union européenne, en revanche, ont démarré leur campagne vaccinale en même temps que la France, le 27 décembre. Or, moins de 200 personnes ont été vaccinées en France en quatre jours, contre plus de 78 000 en Allemagne et 8 300 en Italie. 

Une différence qui dénote un "retard français réel et impressionnant", a twitté le sénateur PS Rachid Temal. "On pourrait peut-être accélérer un peu" pour "sauver des vies", a critiqué le président de l'UDI, Jean-Christophe Lagarde, sur RMC. 

Le gouvernement avance "à tout petits pas", ce n'est "pas adapté" à la situation, a également déploré le généticien Axel Kahn. Il faudrait au contraire montrer de l'"enthousiasme" en accélérant la vaccination, sinon les 30 à 35 % de "vaccino-sceptiques" vont être convaincus que, "si on va si lentement", c'est "qu'il y a un danger", a-t-il estimé sur Europe 1. 

Des comparaisons dérisoires 

"Je récuse cette idée d'avancée à petits pas", s'est défendu sur LCI le Pr Alain Fischer, le "Monsieur vaccin" nommé par le gouvernement. Selon lui, il est "dérisoire" de faire des comparaisons entre pays sur les "quelques jours" écoulés depuis le début de la campagne. Ce démarrage lent, a-t-il expliqué, est dû au choix de vacciner en priorité les plus fragiles et à la complexité de livraison des doses du vaccin Pfizer/BioNTech, qui doit être stocké à - 80 degrés. 

#Vaccin – « Je pense que les comparaisons de nombre de personnes vaccinées au bout de quelques jours n'ont juste pas de sens. » – Pr Alain Fischer#24hPujadas #LCI #La26pic.twitter.com/ICmOq3IjwF

— 24h Pujadas (@24hPujadas) December 30, 2020

Le ministre de la Santé, Olivier Véran, avait "assumé", mardi, ce démarrage en douceur, assurant ne pas confondre "vitesse et précipitation". 

Le gouvernement privilégie la "pédagogie", a-t-il expliqué sur France 2 : "nous recueillons le consentement des personnes avant qu'elles soient vaccinées. Je crois que c'est un gage de confiance". 

Contrairement à l'Allemagne, la France a choisi "de faire se déplacer le vaccin jusqu'aux personnes dans les maisons de retraite et non pas de demander aux personnes des maisons de retraite de se déplacer", a justifié de son côté le porte-parole du gouvernement, Gabriel Attal, laissant entendre que cela pouvait ralentir le processus. 

Au final, "ce qui compte, c'est que d'ici le mois de janvier nous aurons rattrapé le décalage vis-à-vis de tout le monde", a assuré M. Véran. 

Je revendique que notre stratégie de vaccination débute par les plus fragiles, et s’accorde le temps de bien informer nos aînés et leur famille, et de recueillir leur consentement. C’est une condition de confiance pour réussir la vaccination en ????????. @France2tv pic.twitter.com/WeFdLkpQSm

— Olivier Véran (@olivierveran) December 29, 2020

Vaccination par priorité 

La stratégie par étape adoptée en France diffère-t-elle de celle de ses voisins ? 

La Haute Autorité de Santé (HAS) a défini un calendrier de vaccination par étape, donnant la priorité aux personnes à risque et à celles particulièrement exposées au virus. 

Concrètement, la campagne débute par les quelque 750 000 résidents des maisons de retraite ainsi que par les salariés de ces établissements "qui présentent eux-mêmes un risque de forme grave (plus de 65 ans et/ou avec comorbidité(s))". Les publics ciblés doivent ensuite être élargis par étape, les plus jeunes et les moins fragiles passant en dernier. 

Plusieurs pays voisins ont adopté des stratégies plus ou moins similaires : en Allemagne, la vaccination concerne pour le moment principalement les seniors en maisons de retraite, mais aussi leurs soignants, au Royaume-Uni priorité est donnée à ces mêmes catégories ainsi qu'aux plus de 50 ans et aux personnes à risque. En Italie, ce sont les professionnels de santé qui sont prioritaires, puis le personnel et les résidents des maisons de retraite. 

Élargissement de la cible 

Les autorités israéliennes ambitionnent une vaccination massive : l'objectif d'un million de vaccinés - sur neuf millions d'habitants - est envisagé d'ici à la fin de la semaine. Et le quart de la population devrait l'être d'ici à un mois. 

En France, certains demandent un élargissement des publics ciblés : "il faut faire vacciner les soignants en priorité", plaide Axel Kahn. "À titre individuel, j'aimerais être vacciné pour montrer l'exemple", a également souligné le Pr Philippe Juvin, élu LR et chef des urgences à l'hôpital Georges Pompidou. 

"Si nous devions vacciner tout le personnel soignant, nous n'aurions pas assez (de doses) pour tout le monde", a cependant rappelé l'immunologiste Stéphane Paul dans Libération. 

Avec AFP