
C'est la plus grave affaire de délits d'initiés jamais découverte, concernant les fonds spéculatifs américains : un milliardaire sri-lankais et plusieurs dirigeants de sociétés sont inculpés.
REUTERS - Un milliardaire sri-lankais gérant de fonds spéculatifs et des dirigeants de certaines des plus prestigieuses sociétés américaines ont été inculpés vendredi dans la plus grave affaire de délit d'initiés jamais découverte concernant des fonds spéculatifs.
Les différentes infractions auraient permis de réaliser 20 millions de dollars (13 millions d'euros) de profits illégaux sur plusieurs années.
Les enquêteurs ont expliqué avoir été autorisés à procéder à des écoutes téléphoniques pour la première fois dans une affaire de délit d'initiés à Wall Street, ce qui a suscité quelques remous dans le secteur des hedge funds, habitué à échanger des conseils et astuces de trading pour réaliser de gros profits.
Au centre de l'affaire, Raj Rajaratnam, âgé de 52 ans, son fonds spéculatif Galleon et deux dirigeants du hedge fund New Castle, qui fut une filiale de Bear Stearns Asset Management avant la chute de Bear Stearns l'an dernier. Ce fonds est toujours opérationnel.
Sont également mis en cause des dirigeants de grands groupes comme IBM, McKinsey & Co et du fonds d'investissement du groupe Intel, Intel Capital.
Selon une première plainte, Raj Rajaratnam aurait agi avec le directeur de la trésorerie d'Intel Capital, Rajiv Goel et Anil Kumar, directeur chez McKinsey & Co. Les faits se seraient déroulé sur trois ans à partir de janvier 2006.
Une seconde plainte accuse trois autres personnes, deux dirigeants de New Castle, Danielle Chiesi et Mark Kurland et un haut dirigeant d'IBM, Robert Moffat, de délits d'initiés leur ayant permis de gagner plusieurs millions de dollars.
Robert Moffat est par exemple accusé d'avoir transmis une information d'initié à New Castle au sujet du fabricant de puces Advanced Micro Devices, obtenue dans le cadre des négociations d'affaires entre IBM et AMD.
Il est aussi accusé d'avoir transmis de l'information sur IBM avant la publication des résultats trimestriels du groupe.
Risque de 20 ans de prison
Selon Daniel Lazaroff, professeur de droit des affaires à la faculté de droit Loyola, cette affaire montre l'ampleur des délits d'initiés aux Etats-Unis et que le risque d'être pris et sanctionné n'est souvent pas dissuasif.
Ironie du sort, IBM vend des logiciels pour aider les sociétés à prévenir des délits d'initiés.
"Cela monte que nous ciblons le délit d'initiés en cols blancs avec les mêmes puissantes techniques d'investigation qui ont si bien réussi contre la mafia et les cartels de la drogue", a déclaré un des responsables de l'enquête, Preet Bharara.
Compte tenu des chefs d'accusation retenus, les six risquent 20 ans de prison.
Ils sont également accusés au civil par le gendarme des marchés boursiers, la Securities and Exchange Commission (SEC) d'avoir fait des transactions à partir d'information privilégiées obtenues sur dix sociétés différentes.
Parmi les sociétés en questions : Hilton Hotels, Google, IBM, Advanced Micro Devices.
Par exemple, un analyste de l'agence de notation Moody's ayant participé à la notation d'Hilton est accusé d'avoir transmis une information privilégiée selon laquelle Hilton serait acquis par le groupe d'investissement Blackstone et qu'Hilton l'annoncerait sans doute avant le 4 juillet 2007, selon une des plaintes.
"Aujourd'hui, demain, la semaine prochaine, la semaine d'après, les initiés privilégiés de Wall Street qui envisagent d'enfreindre la loi devront se poser la question importante : est-ce que les gardiens de la loi sont en train d'écouter ?", a déclaré le procureur dans un avertissement à la profession.
Raj Rajaratnam, né dans une famille tamoule de la capitale du Sri Lankaise, est l'un des principaux investisseurs de la Bourse de Colombo Stock Exchange.
Le mois dernier, il a promis un million de dollars pour aider à la réhabilitation des anciens soldats des "Tigres tamouls", à la suite de leur défaite en mai après 25 années de combat pour créer un Etat séparé pour la minorité tamoule du pays.
Mais vendredi, c'est menoté qu'il est apparu devant les caméras de TV pour son arrestation.