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RD Congo : l'Assemblée nationale vote la destitution de sa présidente pro-Kabila

L'Assemblée nationale de la République démocratique du Congo a voté jeudi en faveur de la destitution de sa présidente, Jeanine Mabunda, une fidèle de Joseph Kabila. Une nouvelle charge du président Félix Tshisekedi, qui a annoncé dimanche la fin de la coalition qu'il formait avec son prédécesseur.

C'est un épisode de plus dans la crise politique qui secoue actuellement la République démocratique du Congo. L'Assemblée nationale a donné son feu vert jeudi 10 décembre à la destitution de sa présidente, dernière offensive en date du président Félix Tshisekedi pour renverser la majorité parlementaire fidèle à son prédécesseur, Joseph Kabila.

Les députés ont voté pour la "déchéance" de leur présidente Jeanine Mabunda par 281 voix contre 200 ainsi que pour celle de quatre des cinq membres de son bureau.

"L'Union sacrée de la Nation vient de marquer ses premiers points", s'est félicité le porte-parole du président, Kasongo Mwema Yamba Y'amba, en reprenant le slogan du chef de l'État. "Le départ de ce bureau, c'est la fin du règne de Kabila", a ajouté un député du camp Tshisekedi, Crispin Mbindule.

"Le prochain objectif c'est de pouvoir faire tomber le gouvernement", a ajouté un autre élu, Gratien Iracan. Le Premier ministre, Sylvestre Ilunga, est un membre du Front commun pour le Congo (FCC, fédération des partis pro-Kabila), comme les deux tiers des quelque 65 ministres de son gouvernement.

"Continuons la lutte"

Le FCC revendiquait jusqu'à présent une majorité de plus de 300 députés sur 500 depuis les élections de décembre 2018. Le FCC accuse les partisans de Félix Tshisekedi d'avoir débauché ses députés en échange d'importantes sommes d'argent.

"Courage camarade. On ne gagne pas à tous les coups. Redressons nos têtes rapidement (...) Continuons la lutte, chers soldats", a réagi l'une des composantes du FCC, le PPRD, le parti d'origine de Joseph Kabila. Muet jusqu'à présent, ce dernier dispose encore d'une vaste majorité au Sénat, dont il est d'ailleurs membre.

Sous l'œil inquiet de la communauté internationale, le plus grand pays d'Afrique subsaharienne s'enfonce dans la crise depuis que le président Tshisekedi a annoncé dimanche la fin de la coalition au pouvoir qu'il formait avec Joseph Kabila.

Le président a expliqué qu'il souhaitait dégager une nouvelle majorité à l'Assemblée pour soutenir sa politique de réformes, faute de quoi il dissoudrait la chambre basse.

L'offensive du président Tshisekedi a été relayée dès lundi à l'Assemblée par ses partisans. Dans la salle des plénières, des membres de l'Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS, parti présidentiel) ont détruit du mobilier pour empêcher la tenue d'une séance convoquée par la présidente pro-Kabila de l'Assemblée, Jeanine Mabunda.

Mardi, une bataille rangée entre pro-Tshisekedi et pro-Kabila a éclaté dans le hall du Parlement, avec au moins trois blessés. Des supporteurs des deux camps s'étaient mêlés aux députés.

Des craintes pour la stabilité régionale

Jeudi matin, des centaines de policiers filtraient les entrées au "palais du Peuple", le siège du Parlement, a constaté un journaliste de l'AFP. Les forces de l'ordre ne laissaient entrer que les députés, les agents du Parlement et les journalistes accrédités.

Ailleurs dans la capitale, la vie était absolument normale. Un forum annuel des élites du monde des affaires – baptisé "Makutano" – se tenait comme prévu dans un hôtel, de même qu'un débat sur les violences sexuelles dans une salle de cinéma.

Mais tous les regards étaient tournés vers l'Assemblée, où une séance plénière a commencé peu avant 14 h pour "l'examen et le vote des pétitions à charge des six membres du bureau".

La plénière a été convoquée par un bureau (direction collégiale) provisoire de l'Assemblée installé mardi à l'initiative des partisans de Félix Tshisekedi. 

Première visée, la présidente de l'Assemblée, Jeanine Mabunda, s'est défendue des accusations d'"opacité" dans sa gestion financière. "Se basant sur des éléments purement techniques et non politiques, j'invite l'auguste Assemblée à rejeter cette pétition formulée à notre encontre", a-t-elle conclu dans une ambiance survoltée.

Au-delà des méandres de la procédure parlementaire, la communauté internationale ne perd pas de vue le gros enjeu de la crise : la stabilité du géant d'Afrique, dont l'immense potentiel économique (agriculture, ressources hydrauliques...) est plombé par la corruption et un État défaillant.

La République démocratique du Congo est régulièrement perçue comme une menace pour la stabilité régionale, avec ses 2,3 millions de km2, ses neuf frontières, et ses interminables conflits armés à l'est (les deux provinces du Kivu et l'Ituri).

Les chancelleries appuient Félix Tshisekedi

Le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, a condamné "les incidents violents" qui ont éclaté au Parlement lundi et il a appelé mardi "tous les acteurs politiques à résoudre leurs différends pacifiquement", tout comme les grandes ambassades à Kinshasa.

Dans leur ensemble, les chancelleries appuient Félix Tshisekedi, à commencer par les États-Unis : "Nous soutenons le processus démocratique en cours en regardant ce qu'il y a de meilleur pour l'avenir de la RDC", a écrit mercredi sur Twitter le secrétaire d'État adjoint américain Tibor Nagy.

"La France soutient les réformes engagées par le président Tshisekedi et appelle toutes les parties prenantes à un débat politique apaisé", a également indiqué Paris par l'intermédiaire de son ambassade.

"La Belgique est prête à contribuer à la mise en œuvre des importantes réformes" du président Tshisekedi, a indiqué l'ancienne puissance coloniale.

"Les positions (entre les camps Tshisekedi et Kabila) semblent irréconciliables et c'est le bras de fer", s'inquiète un diplomate, qui redoute "un possible dédoublement des institutions" donc de "grosses tensions".

Le président Tshisekedi a été proclamé vainqueur des élections contestées du 30 décembre 2018, qui donnaient une majorité parlementaire aux forces politiques de son prédécesseur Kabila.

Félix Tshisekedi et Jospeh Kabila avaient alors signé un accord de coalition. Le 24 janvier 2019, Jospeh Kabila, aux affaires depuis 18 ans, avait transmis le pouvoir à Félix Tshisekedi, première transition pacifique dans l'histoire toujours agitée du Congo.

Avec AFP