Médiateur de la crise guinéenne, le président burkinabè propose, depuis le 6 octobre, d'organiser une rencontre entre l'opposition et la junte au pouvoir à Conakry. Et se pose, une nouvelle fois, en arbitre des crises de la sous-région.
Et de trois. Impliqué dans le dialogue intertogolais depuis 2006, "facilitateur" des pourparlers de paix en Côte d’Ivoire depuis 2007, le président burkinabè, Blaise Compaoré, a une nouvelle fois été sollicité par ses pairs d’Afrique de l’Ouest pour jouer le rôle de médiateur dans la crise guinéenne déclenchée par le massacre du stade du 28-Septembre, à Conakry. Plus de 150 personnes ont alors été tuées dans la violente répression d’une manifestation d’opposants au capitaine Moussa Dadis Camara, le chef de la junte qui a pris le pouvoir le 23 décembre 2008 en Guinée.
Pour le doyen des chefs d’État de la sous-région, lui aussi arrivé au pouvoir par les armes en 1987, l’opération est une forme de consécration. Elle lui permet de définitivement faire oublier l’image de trouble-fête qu’il a longtemps laissée à Nouakchott, Monrovia ou Yamoussoukro…
Cette nouvelle mission achève, en effet, de le poser en "vieux sage" de la "case Cedeao" [Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest], position naguère occupée par le président ivoirien Félix Houphouët-Boigny. Dans une Afrique de l’Ouest francophone minée par les divisions, Blaise Compaoré, qui peut se prévaloir d’avoir su créer un climat de stabilité au Burkina - le pays n’a plus connu de coups d’État depuis 22 ans, alors qu’il en a subi sept entre 1966 et 1987 -, passe désormais pour le plus apte à aplanir les différents, à favoriser le dialogue et à réconcilier les opposants.
Là n’est pas le moindre des paradoxes. En dépit de sa médiation au Niger lors de la première rébellion touarègue, dans les années 1990, l’homme a longtemps eu la réputation d’attiser les conflits dans la zone, faisant de son pays une base-arrière pour tout ce que l’Afrique de l’Ouest comptait de rebelles, depuis Charles Taylor au Liberia dans les années 1980 jusqu’à Guillaume Sorro en Côte d’Ivoire en 2002.
Des concurrents aux abonnés absents
Le dossier guinéen est donc une aubaine pour "Monsieur bons offices", comme on le surnomme désormais dans les maquis de Ouaga, même si, il est vrai, Blaise Compaoré n’avait cette fois guère de concurrents…
Les présidents togolais et ivoirien étaient hors-jeu, puisqu’ils sont eux-mêmes impliqués dans des processus de sortie de crise dans leurs pays respectifs.
Thomas Yayi Boni, le chef de l’État béninois arrivé au pouvoir il y a trois ans, fait figure de petit nouveau dans la gestion des questions diplomatiques africaines.
Récemment confrontés à des rébellions touarègues dans leur propre jardin, les présidents malien et nigérien ne pouvaient guère prétendre non plus jouer le rôle de pacificateur dans la cour du voisin guinéen. La question de confier une telle mission à l’homme fort de Niamey ne se posait d’ailleurs pas : en faisant sauter cet été le verrou constitutionnel qui l’empêchait d’effectuer plus de deux mandats à la tête du Niger, Mamadou Tandja a non seulement perdu la crédibilité démocratique dont il aurait eu besoin pour la remplir, mais durablement écorné son image d’homme d’État responsable.
Quant au président sénégalais Abdoulaye Wade, son impartialité dans le dossier semblait bien entamée. Constatant que sa récente médiation en Mauritanie a débouché sur l’élection à la présidence de Mohamed Ould Abdelaziz - le putschiste du 6 août 2008 -, l’opposition guinéenne l’aurait sans doute vu débarquer à Conakry d’un mauvais œil : celle-ci n’a pas oublié que "Gorgui" avait apporté son soutien à Moussa Dadis Camara trois jours seulement après son arrivée au pouvoir...