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De Castro à Chavez en passant par Morales, le cœur à gauche de Maradona

Légende du football et homme d'excès, Diego Maradona était aussi un homme d'engagement. Au cours de sa vie, il s'est affiché avec constance aux côtés de Fidel Castro, Hugo Chavez, Nicolas Maduro, Evo Morales... exposant ses opinions anti-américaines.

La vie et la mort sont parfois faits de curieux hasards. Diego Maradona est parti mercredi 25 novembre, soit quatre ans jour pour jour après la mort de Fidel Castro. Il considérait l'ancien dirigeant de Cuba comme un "second père", lui le voyait comme un "Che du sport". Tout au long de sa carrière, que ce soit par son soutien au Vénézuélien Hugo Chavez, à l'Argentin Nestor Kirchner ou encore par ses positions anti-américaines, Diego Maradona n'a jamais caché son engagement politique très à gauche, le plus souvent à coup de formules-chocs, ce qui détonne dans le monde souvent très lisse du football.

Il faut dire que "El Pibe de Oro", le gamin en or des bidonvilles de Buenos Aires, n'a jamais oublié ses racines ou caché ses idéaux. À des années-lumière de son rival au titre de plus grand joueur de l'Histoire, le Brésilien Pelé, qui fut ministre dans son pays et jugé proche des institutions, dont la Fifa.

En 1987, un an après "la Main de Dieu" et son sacre mondial, Maradona rend visite pour la première fois à Fidel Castro, à Cuba. Quand il tutoie la mort en 2000 et 2004, souffrant d'addiction à la cocaïne et d'obésité depuis la fin de sa carrière en 1997, c'est sur l'île qu'il va se faire soigner. En 2005, devenu animateur de télé à succès, il interviewe Castro à La Havane dans son émission "La noche del Diez".

Leur relation est aussi épistolaire, et c'est par une lettre à Maradona que l'ancien chef d'État cubain le rassure sur son état de santé, en 2015. Un an plus tard, à l'annonce de la mort de Castro , Maradona déplorera la perte d'un "second père" et pleure : "Je me sens cubain".

#Instantané #AFP C'est un hasard : Maradona décède le même jour que Fidel Castro, quatre ans plus tôt. Le joueur de football disait considérer le dirigeant cubain comme "un deuxième père". pic.twitter.com/CCqzYrjCbh

— Katell Abiven (@tellka) November 25, 2020

Un lien qu'il a jusque dans la peau : au mollet gauche, l'ancien sélectionneur argentin est tatoué de l'effigie de Castro. Autre figure de la révolution cubaine, l'Argentin Che Guevara l'accompagne à l'épaule droite.

"L'histoire a voulu qu'ils partent le même jour", a dit en hommage le ministère des Affaires étrangères de Cuba.

Rejet de l'impérialisme américain

En 2005, le président vénézuélien Hugo Chavez appelle à la tribune l'ancien joueur de football lors du Sommet des Amériques de Mar del Plata. Le président américain George W. Bush est alors présent pour défendre un projet de zone de libre-échange continentale. Diego Maradona appelle alors la foule à "virer" Bush d'Argentine. Ovation assurée.

Il faut dire que Maradona avait préparé le terrain, demandant à "rejeter cette ordure humaine qu'est Bush", dans le train qui le menait à Mar del Plata aux côtés de 150 personnalités, dont le futur président bolivien Evo Morales et le réalisateur Emir Kusturica, qui en tirera un documentaire.

To protest US imperialism, Diego Maradona wore a shirt reading "Stop Bush" with the S as a Nazi Swastika, when he attended the Summit of the Americas in Argentina in 2005.

President George W. Bush was attending, trying to push through a "free trade zone" to exploit Latin America pic.twitter.com/Zi1cQKvn6i

— Ben Norton (@BenjaminNorton) November 25, 2020

Comme en écho, en 2019, alors entraîneur des Dorados de Sinaloa en deuxième division mexicaine, Maradona s'en prend cette fois à Donald Trump : "Les shérifs du monde que sont ces yankees croient que, parce qu'ils ont la plus grande bombe au monde, ils peuvent nous diriger. Mais non, pas nous. Cette marionnette qu'ils ont comme président ne peut pas nous acheter".

Un combat contre l'impérialisme qu'il portait déjà joueur. À propos de son match mythique contre l'Angleterre lors du mondial victorieux de 1986, il expliquera dans son livre "Mi Mundial, mi verdad" (Mon mondial, ma vérité) qu'il voulait "rendre honneur à la mémoire des morts" de la guerre des Malouines de 1982.

"Amoureux" d'Hugo Chavez

"Moi j'aime les femmes, mais je suis sorti complètement amoureux (du déjeuner) parce que je connaissais Fidel Castro, (le président libyen) Mouammar Khadafi et maintenant je connais un géant comme Chavez", lance l'ancien footballeur en 2005, après sa rencontre avec le président vénézuélien.

"Avec Fidel Castro, Chavez (et les présidents du Brésil et d'Argentine) Luiz Inacio Lula da Silva et Nestor Kirchner (...), je crois que l'on peut former une bonne alliance contre la pauvreté, la corruption et rompre la relation filiale avec les États-Unis", dit-il, affirmant que l'émotion d'avoir connu Chavez avait été "peut-être plus forte" qu'une victoire en Coupe du monde.

En 2013 puis 2018, Maradona se présente comme un "soldat" du successeur de Chavez, Nicolas Maduro, et assiste à ses meetings de campagne.

En marge de la finale de la Coupe du monde 2018 en Russie, il rencontre Mahmoud Abbas, président palestinien: "Cet homme veut la paix en Palestine. Le président Abbas a un pays à part entière", est-il écrit sous la photo des deux hommes sur le compte Instagram du "Diez".

Il soutient également Evo Morales en novembre 2019, à la suite de la contestation de sa réélection à un quatrième mandat parlant d'un "coup d’État orchestré". Logique, les deux hommes ont une longue amitié et ont même disputé un match de charité face-à-face en 2008 à La Paz :

"Je regrette le coup d’État orchestré en Bolivie. Surtout pour le peuple bolivien, et pour Evo Morales, une bonne personne qui a toujours travaillé pour les plus pauvres", avait écrit l’ancien capitaine et numéro dix mythique de l’équipe nationale argentine sur son Instagram.

Chez lui aussi, en Argentine, Maradona embrasse le pouvoir, quand il est à gauche. Il dira, à la mort de Nestor Kirchner en 2010, que "l'Argentine a perdu un gladiateur" et, en 2015, enverra des roses à Cristina Kirchner pour la fin de son mandat, huit ans après qu'elle a pris la suite de son mari.

Avec AFP