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Nicolas Sarkozy abandonne l'idée de discrimination positive

Au placard la discrimination positive: lors d'un discours mercredi, Sarkozy s'en est tenu à annoncer des mesures sur la diversité et l'égalité des chances alors qu'il plaidait jusqu'alors pour l’instauration de quotas pour les minorités.

Il voulait surfer sur le succès de Barack Obama et reprendre l’idée d’une "discrimination positive à la française". Nicolas Sarkozy s’est en finalement tenu, mercredi, à des mesures sur la diversité et l'égalité des chances : 30% de boursiers en classes préparatoires, expérimentation du CV anonyme ou encore amélioration de la diversité dans les médias.

Alors qu’il avait créé une polémique en 2003 lorsqu’il avait pour la première fois prôné une "affirmative action" à l’américaine, c’est-à-dire l’instauration de quotas pour favoriser les minorités, le chef de l’Etat a finalement dû ranger cette idée au placard.

Le rapport du comité de réflexion présidé par l’ancienne présidente du Parlement européen et ex-ministre Simone Veil, qui ne souhaite pas une nouvelle rédaction de la Constitution pour inclure la lutte contre les inégalités ethniques, a donné le dernier coup de frein aux velléités du président français. La loi reste "le vecteur le mieux approprié à la réforme", dit le rapport. Les politiques qui feraient une "distinction d'origine, de race ou de religion" entre les citoyens doivent être "proscrites", précise le texte.

"Le système français est complètement archaïque"

Dans son discours sur l'égalité des chances mercredi, Nicolas Sarkozy a donc été amené à élargir sa définition de la diversité, en insistant sur les conditions sociales. "C'est par le critère social qu'il faut prendre le problème parce que les inégalités sociales englobent toutes les autres", a-t-il déclaré. Le chef de l’Etat a également profité de ce discours pour annoncer qu'il avait nommé l'industriel Yazid Sabeg, grand patron français d'origine berbère, "commissaire à la diversité et à l'égalité des chances".
Le discours du président français a pu décevoir plus d’un partisan de la discrimination positive. "Dans le discours de Sarkozy, j’ai vu beaucoup de bonne volonté mais peu de vraies mesures qui changeront quelque chose. Jusqu’à maintenant ce qui a été fait n’a eu quasiment aucun effet", commente sur France 24 Nayé Bathilly, co-fondateur du réseau Diaspora Afrique. "Il est temps de dire adieu à l’égalité à la française. La vérité est que le système français est complètement archaïque."
Pour Alec Hargreaves, directeur de l’institut français de l’Université de Floride, il y a effectivement un fossé entre la réalité et la classe politique : "Les Français ne sont pas contre le comptage ethnique, c’est la classe politique française qui se cache la tête sous le sable depuis vingt ans, ne sachant pas reconnaître la réalité de la diversification ethnique de la société française." Alec Hargreaves ne se déclare pas en faveur de la mise en place de quotas ethniques, "mais d’un système de comptage statistique qui suive les pratiques des universités et des entreprises en matière ethnique".
"Il y a des mesures sur lesquelles il faut aller plus loin"
Tous les Américains ne défendent pas la politique de discrimination positive menée dans leur pays. Pour Eric Bleigh, professeur au Middlebury College Political Science, le revirement de Nicolas Sarkozy a l’avantage de ne pas diviser encore plus la population française. "Il y a un fort ressentiment dans les classes moyennes américaines, du fait de la politique de quotas", estime-t-il.
En France, les critiques de la gauche portent surtout sur la politique globale du gouvernement et ses contradictions : "On ne peut pas d’un côté vouloir lutter contre les discriminations, et en même temps, mener une politique anti-immigré dont on sait qu’elle ravive des clichés négatifs", souligne Dominique Sopo, président de SOS-Racisme.
Même le tout nouveau commissaire à la diversité, Yazid Sabeg, ne cache pas sa déception. "Il y a des mesures sur lesquelles il faut aller plus loin", confie-t-il au quotidien Le Monde. Mais, ajoute-t-il, "le président n’a fermé aucune porte".