Plusieurs personnes ont été tuées dans des heurts entre partisans de l'opposition et forces de l'ordre, mercredi, à Conakry, trois jours après l'élection présidentielle guinéenne. Les résultats partiels, qui donnent Alpha Condé, le président sortant, en tête au premier tour, sont vivement contestés par son rival Cellou Dalein Diallo, qui revendique la victoire.
C'était le scénario redouté par de nombreux Guinéens, celui des violences post-électorales. Au moins neuf personnes ont été tuées dans des heurts entre partisans de l'opposition et forces de l'ordre, mercredi 21 octobre à Conakry, trois jours après une présidentielle organisée à l'issue de plusieurs mois de contestation meurtrière contre un troisième mandat du président Alpha Condé, 82 ans.
Après avoir annoncé mardi soir une large victoire d'Alpha Condé dans quatre des 38 circonscriptions du pays, dont trois à Conakry et sa périphérie, la commission électorale (Céni) a annoncé les résultats de 16 nouvelles circonscriptions, sans toutefois désigner de vainqueur de l'élection. Alpha Condé remporte la majorité absolue dans les deux-tiers d'entre elles, selon les résultats.
Le leader de l'opposition, Cellou Dalein Diallo, qui s'est autoproclamé vainqueur dès lundi, a dénoncé dans une vidéo mercredi soir "l'armée de fraudeurs" qui donnent la victoire à Alpha Condé, affirmant qu'il avait lui-même remporté 53 % des suffrages selon les résultats collectés par son parti.
Perquisition
"Le combat est héroïque et il sera inévitablement victorieux", a-t-il lancé à ses partisans, qui ont occupé la rue pendant la journée. Il a dit avoir enregistré cette vidéo depuis son domicile de Conakry, où il est maintenu "prisonnier" depuis la veille par un fort déploiement policier.
Chers compatriotes,
Alors que je suis séquestré dans mon domicile et que des jeunes Guinéens tombent sous les balles des forces de défense et de sécurité sur ordre d’@alphacondepresi, je vous adresse, ci-dessous, un message d’encouragement (1) : pic.twitter.com/EUMicmUEQs
Le siège de sa formation, l'UFDG, a fait l'objet d'une "perquisition qui a abouti a des saisies de matériel", a indiqué à l'AFP le ministre de la Sécurité, Albert Damantang Camara. Cellou Dalein Diallo a pour sa part dénoncé le saccage de ses bureaux par les forces de l'ordre.
Dans l'attente de l'issue de ce scrutin, la Guinée a vécu mercredi une escalade des violences, qui ont fait neuf morts depuis le début de la semaine, selon un communiqué du ministère de la Sécurité civile.
Violences
Des journalistes de l'AFP ont été témoins de barricades enflammées sur la chaussée, de jets de pierres de jeunes partisans de l'opposition et de la riposte des forces de l'ordre à coups de frondes et de gaz lacrymogène, dans les quartiers populaires de la capitale.
Côté civils, le ministère de la Sécurité a dénombré depuis lundi "quatre corps de victimes d'armes à feu, déposés dans les morgues de l'Hôpital Donka et de Ignace Deen" à Conakry, "un mort par arme blanche et deux autres par arme à feu calibre 12" (un calibre de chasse, NDLR) à Kissidougou (à l'est de Conakry) et un citoyen abattu à Coyah, à une cinquantaine de kilomètres de la capitale.
Un policier a également été tué, "lynché à mort à Bambéto", un faubourg de Bamako, selon le communiqué. Un autre policier a été "poignardé" au lieu-dit la Cimenterie mais "ses jours ne sont heureusement pas en danger", a précisé à la presse le ministre de la Sécurité, Albert Damantang Camara.
"Ces agents, dépourvus d'armes létales, faisaient partie du dispositif mis en place pour enlever les barricades sur la route Le Prince (qui traverse des fiefs de l'opposition) et maintenir l'ordre", selon le ministère. "La police judiciaire s'est immédiatement saisie de tous ces décès, ordonné des autopsies et ouvert des enquêtes", a-t-il précisé.
"Il y aura un vainqueur"
Le parti de Cellou Dalein Diallo a accusé le pouvoir d'être responsable de ces violences, et de vouloir lui voler la victoire. Sur les réseaux sociaux, ses partisans ont fait état d'un nombre plus élevé de morts, dont une fillette de trois ans et une jeune fille. Ces informations n'ont pas pu être vérifiées immédiatement de source indépendante.
Alpha Condé a lancé mercredi un "appel au calme et à la sérénité". "Bien sûr qu'il y aura un vainqueur, mais ce n'est pas pour autant que la démocratie sera menacée ou que la paix sociale devient impossible. Si la victoire me revient, je reste ouvert au dialogue et disponible à travailler avec tous les Guinéens", a-t-il assuré, se disant "conforté" par les premiers résultats publiés.
Je réitère mon appel, à tous, au calme et à la sérénité, en attendant l'issue du processus électoral en cours dans notre pays. Bien sûr qu'il y aura un vainqueur, mais, ce n'est pas pour autant que la démocratie sera menacée ou que la paix sociale devient impossible. (...) pic.twitter.com/Cz2LTCmXq7
— Alpha CONDÉ (@alphacondepresi) October 21, 2020Cellou Dalein Diallo a pour sa part promis que sa victoire ouvrirait la voie à la "réconciliation".
Avec AFP