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Alors que les manifestations anti-gouvernementales se multiplient à Bangkok, plusieurs milliers de manifestants se sont de nouveau réunis mercredi, pour réclamer plus de démocratie et la destitution du Premier ministre. Des centaines de partisans pro-royalistes se sont également rassemblés dans la capitale.

Le gouvernement thaïlandais a durci le ton, jeudi 15 octobre, face au mouvement de contestation qui défile depuis plusieurs mois dans le pays pour réclamer plus de démocratie.   

Les autorités ont promulgué un décret d'urgence interdisant "les rassemblements de cinq personnes et plus" ainsi que "les messages en ligne qui pourraient nuire à la sécurité nationale", a indiqué l'un des porte-paroles du gouvernement thaïlandais. 

Les autorités ont justifié la promulgation du texte en évoquant des manifestations "contraires à la Constitution" et en dénonçant l'obstruction d'un cortège royal mercredi, en marge d'un rassemblement qui a réuni plusieurs milliers de personnes à Bangkok pour réclamer la destitution du Premier ministre, Prayut Chan-o-cha.  

Peu de temps après l'entrée en vigueur du décret d'urgence, jeudi à 4 heures du matin, la police antiémeute a fait évacuer des manifestants qui campaient encore sur le site.  

La plupart des contestataires avaient déjà quitté les lieux, mais une vingtaine de personnes ont été arrêtées, selon le porte-parole adjoint de la police.  

Appel à une nouvelle manifestation  

Le décret d'urgence "vise à entraver le mouvement démocratique et à permettre [aux dirigeants] de garder le pouvoir", a déploré "Rung", l'une des leaders du mouvement sur sa page Facebook peu avant son interpellation. 

Bravant l'interdiction de rassemblement, l'étudiante de 21 ans a appelé à une nouvelle manifestation jeudi à 16 heures dans le centre de la capitale. 

La répression des autorités, qui intervient du jour au lendemain après des semaines de contestation, est "un revers pour les manifestants", relève Thitinan Pongsudhirak, politologue de l'université Chulalongkorn de Bangkok. Cela va contribuer à "accentuer encore les griefs de la jeunesse dans la rue et risque d'accroître les tensions". 

Le mouvement pro-démocratie dans la rue depuis l'été demande le départ du Premier ministre, le général Prayut Chan-o-cha, au pouvoir depuis le coup d'État de 2014 et légitimé par des élections controversées l'année dernière.  

Il réclame aussi une modification de la Constitution, mise en place en 2017 sous la junte et très favorable à l'armée. 

Certains militants vont plus loin, exigeant une réforme en profondeur de la richissime et puissante royauté, un sujet tabou il y a encore peu dans le royaume. 

Ils demandent la non-ingérence du monarque dans les affaires politiques, l'abrogation de la draconienne loi sur le lèse-majesté et le retour des biens de la couronne dans le giron de l'État, des revendications jugées inacceptables par le gouvernement. 

Défi inédit à la monarchie

Mercredi, une voiture avec à son bord la reine Suthida, qui ne pouvait éviter le parcours de la manifestation, a été arrêtée quelques instants et des dizaines de manifestants pro-démocratie ont levé trois doigts devant son véhicule.  

La veille, d'autres activistes avaient fait au passage du roi Maha Vajiralongkorn ce même salut, inspiré par le film "Hunger Games", des gestes inédits de défi à l'autorité royale. 

Le monarque est une personnalité controversée qui a renforcé les pouvoirs de la couronne, prenant notamment directement le contrôle de la fortune royale. 

Ses très fréquents séjours en Europe, même en pleine pandémie de coronavirus, ont soulevé des interrogations alors que l'économie du pays, tributaire du tourisme, est en pleine récession. 

Mercredi, plus de 10 000 manifestants pro-démocratie ont marché vers la Maison du gouvernement pour marquer le 47e anniversaire du soulèvement étudiant de 1973. 

Plusieurs centaines de partisans pro-royalistes venus saluer le cortège royal s'étaient massés le long du parcours, ravivant les craintes de troubles dans un pays habitué des violences politiques et qui a connu 19 coups d'État ou tentatives depuis l'établissement de la monarchie constitutionnelle en 1932. 

Malgré de brèves échauffourées, les deux camps ont toutefois maintenu leurs distances. 

Depuis le début de la contestation, plusieurs dizaines de militants avaient déjà été arrêtés. La plupart ont été accusés de "sédition" et libérés sous caution. 

D'autres actions en justice sont prévues contre ceux "qui ont fait obstruction au cortège royal mercredi", ont fait savoir les autorités. 

Avec AFP