Les accusés présents au procès des attentats de janvier 2015 à Paris se sont dit unanimement "émus", vendredi, par le récit des proches des victimes et des survivants de la tuerie de Charlie Hebdo.
Au terme d'une semaine marquée par les témoignages poignants des victimes, les accusés du procès Charlie Hebdo ont salué, vendredi 11 septembre, le "courage" et la "dignité" des survivants de la tuerie, suscitant des réactions contrastées chez les parties civiles.
Invité à réagir aux terribles récits entendus depuis lundi devant la cour d'assises spéciale de Paris, Saïd Makhlouf, comme l'ensemble de ses co-accusés, se veut sans équivoque : "Je voulais dire aux familles des victimes qu'elles sont très courageuses", assure-t-il.
Le trentenaire, silhouette corpulente et cheveux rassemblés en mini-queue de cheval, indique avoir été "vraiment touché" par ces multiples témoignages. "Je ne peux que compatir à leurs souffrances", explique-t-il depuis le box vitré où se côtoient une partie des accusés.
Un "carnage" raconté à la barre
Quatorze personnes au total sont jugées devant la cour d'assises pour leur soutien logistique à Chérif et Saïd Kouachi, ainsi qu'à Amedy Coulibaly, auteurs des attaques de Charlie Hebdo, Montrouge et de l'Hyper Cacher. Parmi elles, trois sont jugées par défaut.
Ces attaques, menées de façon coordonnée les 7, 8 et 9 janvier 2015, avaient fait 17 morts, dont 10 dans les locaux de Charlie Hebdo. Un "carnage" raconté à la barre par plusieurs rescapés de l'hebdomadaire, dont la dessinatrice Coco, dans des termes parfois insoutenables.
Comme plusieurs autres accusés entendus à la barre, Willy Prévost condamne les attentats de 2015, assurant être étranger à l'idéologie jihadiste. "Je crache sur ces gens-là, sur les frères Kouachi que je ne connais même pas, sur Amedy Coulibaly que je croyais connaître", lâche-t-il.
"Je suis musulman et je ne comprends pas pourquoi on tue au nom de Dieu, au nom du prophète, je ne comprends pas... On ne tue pas parce qu'on a fait un dessin", renchérit Metin Karasular, en adressant ses "condoléances" aux familles des victimes.
Émotion sincère ou bien compassion feinte, dans le cadre d'une stratégie de défense bien rodée ? Sur le banc des parties civiles, Me Marie-Laure Barré, avocate de proches de victimes, ne cache pas son agacement. "Je suis très mal à l'aise avec ce que je viens d'entendre", avance-t-elle.
"Je peux comprendre que les accusés veuillent se démarquer des faits extrêmement graves et des images" projetées durant l'audience. Mais "quand on fournit du matériel, quand on vend des armes et des kalachnikovs, c'est pas pour jouer au golf !", ajoute-t-elle.
"Nous n'avons jamais de répit dans notre chagrin"
Du côté de la défense, tous protestent. "Certaines parties civiles veulent retirer la liberté de parole aux accusés", estime Isabelle Coutant-Peyre, conseil d'Ali Riza Polat, seul des 11 accusés présents à l'audience à être poursuivi pour "complicité" de crimes terroristes.
Souvent agressif depuis le début du procès, ce dernier s'est dit auparavant "désolé" de son "comportement". "Je m'emporte vite" mais "je n'ai rien à voir avec ça. Je me désolidarise de ce qu'ils ont fait les trois", assure-t-il, en s'adressant aux victimes.
Ces échanges sont venus conclure une nouvelle journée d'hommages aux disparus, dont le dessinateur Bernard Verlhac, alias Tignous, et l'économiste et chroniqueur Bernard Maris qui publiait dans Charlie sous le surnom d'"Oncle Bernard".
"Nous n'avons jamais de répit dans notre chagrin. Parce qu'il nous manque le matin, le soir, aux anniversaires, aux fêtes, à la rentrée des classes", a témoigné le veuve de Tignous, Chloé Verlhac, disant néanmoins vouloir "résister" à la "peur".
Avec AFP