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Londres sous les bombes : il y a 80 ans débutait le Blitz

Le 7 septembre 1940, l'aviation allemande débutait une campagne de bombardements sur le Royaume-Uni et principalement sur le port de Londres. Cette offensive des nazis connue sous le nom de "Blitz" a fait en neuf mois plus de 43 000 morts parmi les civils. Mais ces bombardements n'ont cependant pas atteint leurs objectifs militaires ni le moral des britanniques.

Il y a 80 ans, au début du mois de septembre 1940, la bataille d’Angleterre fait rage depuis déjà trois mois. Dans le ciel, depuis l’évacuation en juin des troupes britanniques des côtes françaises, la Royal Air Force tient tête à la Luftwaffe dirigée par Hermann Göring.

Adolf Hitler a pour objectif d’envahir la Grande-Bretagne, un plan connu sous le nom de Lion de Mer. Pour y arriver, il multiplie les attaques contre les forces aériennes britanniques, mais sans succès. Le 7 septembre 1940, il se décide à lancer une campagne de bombardements contre les villes dans le but d’anéantir le moral de la population ennemie. Pendant neuf mois, une pluie de bombes s’abat de l’autre côté de la Manche. Les Britanniques vont connaître le Blitz en référence au terme allemand "éclair".

La capitale Londres est majoritairement visée. Coventry, Birmingham, Sheffield, Portsmouth, Glasgow ou encore Belfast souffrent également. Plus de 43 000 personnes perdent la vie et plus de deux millions d’habitations sont détruites. Mais ces dommages ont finalement peu d’impact sur l’issue de la guerre. Les infrastructures britanniques sont peu touchées, tandis que la population garde son calme et fait face.

Quatre-vingts ans plus tard, l’historien Richard Overy, professeur à l’Université d’Exeter et auteur de "Sous les bombes, nouvelle histoire de la guerre aérienne" (Flammarion) revient pour France 24 sur cette épisode de la Seconde Guerre mondiale.

France 24 : Pourquoi Adolf Hitler et Hermann Göring ont-ils lancé cette campagne de bombardements sur la Grande-Bretagne ?

Richard Overy : Quand ils ont envoyé la Luftwaffe sur la Grande-Bretagne le 7 septembre, ils n’avaient pas envisagé cette campagne dans son ensemble, ni ce qu’allait devenir le Blitz. En fait, il s’agissait d’une préparation de l’opération Lion de Mer : une attaque massive contre Londres, pendant environ une semaine, avant de lancer ce plan, qui devait perturber le gouvernement, les échanges commerciaux et maritimes. L’idée était de débuter par des bombardements, avant de lancer une semaine ou dix jours plus tard l’invasion. Mais ces attaques du 7 septembre sont souvent mal interprétées. Certains estiment à tort qu’il s’agit de représailles après des bombardements britanniques sur Berlin.

De quelle façon le Blitz s’est-il transformé en une campagne qui a duré plusieurs mois ?

L’invasion allemande de la Grande-Bretagne n’a finalement pas eu lieu. Ils n’ont pas réussi à vaincre la Royal Air Force. Hitler a finalement décidé de reporter l’opération Lion de Mer, avant de l’annuler l’année suivante. Il voulait toutefois continuer à faire pression sur les Britanniques en démarrant une campagne de blocus. Les bombardements visaient principalement les ports et le trafic maritime. Le but des Allemands étant d’amoindrir les ressources britanniques afin d’obtenir du gouvernement des compromis. Mais Hitler avait des doutes. Il n’avait pas confiance en la capacité de la Luftwaffe de répondre à ses attentes. L’invasion n’a pas eu lieu, mais il voulait continuer sa pression. La seule manière d’y parvenir était d’intensifier le blocus dans l’espoir qu’il soit décisif.

En novembre, quand il est devenu clair, que les bombardements n’avaient pas atteint leur objectif, Hitler s’est finalement décidé à se retourner contre l’Union soviétique. L’idée était aussi d’obtenir de nouvelles ressources pour se retourner militairement dans le futur contre la Grande-Bretagne et les États-Unis.

Quel a été l’impact du Blitz ?

Les dommages physiques n’ont pas été aussi importants que ce que la Luftwaffe avait espéré. Cela montre combien les bombardiers allemands étaient peu efficaces. Leurs forces étaient peu nombreuses et ils n’étaient pas capables de transporter des bombes avec de très lourdes charges. Les appareils ont également perdu très vite leur capacité de naviguer avec précision, leurs communications étant interceptées.

Au final, la production de guerre britannique n’a été réduite que de 5 % et les réserves de pétrole n’ont été détruites qu’à 0,5 %. Lorsque l’approvisionnement en gaz ou en électricité était touché, la plupart du temps, il était rétabli en 24 heures. Lors du bombardement de Coventry, il n’a fallu que deux ou trois semaines pour rétablir tous les services.

Mais en terme de dommages humains, cela s’est révélé très différent. Le Blitz a tué 43 000 civils. C’est la première fois que tant de personnes ont été tuées par les airs. La Luftwaffe se concentrait principalement sur les villes portuaires et les quartiers populaires étaient concentrés autour des ports. Quand ils ne pouvaient pas toucher ces derniers, ils visaient ces quartiers. Ils ont ainsi touché East End à Londres car c’était là que se trouvait le port. Beaucoup de gens essayaient de s’abriter chez eux et c’est comme cela qu’ils ont été tués en nombre. La Luftwaffe n’avait pas vraiment planifié ce résultat. Il découlait plus de son incapacité à bombarder avec précision.

Psychologiquement, cela a décuplé le moral de ceux qui ne subissaient pas ces bombardements. Ils ont pu mettre en avant l’esprit du Blitz et montrer qu’ils étaient favorables à des représailles contre l’Allemagne. À l’inverse, dans les zones qui ont été touchées, il y a eu beaucoup de démoralisation et des mouvements de panique. Mais, finalement, cela n’a pas engendré de crise sociale. Le gouvernement a mis tout en place pour fournir des abris, de la nourriture etc. L’impact immédiat des bombardements n’a finalement pas eu autant d’effets qu’attendu.

Dans les années 1930, on parlait beaucoup d’un effondrement de la vie urbaine et du fait qu’il y aurait une révolution sociale. Mais durant le Blitz, il n’y a pas eu de contrecoup politique. Il n’y a pas eu d’émeutes, ni de tentative de renverser le gouvernement. Malgré la démoralisation à la suite des bombardements, cela n’a pas engendré de crise sociale ou politique. C’est cette erreur de jugement qu’ont également commis les Britanniques quand ils se sont attaqués à l’Allemagne. Les bombardements, qui ont tué des centaines de milliers de personnes et détruits plus de 60 % des villes, n’ont engendré aussi là-bas aucun effondrement politique ou social. 

Article original traduit par Stéphanie Trouillard.