Faute d'avoir récupéré les fragments d'une stèle pharaonique qu'elle réclame, l'Égypte a suspendu, ce mercredi, sa coopération avec le Louvre. Le musée affirme, de son côté, que le processus de restitution de l'œuvre est enclenché.
AFP - L'Egypte a décidé mercredi de suspendre sa coopération archéologique avec le musée français du Louvre tant que des fragments de fresques de l'ère pharaonique, "volés" selon elle, ne lui seront pas restitués.
Cette annonce survient dans un climat crispé après l'échec du ministre de la Culture égyptien, Farouk Hosni, pour prendre la direction de l'Unesco, l'Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture qui siège à Paris.
L'Egypte a décidé de "cesser toute coopération" archéologique avec le Louvre tant que ces pièces "volées" ne lui auront pas été restituées, a déclaré à l'AFP le secrétaire général du Conseil supérieur des antiquités (CSA), Zahi Hawass.
Il s'agit de cinq fragments de fresques issus du tombeau d'un dignitaire de la XVIIIème dynastie (1550-1290 avant J.C.), situé dans la Vallée des Rois, près de Louxor.
L'achat d'oeuvres "volées" signifie "que certains musées encouragent la destruction et le vol des antiquités égyptiennes", a-t-il affirmé.
A Paris, la direction du Louvre a assuré à l'AFP que le musée était "ouvert" à la restitution de ces pièces, "dans le respect des procédures" françaises.
"Le processus de restitution est enclenché", mais la décision finale dépend d'un avis conforme de la Commission scientifique nationale des collections des musées de France, qui doit se réunir en fin de semaine, a-t-on ajouté.
La commission d'achat de la direction des musées de France a fait ces acquisitions "en toute bonne foi" en 2000 et 2003, a plaidé la direction du Louvre.
La commission pensait que les fragments avaient quitté l'Egypte avant la Convention de l'Unesco de 1970 (ratifiée par la France en 1997), qui n'oblige à aucune rétrocession pour des opérations antérieures à cette date.
En attendant, M. Hawass, qui a également fait des déclarations en ce sens au journal français La Croix, a indiqué que deux conférences devant être organisées avec le musée avaient été annulées, et que les travaux menés par le Louvre sur le site archéologique de Saqqara, près du Caire, étaient suspendus.
M. Hawass a indiqué que cette décision, qui n'avait pas été rendue publique jusqu'à présent, avait été prise "il y a deux mois", laissant entendre qu'elle n'était pas liée à l'échec le mois dernier de M. Hosni à l'Unesco.
Des responsables du ministère de la Culture indiquaient toutefois depuis quelques jours, en privé, leur intention de donner des signaux de mauvaise humeur envers la France, où une vive campagne contre M. Hosni avait été déclenchée par des intellectuels comme le philosophe Bernard-Henri Lévy.
La presse égyptienne a, ces derniers jours, accusé à plusieurs reprises la France de ne pas avoir apporté à M. Hosni tout le soutien qui aurait été promis.
Ce climat "n'arrange pas les choses", reconnaît un membre des services culturels français au Caire, tout en estimant que le contentieux sur les fresques "devrait trouver rapidement une solution".
L'Egypte, dont l'immense patrimoine archéologique a longtemps été exporté au profit des plus grands musées du monde -quand il n'a pas été tout simplement pillé-, est aujourd'hui particulièrement sourcilleuse sur ce sujet.
M. Hawass, ardent défenseur de la souveraineté égyptienne sur son patrimoine, a eu à plusieurs reprises ces dernières années des accrochages avec les Français, qui revendiquent le plus important dispositif archéologique étranger dans ce pays.
Une revendication qui vaut aussi pour d'autres pays. Le Caire réclame ainsi depuis longtemps avec insistance la restitution par l'Allemagne d'un buste de la légendaire reine Néfertiti, emmené à Berlin en 1913.