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États-Unis : les républicains ralliés à Joe Biden "pourraient faire la différence"

Depuis lundi, la Convention républicaine s'efforce d'afficher l'image d'une famille politique unie derrière son président, mais les défections se multiplient au profit du candidat démocrate Joe Biden. De quoi faire pencher la balance en novembre ?

À l’ouverture de la convention nationale des républicains, le président Donald Trump a officiellement été investi, lundi 25 août, comme le candidat du parti pour la présidentielle de novembre, avec un vote unanime des délégués. Mais la vérité est plus contrastée. Ces derniers mois, des visages connus du parti présidentiel ont multiplié les défections et annoncé qu'ils voteraient pour le candidat démocrate Joe Biden.

Le matin même de l'ouverture de la convention,  27 anciens élus républicains ont ainsi annoncé la création des "Républicains pour Joe Biden". Parmi lesquels Charlie Dent, l'ancien représentant de Pennsylvanie – l'État de naissance de Joe Biden – ou encore l'ancien sénateur de l'Arizona, Jeff Flake.

La liste des anciens parlementaires du #GOP qui soutiennent @JoeBiden ne cesse de s'allonger: pic.twitter.com/8Ep8dPJ4Iv

— jean-eric branaa (@BranaaJean) August 24, 2020

"C'est parce que je suis conservateur, parce que je crois en la Constitution et en la séparation des pouvoirs, et parce que la conduite et le comportement de notre président actuel m'inquiètent que je soutiens – avec fierté et sans réserve – Joe Biden, afin qu'il soit notre prochain président des États-Unis d'Amérique", a justifié Jeff Flake, dans un long message sur Medium.

Le moment choisi traduit une volonté claire : briser la dynamique dont aurait pu bénéficier Donald Trump à l'occasion de la Convention

"S'annoncer ainsi le jour de la Convention est terriblement bien choisi. Jeff Flake veut court-circuiter la communication de Trump qui voulait faire de la Convention républicaine 'son' moment, alors que le Covid-19 le prive de meetings", explique Jean-Éric Branaa, spécialiste des États-Unis et maître de conférences à l’Université Paris 2 Panthéon-Assas, joint par France 24. "Ces ralliements s'ajoutent à une liste déjà impressionnante de défections de républicains. Donald Trump a beau dire à chaque fois que ce sont des gens sans aucun poids, il ne faudrait pas que ça continue."

The Lincoln Project : "Défaire Trump et le trumpisme"

"Les Républicains pour Joe Biden" sont loin d'être le seul groupe constitué pour faire battre dans les urnes le 45e président. Depuis mai 2020, les "Republican Voters Against Trump" (Les électeurs républicains contre Trump) publient régulièrement des témoignages d'électeurs déçus de Donald Trump afin d'empêcher un second mandat.

Lancé en janvier 2020, le Lincoln Project, en référence au président qui a unifié le pays après la Guerre civile, utilise quant à lui une autre arme : la diffusion en masse de vidéos chocs.

"La mission du Lincoln Project est de vaincre Trump et le trumpisme, point final", explique la directrice exécutive Sarah Lenti. Ils ciblent les électeurs républicains et indépendants dans les États-clés de la prochaine présidentielle, afin de les convaincre de "voter Biden ou s'abstenir".

Et l'organisation sait manier les images. Dans la vidéo "Deuil en Amérique", produite en pleine pandémie de Covid-19 et vue plus de 3,5 millions de fois, on y voit des malades du coronavirus emmenés sur des brancards, des Américains désœuvrés dans des files d'attente, sans emploi. "Sous la direction de Donald Trump notre pays est plus faible, plus malade et appauvri. Et maintenant, les Américains se posent la question : si nous avons quatre années supplémentaires comme cela, l'Amérique existera-t-elle encore vraiment?", interroge la vidéo.

Joe Biden tend la main

Le Lincoln Project a levé près de 20 millions de dollars de fonds. De quoi poursuivre ses attaques en règles contre le président américain. Face aux réactions de ce dernier, Joe Biden peut, quant à lui, se poser en rassembleur de l'Amérique divisée par Donald Trump.

"L'actuel président a drapé l'Amérique dans les ténèbres bien trop longtemps. Trop de colère, trop de crainte, trop de divisions", expliquait Joe Biden lors de son discours d'investiture, promettant d'être un "candidat démocrate" mais "un président américain".

If I'm elected, I promise I'll work as hard for those who didn't support me as I will for those who did. pic.twitter.com/s4WIuSfLRL

— Joe Biden (@JoeBiden) August 22, 2020

De manière inédite, plusieurs personnalités républicaines ou anciennement affiliées au parti ont été autorisées à prendre la parole lors du grand raout virtuel démocrate. Colin Powell, secrétaire d’État de George W. Bush, a ainsi fait part de sa préférence pour Joe Biden, convaincu qu'il restaurera "des valeurs à la Maison Blanche".

Dans une vidéo surprise, Cindy McCain, veuve de l'ancien sénateur de l'Arizona et ex-candidat républicain à la présidentielle 2008, a également fait l'éloge de Joe Biden. Si elle ne lui a pas formellement apporté sa voix, elle a souligné "l'amitié improbable" qui liait le candidat démocrate à son défunt mari et sa capacité à surmonter les clivages.

My husband and Vice President Biden enjoyed a 30+ year friendship dating back to before their years serving together in the Senate, so I was honored to accept the invitation from the Biden campaign to participate in a video celebrating their relationship.https://t.co/Y6XOnBC1IW

— Cindy McCain (@cindymccain) August 18, 2020

John Kasich, ancien gouverneur de l'Ohio battu par Donald Trump lors de la primaire républicaine de 2016, n’a quant à lui pas eu de pudeur à apporter son suffrage au démocrate. Il a décrit son opposition au 45e président des États-Unis comme patriotique : "Je suis un républicain à vie, mais cet attachement arrive en deuxième place derrière ma responsabilité envers ce pays", a-t-il déclaré, ajoutant voir en Joe Biden "un homme qui peut nous  aider à voir l'humanité chez l'autre".

"Il y a toujours des prises de guerre lors des conventions mais qu'il y ait autant de gens d'importance, c'est inédit même si, que ce soit la veuve McCain ou John Kasich, cela reste des proches de Joe Biden", note Jean-Eric Branaa. "Ce qui est intéressant, c'est que même s’il s'agit d'anciens élus, ils disposent encore de réseaux au sein de leurs États-clés. Ça ne sera pas un mouvement de fond ou un raz-de-marée mais si c'est serré, cela pourrait faire la différence. Et ça sera serré en Pennsylvanie (État de Charlie Dent, NDLR) et en Ohio (État de John Kasich, NDLR)."

Rallier les républicains au risque de s'aliéner l'aile gauche ?

"Que la convention démocrate laisse parler des républicains connus qui soutiennent Biden vise à envoyer le message qu'il est une figure d'unité et que son opposant est si extrême que des membres de son propre parti ont fui", explique Michael Beschloss, historien, spécialiste des élections présidentielles pour NBC News. "Les ralliements de ce type pèsent certes moins que par le passé mais les démocrates utilisent les républicains comme John Kasich pour suggérer que Donald Trump est trop extrême, tandis que Joe Biden est un refuge dans la tempête."

Mais cet affichage des républicains lors de la Convention démocrate a fait grincer quelques dents. L'aile progressiste du parti a ainsi déploré que ces figures du parti concurrent aient eu davantage de temps de parole qu'Alexandria Ocasio-Cortez, l'élue de New-York, superstar des réseaux sociaux et égérie des progressistes.

.@AOC may have had just 60 seconds to speak at the #DemConvention, but she gamely used that time to make a bold call for systemic change. https://t.co/Y7QoQSmSEN

— Vox (@voxdotcom) August 19, 2020

Une critique qu'a voulu balayer Thomas Perez, le président du Comité national démocrate : "C'est symbolique de voir John Kasich et Bernie Sanders et plein de nuances entre les deux sur la même scène. La politique c'est de l'arithmétique. Une addition bat toujours une soustraction", a-t-il expliqué en interview.