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Les Biélorusses ont commencé à voter, dimanche, à l'occasion d'une élection présidentielle qui voit l'autoritaire Alexandre Loukachenko, au pouvoir depuis plus d'un quart de siècle, affronter une jeune opposante qui a mobilisé les foules malgré la répression. Dimanche soir, le président était donné largement en tête de la présidentielle par un sondage officiel.
Le président autoritaire de la Biélorussie, Alexandre Loukachenko, est en course dimanche 9 août pour un sixième mandat consécutif. Au pouvoir depuis plus d'un quart de siècle, il affronte une jeune opposante inattendue qui a mobilisé les foules malgré la répression. Le scrutin de dimanche, qui s'est ouvert à 8 h locales (5 h GMT) a été précédé d'un vote anticipé depuis mardi, qui a enregistré une participation de 41,7 % selon les autorités.
Le président Alexandre Loukachenko était donné largement en tête de la présidentielle par un sondage officiel. Si l'essentiel des bureaux de vote ont fermé à 20 h (17 h GMT), certains restent ouverts du fait de l'affluence. Des heurts entre manifestants antigouvernementaux et policiers ont éclaté dans la soirée à Minsk, selon des médias russes et biélorusses.
Plus tôt dans la journée, la commission électorale biélorusse a dénoncé les longues files d'attente d'électeurs comme une "provocation" et un "sabotage" de la présidentielle par l'opposition, à moins de deux heures de la fermeture des bureaux de vote. La candidate Svetlana Tikhanovskaïa, qui a mobilisé à la surprise générale les foules durant la campagne, a appelé les Biélorusses à ne pas profiter du vote anticipé qui s'est déroulé de mardi à samedi, mais de voter en masse dimanche pour réduire le risque de fraudes.
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Des bureaux de vote submergés
Dimanche, des files d'attente impressionnantes se sont formées devant de nombreux bureaux de vote, et même devant l'ambassade de Biélorussie à Moscou. La cheffe de la Commission électorale, Lidia Ermochina, a accusé "l'électorat protestataire" d'occuper les isoloirs trop longtemps, si bien que les bureaux de vote étaient submergés.
Des colonnes de véhicules des troupes du ministère de l'Intérieur et de la police, avec des équipements antiémeute, ont aussi été déployées en grand nombre à Minsk, notamment autour du siège du gouvernement où se trouve aussi la Commission électorale.
En parallèle, les communications sur Internet et les réseaux sociaux étaient extrêmement ralentis voire inaccessibles dimanche après-midi, alors que les autorités ont mis en garde contre toute mobilisation dans les rues à l'issue du scrutin.
"Fraudes éhontées"
Le pouvoir biélorusse a redoublé d'efforts pour enrayer l'essor de Svetlana Tikhanovskaïa, arrêtant samedi la cheffe de son QG de campagne, interpellant brièvement le même jour une autre alliée de premier plan de l'opposante et dénonçant depuis fin juillet un complot d'opposants et mercenaires russes pour mettre le pays à feu et à sang.
Mais Svetlana Tikhanovskaïa, enseignante d'anglais de formation, âgée de 37 ans, a tenu bon, bien qu'elle ait "peur tous les jours", a-t-elle confié vendredi. "Merci de votre soutien et de votre confiance (...), réveillons-nous dans un nouveau pays", a-t-elle encore lancé à ses partisans dans une vidéo postée samedi, condamnant les arrestations des derniers jours et appelant à la vigilance face aux fraudes.
Ses partisans se sont rendus aux urnes en portant des masques sanitaires et surtout des bracelets blancs, en signe de reconnaissance à la demande de Svetlana Tikhanovskaïa, qui les a également conviés à envoyer des photos de leurs bulletins afin d'organiser un comptage des votes indépendant.
La candidate affirme ne pas avoir d'illusions quant au résultat car des "fraudes éhontées" ont déjà été perpétrées selon elle au moment du vote anticipé. D'autant que le nombre des observateurs indépendants a été réduit au minimum.
Face à ces "informations inquiétantes", la France, l'Allemagne et la Pologne ont appelé à un scrutin "libre et équitable". Les résultats doivent être annoncés dans la nuit ou lundi.
Des manifestations de détracteurs du pouvoir ne sont pas à exclure, si l'opposition juge le scrutin falsifié. De son côté, Alexandre Loukachenko a clairement laissé entendre qu'il n'hésiterait pas à les disperser. Le procureur général Alexandre Koniouk a pour sa part demandé aux électeurs d'être "raisonnables" et de ne pas participer à des manifestations non autorisées.
Trois femmes face à Alexandre Loukachenko
Avant l'émergence surprise de Svetlana Tikhanovskaïa, Alexandre Loukachenko, un ex-directeur de sovkhoze de 65 ans, a éliminé ses principaux concurrents au printemps et au début de l'été : deux d'entre eux sont incarcérés, un troisième s'est exilé. Trois autres candidats sont en lice, mais aucun n'a su mobiliser.
Svetlana Tikhanovskaïa se présente, elle, comme une "femme ordinaire, une mère et une épouse" qui a remplacé au pied levé son mari, Sergueï Tikhanovski, un blogueur incarcéré en mai alors qu'il faisait campagne.
Qualifiée de "pauvre nana" par Alexandre Loukachenko, elle a su mobiliser alors même que la Biélorussie n'a jamais pu voir émerger d'opposition unie et structurée.
Pour cela, elle s'est alliée à deux autres femmes : Veronika Tsepkalo, la compagne d'un opposant en exil, et Maria Kolesnikova, la directrice de campagne de Viktor Babaryko, un ancien banquier emprisonné alors qu'il souhaitait se présenter.
En cas de victoire, elle a promis de ne rester au pouvoir que le temps de libérer "les prisonniers politiques", organiser une réforme constitutionnelle et de nouvelles élections.
Avec AFP