
Les vacances ministérielles n’ont pas encore commencé mais les ministres d’Emmanuel Macron doivent déjà avoir la tête dans les dossiers de la rentrée. Entre les 600 jours qu’il reste pour transformer le pays avant la fin du quinquennat et la rentrée qui s’annonce catastrophique entre crise sanitaire et économique, l’exécutif doit être au rendez-vous.
Jean Castex ne s'en cache pas, les risques de reconfinement sont réels. Un plan est d'ailleurs déjà prêt. Mais cette fois le Premier ministre ne souhaite pas mettre en œuvre un confinement généralisé à l'ensemble de la France.
Néanmoins, la menace d'une deuxième vague de l'épidémie de Covid-19 est bien présente et il faut anticiper en combinant prévention d'une deuxième vague et relance économique. Le choix d'un homme "de terrain" lors du remaniement gouvernemental n'est pas étranger à cette volonté. Si Jean Castex et son prédécesseur Édouard Philippe viennent tous deux de la droite, les deux hommes ont des approches différentes. Là où l'ancien hôte de Matignon était réticent à déconfiner et à poursuivre les réformes, le nouveau chef du gouvernement a été nommé avec une exigence : se démultiplier sur le terrain et réformer.
D'ailleurs, lundi 27 juillet Emmanuel Macron, lors du traditionnel pot de fin de session parlementaire avec les députés de la majorité, a déclaré : "Nous serons jugés sur nos résultats".
Ressouder les troupes, les remotiver, les encourager à poursuivre les actions menées, mais aussi se battre. Tels étaient les maîtres-mots entendus lors de cette soirée. Car les chantiers sont nombreux.
- Relancer l'économie et l'emploi
Il s'agit de la priorité du reste du quinquennat après la crise du Covid-19. L'accord européen conclu mardi 21 juillet, le plan de relance accordera 40 milliards d'euros (sur 750 milliards) à la France pour financer sa sortie de crise. D'autant que les experts alertent sur les plans sociaux qui risquent de se multiplier à la rentrée. Ce qui est déjà le cas pour des entreprises comme Renault, Airbus, La Halle ou Camaïeu… Le gouvernement doit donc présenter des mesures pour éviter une catastrophe. Le plan de relance devrait être adopté fin août par le Parlement.
Le pari sera réussi si la croissance atteint 8 % d'ici à fin 2021, selon le ministre de l'Économie, Bruno Le Maire. Le Premier ministre, Jean Castex, a annoncé la mobilisation d'un plan de relance de 100 milliards d'euros sur deux ans pour redresser l'économie française. Le contenu précis sera dévoilé à la fin de l'été, mais il devrait consacrer notamment 40 milliards d'euros à l'industrie et à la compétitivité des entreprises et 30 milliards à la transition écologique.
- Accélérer sur l'écologie
Après la vague verte des municipales, le gouvernement n'a plus le choix et doit accélérer les réformes environnementales. Un dossier sur lequel Emmanuel Macron n'a jusque-là pas convaincu. Jean Castex a donc été flanqué d'une nouvelle ministre de la Transition écologique, Barbara Pompili, ancienne d'Europe Écologie Les Verts (EELV). Elle pourra le soutenir dans la mise en œuvre des 146 propositions retenues par le chef de l'État, de la Convention citoyenne pour le climat. Parmi elles, la pénalisation du crime d'écocide, la rénovation énergétique obligatoire dès 2040, conditionner les aides publiques aux entreprises à l'évolution positive du bilan gaz à effet de serre. De plus, Bruno Le Maire a annoncé dans une interview au Journal du dimanche, le 26 juillet, "le plan de relance sera vert". En attendant un projet de loi sur l'environnement à l'automne, le plan de relance de 100 milliards d'euros qui sera présenté le 24 août sera également très fortement orienté vers la transition écologique.
- Poursuivre la réforme des retraites
Après des mois de négociations et de mobilisation, l'utilisation de l'article 49-3 à l'Assemblée pour faire adopter le texte et une suspension à la mi-mars, pour cause de confinement des Français, les discussions sur les retraites s'annoncent tendues. La réforme a été mal emmanchée, a reconnu le chef de l'État. Il s'est d'ailleurs dit ouvert à des modifications. Jean Castex a pour l'heure suspendu la réforme, mais elle n'est pas annulée. Le Président l'a redit lors de son interview du 14 juillet. Pour preuve, Laurent Pietraszewski est resté secrétaire d'État chargé de la réforme des retraites. Les principaux points de blocage sont les suivants : âge pivot, système par points, emploi des seniors et pénibilité.
- "Réparer" la Santé
Le "Ségur de la santé", une concertation de six semaines a été lancée à la suite de la crise sanitaire pour "remettre de l'humain, des moyens et du sens dans notre système de santé", avait plaidé le ministre des Solidarités et de la Santé, Olivier Véran. Un investissement de 6 milliards d'euros dans l'hôpital, promis par Jean Castex lors de son discours de politique générale. Au premier plan, la hausse des salaires. Mais aussi, 2,1 milliards consacrés sur cinq ans à la transformation, rénovation et l'équipement dans les établissements médico-sociaux. Sur cinq ans également, 2,5 milliards seront engagés pour permettre des projets hospitaliers prioritaires et des investissements ville-hôpital et 1,4 milliard d'euros seront consacrés à combler le retard numérique en santé. Cette enveloppe s'ajoute à la reprise de la dette hospitalière de près de 13 milliards d'euros, aux 8,1 milliards prévus dans les "accords de Ségur" pour les salaires et les revalorisations de métiers ainsi qu'aux 15 000 embauches promises à l'hôpital. Enfin, la création d'une cinquième branche de la sécurité sociale, consacrée à la perte d'autonomie a été votée le 23 juillet 2020 à l'Assemblée. Ce texte sera l'occasion de mettre en œuvre une réforme du grand âge et de l'autonomie. L'objectif est de "dégager un milliard d'euros dès 2021" selon Brigitte Bourguignon, nouvelle ministre déléguée chargée de l'Autonomie. La CGT et plusieurs collectifs continuent de juger l'enveloppe insuffisante, notamment en ce qui concerne les salaires. Mais un accord a été signé avec une majorité d'organisations syndicales représentatives.
- Mettre en œuvre plus de décentralisation
Jean Castex l'a dit lors de son discours de politique générale, il veut décentraliser. Alors qu'Emmanuel Macron est souvent qualifié de président des villes, le Premier ministre veut mettre son action, au service "des territoires". Mot répété à de nombreuses reprises, le 15 juillet 2020. Le dimanche 26 juillet 2020, un secrétaire d'État à la Ruralité a été nommé (Joël Giraud). Après une crise des Gilets jaunes dénonçant notamment la déconnexion des élites, l'éloignement de Paris et de ses préoccupations par rapport à celle des Français, le Premier ministre est là pour agir, et ce thème est dans la feuille de route fixée par Emmanuel Macron. Le Premier ministre doit mettre en œuvre une "grande conférence des territoires" aidé notamment par plusieurs ministres pour donner "plus de responsabilité à ceux qui agissent au plus près de nos vies", comme promis par Emmanuel Macron lors d'un discours le 14 juin.