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Covid-19 : Madagascar entre explosion des cas et remède miracle

Face à la hausse spectaculaire du nombre de cas de Covid-19, les hôpitaux de la capitale malgache sont au bord de la saturation. Sourd aux signaux d'alerte, le président Andry Rajoelina continue de prôner l'efficacité d'une tisane, dont il assure qu'elle soigne le coronavirus, sans aucune validation scientifique.

Le nombre de malades du Covid-19 ne cesse d'augmenter sur l’île de Madagascar, où le gouvernement continue de vanter les mérites d'une tisane miracle pour lutter contre la pandémie.

Avec 7 548 cas recensés officiellement, dont 65 décès, le nombre de malades du coronavirus a progressé de 50 % au cours de la semaine dernière, relevait lundi 20 juillet le directeur des situations d'urgences sanitaires à l'OMS, Michael Ryan, lors d’une conférence de presse à Genève.

Parmi les victimes du virus, un député issu du parti présidentiel ainsi qu'un sénateur ont trouvé la mort mi-juillet, tandis que 11 députés et 14 autres sénateurs ont été diagnostiqués positifs au Covid-19. Un proche collaborateur du président Andry Rajoelina a lui aussi été infecté, a indiqué le chef de l'État malgache.  

Aucune place dans les hôpitaux

Devenu depuis quelques semaines l’un des principaux foyer de développement de la maladie, la capitale Antananarivo est de nouveau confinée depuis le 5 juillet. La région d'Analamanga, dont elle fait partie, était fermée à toute circulation jusqu'au 20 juillet.

Alors que le gouvernement attend le pic de l'épidémie pour la fin août, les hôpitaux d’Antananarivo sont déjà saturés. Les patients atteints de Covid-19 affluent et les lits commencent à manquer. "On ne reçoit plus que des cas graves", déclarait mardi Nasolotsiry Raveloson, le directeur de l'hôpital Andohatapenaka, spécialisé dans l'accueil des malades du coronavirus.

Le ministre de la Santé désavoué 

L’urgence est telle que le ministre de la Santé, Ahmad Ahmad, a adressé lundi un appel à l’aide aux bailleurs de fonds internationaux. Dans une lettre, qui a fuité dans la presse, il demande 337 respirateurs, des bouteilles d'oxygène, plus de 2 millions de masques chirurgicaux, 697 000 paires de gants et 533 200 surblouses.

"L'épidémie de Covid-19 évolue ces dernières semaines selon un mode très critique à Madagascar, avec des flambées épidémiques importantes dans quelques régions, en particulier dans la ville d'Antananarivo", alerte cette lettre. Un message immédiatement démenti par la présidence malgache, qui a désavoué le courrier de son ministre, se disant "consterné" de l'appel à l'aide internationale.

L'appel du ministre de la Santé "est une initiative personnelle", prise "sans concertation" avec le gouvernement ou le président, a tenu à souligner l'exécutif malgache.

Tisane anti-Covid sans respect des gestes barrières

Tandis que les autorités attribuent la hausse des cas notamment "à l'augmentation de la capacité de dépistage", le président malgache continue de faire distribuer à sa population une tisane à base de plantes, mis au point par l'Institut Malgache de Recherches Appliquées (IMRA) et baptisée Covid-Organics.

Cette décoction d'inspiration traditionnelle est composé de près de deux tiers (62 %) d'Artemisia et de deux autres plantes, expliquait en mai à RFI le professeur Herintsoa Rafatro, chef de laboratoire à l'IMRA. Mais l'institut refuse de révéler sa composition exacte, tant que le remède n'a pas été breveté.

Le président malgache qui dit l'utiliser personnellement, promet qu’il s’agit d’un remède miracle, assurant à sa population qu'elle protège et soigne le coronavirus, bien que les éventuels bienfaits de cette tisane n'aient à ce jour été validés par aucune étude scientifique internationale.

L'Union africaine, la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (Cédéao) et l'OMS ont quant à eux émis des doutes quant à l'efficacité de cette décoction exportée par Madagascar dans une dizaine d'autres pays africains.

Pour le directeur général des fournitures de soins au ministère de la Santé, Zely Arivelo Andriamanantany, qui s’exprimait mardi lors d'une intervention à la télévision malgache : "il y a deux facteurs qui ont contribué à la propagation de cette maladie [dans le pays]".  "Premièrement, on a eu le CVO [Covid Organics], les gens ont pris le CVO, puis ils n'ont pas respecté les gestes barrières. Et deuxièmement, le CVO est une protection de deux à trois semaines", a-t-il déclaré, défendant lui aussi les prétendues vertus immunitaires de la tisane.

Dans sa liste de matériel pour faire face à la pandémie à Madagascar, le ministre de la Santé désavoué par Andry Rajoelina mentionnait aussi le besoin de médicaments, entre autres, 328 000 comprimés d'hydroxychloroquine, traitement recommandé par certains contre le Covid-19, mais dont l’efficacité n’a pas non plus été prouvée à ce jour.

Avec AFP