Confiné en Colombie, le cycliste colombien Nairo Quinta, ancien vainqueur du Giro et de la Vuelta, rêve toujours d'ajouter le Tour de France à son palmarès. France 24 l'a rencontré pour évoquer ses espoirs pour l'étrange saison 2020 post-Covid-19 qui se profile.
Habituellement, à cette époque de l'année, Nairo Quintana se trouve sur le Tour de France, à batailler avec les plus grands cyclistes sur les cols des Alpes ou des Pyrénées. Cependant, pandémie mondiale de Covid-19 oblige, il est encore confiné sur ses routes d'entraînement préférées, près de son village natale de Cómbita, à 2 800 mètres d'altitude.
France 24 est parti à la rencontre du "scarabée", qui n'a pas renoncé à son "rêve jaune" pour la Grande Boucle, dont le départ est désormais prévu le 29 août. "Nous nous sommes adaptés en nous mettant dans la tête la date du 29 août et avons commencé notre préparation", explique le cycliste colombien, serein malgré le bouleversement du calendrier cycliste provoqué par le Covid-19.
Un début de saison en fanfare
À 30 ans, le cycliste colombien a signé début 2020 un début de saison tonitruant avec cinq victoires en 16 jours de courses : une étape et le classement général lors du Tour de Provence, une étape et le classement général du Tour des Alpes-Maritimes et du Var. Il est aussi le dernier vainqueur en date sur une course World Tour (le plus haut niveau cycliste) : juste avant que le Covid-19 mette le sport mondial à l'arrêt quasi-complet, il s'était en effet imposé lors de la dernière étape du Paris-Nice.
Fini le Nairo Quintana attentiste et à la peine de ces dernières années. Le début de l'année 2020 a marqué le retour du "Kingtana", impérial dès que la route commence à s'élever. Un retour en grâce qui coïncide avec son changement d'équipe. Après huit années sous le maillot bleu de la Movistar, il est passé sous pavillon breton, revêtant la tunique rouge et noire des Arkea Samsic.
Un nouveau climat qui paraît convenir au Colombien, loin de la sempiternelle guerre des leaders et des egos de la formation espagnole. "Je me sens très bien, reconnaît Nairo Quintana. On l'a vu en début de saison, il y a des gens formidables dans cette équipe. Donc ça va bien, je me sens heureux (...), il y a beaucoup de paix."
"Je ne me sens pas comme un favori"
Le "scarabée" colombien aborde le Tour de France qui arrive avec beaucoup de calme et d'ambition Et pour cause, le parcours 2020 semble être bâti pour lui : de nombreuses étapes de montagnes (son point fort) et un seul contre-la-montre (son point faible). Pour autant, Nairo Quintana refuse la casquette de favori.
"Je ne me sens pas comme un favori. Je pense qu'il y a des coureurs beaucoup plus favoris que moi et des équipes plus fortes. Nous serons bien, en bonne condition et nous nous battrons pour le classement général", confie-t-il en référence à son compatriote, le jeune prodige Egan Bernal, qui est devenu l'an passé le plus jeune vainqueur du Tour de France de l'histoire et qui défendra sa couronne dans l'équipe Ineos. Et d’ajouter : "Il y a des jeunes qui arrivent sur le circuit et qui sont très forts, mais nous le sommes aussi. Nous serons biens préparés et nous avons de l’expérience."
Si Egan Bernal l'a coiffé au poteau en 2019 pour devenir le premier vainqueur colombien du Tour de France, Nairo Quintana n'a pas renoncé à son rêve de devenir le premier Colombien à intégrer le cercle très fermé de légendes ayant remporté les trois Grands tours. S'il venait à remporter le maillot jaune à Paris après avoir conquis le Tour d'Italie (2014) et le Tour d'Espagne (2016), il ne serait que le huitième coureur de ce cénacle aux côtés de Jacques Anquetil, Felice Gimondi, Eddy Merckx, Bernard Hinault et plus récemment Alberto Contador, Vincenzo Nibali et Christopher Froome. Interrogé sur ce "rêve jaune", Nairo Quintana ne peut réprimer un sourire et avouer qu'il n'envisage pas d'arrêter sans l'avoir gagné.
"Il manque l'adrénaline"
Après deux mois de confinement où il en a "profité pour passer du temps en famille", le coureur colombien a pu retrouver les routes colombiennes à la mi-mai, mais il reconnaît que la compétition lui manque désormais
Un resumen de lo que fue mi semana. @arkeasamsic @canyon @ekoicycling
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"Il manque l'adrénaline", souffle ce compétiteur-né, qui ne craint pas un éventuel différentiel de forme par rapport à ses concurrents en raison des confinements à géométrie variable en fonction des pays.
"Je pense que ce sera pareil pour tout le monde. Nous aurons tous subi le confinement et respecté les règles en vigueur dans chacun de nos pays respectifs. Seuls ceux qui n'ont pas été confinés auront un bonus car ils n'ont pas eu cet arrêt forcé [c'est notamment le cas des coureurs belges qui avaient l'autorisation du gouvernement pour s'entraîner sur route, NDLR]. Mais pour le reste, nous sommes tous au même point. Ce qui va nous différencier, ce sera la préparation qui a été faite pendant ces deux mois de confinement que nous étions chacun chez nous. Nous ne saurons qu'une fois en course si cette préparation a été bonne ou mauvaise", analyse-t-il.
"Polytraumatismes au genou droit"
Expérience, sérénité, préparation. Tous les ingrédients semble réunis pour que Nairo Quintana fasse briller les couleurs d'Arkea Samsic…. À moins qu'une blessure vienne contrecarrer ses espoirs.
En effet, quelques jours après cet entretien, le "scarabée" a été victime le 3 juillet d'un accident de la route à Motavita, au nord-est de Bogota, alors qu'il s'entraînait avec son frère et équipier Dayer Quintana. Arkéa Samsic a indiqué qu'"aucune fracture n'a été diagnostiquée". Néanmoins, le coureur souffre "de polytraumatismes au genou droit" et doit donc observer deux semaines de repos.
Des nouvelles de @NairoQuinCo après les examens qu'il a passés suite à son accident vendredi à l'entraînement. Pas de fracture mais une inflammation au genou droit qui l'oblige à observer 2 semaines de repos. Un contre-temps dans sa préparation avant son retour en Europe. pic.twitter.com/Swdrrt3PDo
— Lionel Poussery (@Lionel_Poussery) July 4, 2020Selon le communiqué d'Arkéa Samsic, le Colombien a estimé que cette d'indisponibilité n'affecterait "en aucun cas" sa préparation "pour son objectif de l'année qui est le Tour de France". Nairo Quintana devrait donc bel et bien être au départ de la Grande Boucle pour tenter de faire son "rêve jaune" une réalité.
Adapté de l'espagnol par Romain Houeix. Retrouvez la version originale ici.