Il est désormais plus en danger que jamais : Joshua Wong continue de protester depuis Hong Kong contre la loi sur la sécurité nationale, imposée par Pékin au territoire le 30 juin dernier. Portrait de ce militant pro-démocratie de 23 ans, dont le visage est déjà bien connu des Hongkongais.
L'entrée en vigueur de la loi sur la sécurité nationale à Hong Kong est loin de l'avoir freiné. Ce 9 juillet, Joshua Wong a posté sur Twitter un lien d'appel à manifester partout dans le monde, intitulé "Friday for freedom : Free Hong Kong !" (Vendredi pour la liberté : libérez Hong Kong !). Un message risqué quand on sait que "Libérez Hong Kong" fait maintenant partie des slogans interdits par la nouvelle loi liberticide. Mais depuis le début de son engagement, il ne veut rien céder à Pékin.
Le contexte
Le futur activiste n'a que 8 mois en 1997 quand Hong Kong, qui était sous souveraineté britannique, est restitué à la Chine. Elle s'engage à respecter le principe d'un pays, deux systèmes : le territoire pourra garder son système économique et législatif, ainsi que son mode de vie pendant 50 ans. C'est-à-dire jusqu'en 2047, date qui devient vite l'horizon de Joshua.
2012 : les cours d'"éducation morale et nationale"
Très vite, il se bat pour que Pékin respecte son engagement avec Hong Kong. À 14 ans, il fonde le groupe d'étudiants activistes Scholarism avec des camarades du lycée, dont Agnes Chow, Ivan Lam et Nathan Law.
Le groupe organise un an plus tard des manifestations contre l'introduction de cours d'"éducation morale et nationale" prévus pour la rentrée de septembre 2012 par le nouveau chef de l'exécutif Leung Chun-Ying, choisi en mars.
Les manuels de ces derniers font les louanges du parti communiste chinois, et passent sous silence certains événements de l'histoire, comme la sanglante répression de Tiananmen en 1989.
Le mouvement prend de l'ampleur, et Joshua Wong commence les apparitions médiatiques, où il qualifie ces cours de "lavage de cerveau". Le 8 septembre, il connaît sa première victoire : le gouvernement annonce que ces cours ne seront pas imposés dans les écoles hongkongaises.
2014 : le suffrage universel à Hong Kong
En 2014, Joshua Wong soutient Benny Tai, professeur de droit, dans son combat pour obtenir le suffrage universel à Hong Kong. Car depuis la rétrocession à la Chine, c'est Pékin qui choisit les candidats au poste de chef de l'exécutif du territoire.
Le 26 septembre, il organise une manifestation étudiante devant le siège du gouvernement, qu'il escalade avec d'autres étudiants avant d'être arrêté et placé en détention, où il restera 46 heures.
Cet événement lance la "Révolte des parapluies", appelée ainsi car les manifestants se munissent de parapluies pour se protéger des gaz lacrymogènes lancés par la police.
Joshua Wong donne de nombreux discours et devient vite la figure de la révolte. Mais cette fois-ci, les manifestants n'obtiennent pas gain de cause : la situation entre les forces de l'ordre et les manifestants dégénère, si bien que Benny Tai décide de se rendre à la police.
Le jeune militant, lui, ne veut pas abandonner tout de suite, et entame une grève de la faim. Au bout du cinquième jour, il est si affaibli qu'il doit se déplacer en fauteuil roulant, et il arrête sur ordre de son médecin.
Après ce premier revers, Joshua Wong et ses camarades réfléchissent à agir autrement que dans la rue. En 2016, ils annoncent la fin de Scholarism et forment un parti politique, Demosisto. Ce dernier préconise un référendum pour déterminer la souveraineté de Hong Kong après 2047. Lors des élections du Conseil législatif, il remporte un siège avec Nathan Law, qui à l'âge de 23 ans, en devient le plus jeune élu.
2019 : la loi d'extradition
Le parti organise en 2019 la première manifestation contre le nouveau projet de loi du gouvernement visant à extrader des personnes de Hong Kong, notamment vers Pékin.
Joshua Wong, en prison pour son rôle dans la révolte de 2014, est libéré le 17 juin 2019. À sa sortie, il appelle directement à la démission de la cheffe du gouvernement, Carrie Lam, élue en 2017.
Après des mois de manifestations monstres (l'une d'entre elles atteint 2 millions de participants selon les organisateurs, 1,44 million selon une étude du média hongkongais Stand News, pour 7 millions d'habitants), elle annonce le retrait définitif du projet de loi d'extradition le 4 septembre 2019.
Mais ce n'est plus assez pour Joshua Wong et les manifestants, qui ont depuis de nouvelles revendications. Le sujet du suffrage universel est notamment remis sur la table. Depuis Taïwan, il appelle les manifestants à continuer. "Le peuple de Hong Kong ne s'arrêtera pas tant que Hong Kong ne sera pas un lieu de démocratie et de liberté", assure-t-il.
Pourtant, le mouvement de protestation faiblit, avant d'être totalement interrompu par la pandémie de Covid-19 début 2020.
2020 : la loi sur la sécurité nationale
Pour mettre un terme définitif à la révolte, le nouveau directeur du bureau de liaison avec Pékin propose d'appliquer une loi sur la sécurité nationale. Elle interdit "la trahison, la sécession, la sédition et la subversion". Plus concrètement, elle punit des opinions politiques comme le soutien à l'indépendance ou à une plus grande autonomie du territoire. Malgré une reprise des manifestations pour s'y opposer, elle est imposée par Pékin à Hong Kong le 30 juin 2020.
En danger, les militants pro-démocratie risquent désormais la prison à vie. Joshua Wong et ses acolytes démissionnent du parti Demosisto le jour même. Le parti annonce sa dissolution quelques heures plus tard.
Nathan Law a annoncé le 2 juillet avoir fui pour continuer à agir depuis l'étranger. Joshua Wong, lui, reste à Hong Kong.
Le 6 juillet, il exhorte la communauté internationale à être solidaire avec les Hongkongais. Il vient alors de sortir du tribunal, où il a été interpellé un peu plus tôt pour son rôle dans les manifestations de 2019. À ses côtés, Agnes Chow et Ivan Lam, ses soutiens de toujours.
Depuis le 30 juin, la France, l'Australie, le Royaume-Uni, les États-Unis et le Canada ont menacé, voire déjà mis en œuvre des représailles contre Pékin.