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Municipales 2020 : la République en marche penche sérieusement à droite

Le parti présidentiel a multiplié les alliances avec la droite en vue du second tour des élections municipales du 28 juin, quitte à être en décalage avec les récents discours aux accents sociaux et écologiques d’Emmanuel Macron.

Le 28 mai, de nombreux membres de La République en marche (LREM) poussaient des cris d’orfraie après l’annonce de l’alliance passée par l’ancien ministre de l’Intérieur, Gérard Collomb, avec le candidat du parti Les Républicains (LR), François-Noël Buffet, à la métropole de Lyon. Une semaine plus tard et alors que toutes les listes pour le second tour des élections municipales ont été déposées, mardi 2 juin, force est de constater que les alliances entre LREM et la droite sont nombreuses et bien visibles.

À Strasbourg, le candidat LREM Alain Fontanel, arrivé deuxième avec 19,9 % des suffrages, derrière la candidate EELV Jeanne Barseghian (27,9 %), fera alliance le 28 juin avec Jean-Philippe Vetter (LR), qui était arrivé en quatrième position avec 18,3 %.

À Bordeaux, le "marcheur" Thomas Cazenave est arrivé troisième au premier tour, avec 12,7 % des voix, derrière le maire LR sortant Nicolas Florian (34,6 %) et le candidat EELV-PS Pierre Hurmic (34,3 %). Il fera alliance au second tour avec le candidat Les Républicains.

Pourquoi j’ai décidé de bâtir une coalition avec @nflorian33. #Bordeaux #Municipales2020 pic.twitter.com/68OKg2PExY

— Thomas Cazenave (@T_Cazenave) June 2, 2020

À Clermont-Ferrand, le candidat de La République en marche, Éric Faidy, troisième (15,5 %) au premier tour derrière le maire PS sortant Olivier Bianchi (38,1 %) et le candidat Les Républicains Jean-Pierre Brenas (20,7 %), a finalisé une alliance avec la droite.

Ces trois exemples s’ajoutent à ceux de Lyon, ou encore de Rouen, de Tours ou d’Aurillac. Il faut également ajouter les villes où des accords avaient été conclus dès le premier tour pour favoriser la réélection d’un maire sortant de droite. Ce fut le cas notamment à Toulouse avec le soutien de LREM au LR Jean-Luc Moudenc, à Nice avec le soutien de La République en marche au maire LR Christian Estrosi ou à Angers avec le soutien du parti présidentiel au maire Agir Christophe Béchu.

"Nous faisons la différence entre la droite Juppé et la droite Wauquiez"

Interrogé mercredi matin sur Franceinfo, le premier secrétaire du Parti socialiste, Olivier Faure, y a vu "un moment de clarification qui était attendu". "Partout La République en marche fait alliance avec Les Républicains. C'est d'ailleurs logique car le Premier ministre en est issu. Et ceux qui dominent la scène du côté de La République en marche, ce sont M. Darmanin (ministre du Budget), M. Le Maire (ministre de l'Économie), qui portent des propositions que portait autrefois la droite."

Le paradoxe de toutes ces alliances est qu’elles vont à l’encontre des récents discours d’Emmanuel Macron, qui a mis l’accent sur l’écologie et la nécessité de faire davantage de social dans les mois à venir. Or, dans toutes les villes où La République en marche a fait alliance avec la droite, l’objectif est bien de battre le candidat soutenu par Europe Écologie-Les Verts (EELV).

Le secrétaire national d’EELV, Julien Bayou, y a d’ailleurs vu, mardi 2 juin sur Sud Radio, un "front anti-écolo qui se crée", tandis que son prédécesseur, David Cormand, a affirmé dans un tweet que LREM était "en train d’être absorbée par LR dans des coalitions anti-climat".

#LREM en train d’être absorbée par #LR dans des coalitions anti-climat. Y compris des anciens socialistes Collomb et Fontanel prêts absolument à tout pour garder le pouvoir... Le grand clivage des temps qui viennent est claire: Pour ou contre l’écologie. https://t.co/yrsoFR0XUx

— David Cormand???????????? (@DavidCormand) June 2, 2020

À La République en marche, on répond que ce sont les écologistes qui ont systématiquement refusé la main tendue par les candidats du parti présidentiel. "Nous étions prêts à discuter avec tout le monde, dans une logique de projet, mais les Verts se projettent déjà sur 2022", tâcle un proche de la direction du parti, contacté par France 24, qui fait par ailleurs valoir que des alliances avec la gauche ont aussi été conclues comme à Auxerre ou Dunkerque.

"Quant à la droite, nous faisons la différence entre la droite d’Alain Juppé, avec laquelle nous partageons des idées, et celle de Laurent Wauquiez, avec laquelle nous refusons de travailler, ajoute cette même source. C’est ce que montrent les retraits de nos investitures à Lyon et à Clermont-Ferrand."

Une fracture de plus en plus vive entre aile gauche et aile droite chez LREM

Mais un haut cadre du parti présidentiel, cité par l’AFP, regrette toutefois qu’un déséquilibre soit apparu lors des alliances de second tour des municipales. "Il y a quand même quelque chose qui est dangereux : plus encore que perdre les élections, c'est perdre sa cohérence", pointe-t-il, en regrettant le manque de colonne vertébrale idéologique de LREM, qui a eu toutes les peines pendant la campagne à définir le "progressisme municipal".

Ce sont donc les fondements-mêmes du macronisme et du fameux "et en même temps" qui sont remis en cause. Alors qu’une fracture était déjà apparue au sein du groupe majoritaire de l’Assemblée nationale, avec le départ d’une partie de ses représentants de l’aile gauche, les élections municipales sont une preuve de plus que La République en marche penche à droite.

C’est ce que dénonce le député du Val d’Oise, Aurélien Taché, parti de LREM le mois dernier pour fonder le groupe Écologie Démocratie Solidarité au Palais Bourbon, et qui a récemment apporté son soutien à Anne Hidalgo pour la Mairie de Paris.

#Municipales2020 - Agnès #Buzyn, retour à hauts risques.

???? @Aurelientache, député @EDSAssNat, voterait pour @Anne_Hidalgo s'il devait voter à #Paris : "C'est surtout une question stratégie politique, de cohérence dans les valeurs".

???? #AudreyAndCo avec @audrey_crespo. pic.twitter.com/880V2qHtSq

— Audrey & Co (@AudreyAndCoLCI) May 27, 2020

"Il y a la nécessité de poursuivre à Paris une politique ambitieuse en matière écologique et en matière sociale autour de valeurs progressistes", a-t-il déclaré le 27 mai sur LCI. "Aujourd'hui, je ne comprends pas du tout ce que vont faire des gens qui ont défendu la PMA pour toutes, qui ont défendu le mariage pour tous, avec des gens de Sens commun", association née de la contestation du mariage pour tous. Le député fait ici référence à la tête de liste LREM dans le 5e arrondissement, la maire sortante Florence Berthout, élue en 2014 avec l’étiquette LR. Cette dernière, qui vient de fusionner sa liste avec celle de son ancien parti pour le second tour, n’a jamais caché ses réserves concernant la PMA pour toutes.