
Détenue en Iran depuis juin 2019, l'anthropologue franco-Iranienne Fariba Adelkhah a été condamnée, samedi 16 mai, à cinq ans de prison pour "collusion en vue d'attenter à la sûreté nationale", selon son avocat Saïd Dehghan.
L'anthropologue franco-iranienne Fariba Adelkhah a été condamnée, samedi 16 mai, à cinq ans de prison par un tribunal iranien pour "collusion en vue d'attenter à la sûreté nationale", a déclaré à l'AFP son avocat Saïd Dehghan.
Selon ce dernier, la chercheuse a aussi été condamnée à un an pour "propagande contre le système [politique de la République islamique]", mais elle doit purger seulement la peine la plus longue. Cette condamnation peut néanmoins faire l'objet d'un appel.
Selon son avocat, l'accusation de "propagande contre le système politique" se réfère à l'avis de la chercheuse sur le port du voile en Iran, mais pour lui, il s'agit de remarques d'une universitaire avant tout, plus que d'un jugement de valeur.

Système judiciaire très opaque
Ancienne correspondante en Iran, Mariam Pizadeh a expliqué, samedi sur France 24, que l'avocat de Fariba Adelkhah pourrait faire appel, "mais le système judiciaire iranien étant très opaque, cela pourrait prendre beaucoup de temps", précise la journaliste, ajoutant que le verdict tombé samedi était déjà attendu depuis plus de deux semaines. "Elle reste donc en prison", poursuit la spécialiste de l'Iran. "Une détention éprouvante avec une grève de la faim qui a duré un mois et demi et qui l'a affaiblie physiquement".
Le procès de Fariba Adelkhah s'était ouvert le 3 mars devant la 15e chambre du tribunal révolutionnaire de Téhéran. À l'issue de la deuxième audience le 19 avril, son avocat avait dit espérer une relaxe. La chercheuse, qui a toujours clamé son innocence, avait en effet été très affaiblie par une grève de la faim de 49 jours entre fin décembre et février, selon Me Dehghan.
La France réclame sa libération immédiate
Le président Emmanuel Macron a déjà appelé à plusieurs reprises à la "libération immédiate" de l'anthropologue franco-iranienne. Directrice de recherche au centre de recherches internationales de Sciences Po à Paris, Fariba Adelkhah, qui est âgée de 61 ans, a été arrêtée en juin 2019 par les Gardiens de la Révolution islamique sur des soupçons d'espionnage, passibles de la peine de mort en Iran
En janvier, la justice iranienne avait abandonné l'accusation d'espionnage contre l'anthropologue – dont Téhéran ne reconnaît pas la double nationalité – qui était restée toutefois accusée de propagande contre le système et collusion contre la sécurité nationale. Son compagnon Roland Marchal, libéré le 20 mars dernier, avait, lui, été détenu pendant neuf mois en Iran.
Samedi, par la voix de son ministre des Affaires étrangères, la France a dénoncé la condamnation "politique" de Fariba Adelkhah, réclamant sa libération immédiate.
"Cette condamnation n'est fondée sur aucun élément sérieux ou fait établi, et revêt donc un caractère politique", a estimé Jean-Yves Le Drian dans un communiqué. "Je condamne avec la plus grande fermeté [ce verdict]", a-t-il ajouté, exhortant "les autorités iraniennes à libérer immédiatement Mme Adelkhah" et réclamant "un accès consulaire".

De son côté, le comité de soutien de Fariba Adelkhah, à Paris, a dénoncé samedi une procédure judiciaire ressemblant au "'Procès', de Kafka".
Il a également appelé à "suspendre toutes les coopérations scientifiques institutionnelles avec l'Iran". "Comment continuer à travailler avec un État qui nie l'essence même de notre métier et qui, plus largement, viole les fondements les plus élémentaires de la liberté d'expression et de penser ?"
"La France a peu de possibilités de pouvoir interférer sur ce verdict"
L'arrestation de Fariba Adelhah "est intervenue dans une période de tensions entre les Gardiens de la Révolution et le gouvernement Rohani", analyse Mariam Pirzadeh sur France 24. Des tensions internes doublées de tensions extérieures. "alors que l'économie iranienne est étranglée par les sanctions américaines, et que l'Europe n'arrive pas à couvrir ces sanctions".
Aussi, explique la journaliste, la République islamique pourrait avoir besoin d'éléments de pression sur l'Europe, stratégie qu'elle poursuit depuis les années 1980. Parce que les autorités ne reconnaissent pas la nationalité française de Fariba Adelkhah, "la France a peu de possibilités de pouvoir interférer sur ce verdict", abonde Mariam Pirzadeh.
L'anthropologue franco-iranienne aurait par ailleurs repoussé les propositions faites par ses geôliers d'obtenir sa liberté conditionnelle. Une liberté suspendue à la condition qu'elle cesse ses recherches sur le chiisme en Iran, et au prix d'une expulsion vers la France, sans retour possible en Iran.
Avec AFP