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Le coronavirus dans les Ehpad (2/3) : un directeur raconte sa "gestion de crise"

L'épidémie de coronavirus fait craindre une hécatombe dans les résidences pour personnes âgées dépendantes. Confronté au Covid-19, un directeur d'Ehpad explique comment protéger le personnel tout en assurant un haut niveau de solidarité avec la population la plus fragile face à la pandémie.

Après quatre semaines d'isolement dans les Établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), Pierre Gouabault commence à peine à relever la tête. Actuellement en charge de trois établissements dans la région Centre-Val-de-Loire, il ne recense, pour l'heure, aucun cas de coronavirus. Mais depuis une semaine, il assure en parallèle la gestion de crise liée au Covid-19 dans un établissement voisin, à Salbris.

Le bilan est lourd : dix décès en quelques jours, dont cinq liés au coronavirus, ainsi que 19 cas de suspicion. "Ce n'est pas une vague mais un tsunami qui est entré dans l'Ehpad, c'est un véritable drame", commente Pierre Gouabault.

"Même la science-fiction n'avait pas imaginé un tel scénario"

"Personne n'est préparé à cela. On a beau avoir mis en place des plans de continuité d'activité, on est proches du chaos, commente le responsable administratif de 37 ans. Même la science-fiction n'avait pas imaginé un tel scénario." En France, plus de 700 000 personnes âgées en perte d'autonomie sont hébergées dans quelque 10 600 Ehpad, d'après les données du ministère de la Santé. Selon un premier décompte partiel annoncé le 2 avril, au moins 884 ont succombé au Covid-19.

Dans l'établissement de Salbris, plus de 50 % des effectifs sont déclarés malades le 23 mars, dont le responsable d'établissement, lui-même touché par le Covid-19. C'est d'abord la directrice d'un Ehpad voisin qui le remplace au pied levé. Pierre Gouabault, lui, vient en renfort 48 heures plus tard, de sa propre initiative. "C'est une logique de solidarité, tout simplement", explique-t-il.

En quelques jours, le directeur remonte une équipe opérationnelle : 14 jeunes sont recrutés, principalement des étudiants en infirmerie. "Ils sont essentiellement en troisième année et ont l'équivalence d'un poste d'aide-soignant", précise-t-il. Puis, la réserve sanitaire est également mobilisée, avec trois infirmières et trois aides-soignantes venues de toute la France. "C'est dans les vrais drames que la solidarité de la nation se révèle", estime-t-il.

Bravo à la maman de ma collègue de promo @ED3S_ThClerc @EHESP @karelleherm qui est venue renforcer les équipes de l'#EHPAD de #salbris #covid19. Retraitée et solidaire ! Notre fierté nos EHPAD, notre fierté la solidarité @ARS_CVDL @FHFCVdL @Departement41 pic.twitter.com/OUyFS5Jh5b

— Pierre Gouabault (@pierregouabault) April 2, 2020

"Les plus fragiles de la société ont droit à la plus grande des attentions"

Pour lui, la crise sanitaire "terrible" qui se joue actuellement dans le monde aura le mérite de "poser un regard singulier sur la question des solidarités", commente-t-il. Le grand public découvre ainsi le milieu des Ehpad, où "les plus fragiles de la société ont droit à la plus grande des attentions".

Comme le veut le protocole, une unité Covid-19 a été mise en place au sein de l'établissement. Localisé au premier étage, le service dédié mobilise trois professionnels de santé en permanence. "Ils sont tous volontaires, mais c'est un choix lourd", souligne-t-il. "C'est cela accompagner la vie. La vie jusqu'au bout, dans la dignité."

En cas de détresse respiratoire de résidents, le directeur peut demander un transfert dans le service de réanimation d'un hôpital voisin. "On a de la chance de ne pas être une région où les services hospitaliers sont saturés", glisse-t-il. Un des résidents contaminés a pu être hospitalisé, avant de décéder.

La question des masques de protection, Pierre Gouabault préfère ne pas s'éterniser dessus. "La phase de prévention est derrière nous", assure le directeur. Les masques sont arrivés il y a une petite semaine, "et encore pas pour tout le monde", glisse-t-il, avant de lâcher : "C'est quasiment trop tard."

L'heure est désormais à la gestion des malades, assure le directeur d'Ehpad. Il nous faut des surblouses à usage unique", assure-t-il. "Le véritable enjeu maintenant est de renforcer les mesures de protection du personnel", conclut-il.