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Coronavirus : comment le Code du travail a été détricoté pour relancer l’économie

Le gouvernement a fait passer 25 ordonnances, mercredi, dans le cadre de la loi d’urgence sanitaire. Certaines d’entre elles permettent aux employeurs d’allonger le temps de travail, d’imposer des congés payés et des RTT aux salariés.

Emmanuel Macron l’a de nouveau répété mercredi soir, depuis l’hôpital militaire de campagne de Mulhouse, à propos des efforts à mener pour venir à bout de l’épidémie de Covid-19 : "Lorsqu'on engage une guerre on s'y engage tout entier, on se mobilise dans l'union."

Or, si de nombreux Français sont déjà sur le pont – à l’hôpital et dans les supermarchés notamment –, pour beaucoup, l’effort viendra à la fin du confinement, au moment de la reprise de l’activité économique du pays.

Car face à la récession qui s’annonce, le gouvernement entend faciliter la vie des entreprises lorsque celles-ci chercheront à se relancer. Plusieurs ordonnances signées par Emmanuel Macron, mercredi 25 mars, modifient ainsi largement certains articles du Code du travail relatifs au temps de travail, à la prise des congés payés et des jours de réduction du temps de travail (RTT). Ces dispositions sont toutefois limitées dans le temps : elles ne seront valables que jusqu’au 31 décembre 2020.

Semaine de 60 heures dans certains secteurs

L’article 6 de l’ordonnance n°2020-323 stipule que, "dans les entreprises relevant de secteurs d'activités particulièrement nécessaires à la sécurité de la Nation et à la continuité de la vie économique et sociale", la durée hebdomadaire maximale "peut être portée jusqu'à soixante heures". Une disposition qui existait déjà jusqu’ici mais qui ne pouvait être accordée que par décret dans certains cas très rares. Les secteurs concernés sont ceux de l’agroalimentaire, de l’énergie, des transports, des télécommunications ou encore de la logistique.

Cela signifie-t-il pour autant que tous les salariés concernés vont désormais passer à un rythme de 60 heures de travail hebdomadaires ? La réponse est non. Cette disposition permet aux entreprises de monter jusqu’à 60 heures, mais pas dans la durée.

"Si c'est occasionnel, par exemple pendant une ou deux semaines, le volontariat n'est pas requis", précise le ministère du Travail dans Le Parisien. Un salarié refusant de travailler plus pourra donc être licencié. Mais "si c'est une nouvelle organisation du travail qui dure un ou deux mois, le volontariat est requis", précise l'entourage de Muriel Pénicaud, toujours dans Le Parisien.

Pour les autres entreprises, le plafond horaire, actuellement de 44 heures par semaine en moyenne sur douze semaines consécutives, est relevé à 48 heures. Mais attention, pour les salariés concernés, il s’agira bien d’heures supplémentaires majorées.

Congés payés et RTT imposés par l’employeur

Les syndicats relèvent toutefois que les salariés auront beaucoup de mal à enchaîner plusieurs semaines de 60 heures. "C'est une hérésie, parce que dans ces secteurs essentiels, on a besoin justement de ménager les salariés qui sont mobilisés. On risque d'ajouter au risque d'épidémie un risque de fatigue, d'épuisement, par des temps de travail plus importants et des temps de repos réduits", a notamment souligné le secrétaire général de Force ouvrière, Yves Veyrier, mercredi matin sur RTL.

Le syndicaliste pointe une autre disposition de l’article 6 : "La durée du repos quotidien fixée à l'article L. 3131-1 du Code du travail peut être réduite jusqu'à 9 heures consécutives" dans certains secteurs, au lieu de 11 heures actuellement. L’article 7 précise par ailleurs que certaines entreprises pourront travailler sept jours sur sept.

Mais les évolutions au Code du travail qui risquent de déplaire le plus aux salariés concernent les congés payés et les jours de RTT. L’article 1 de l’ordonnance n°2020-323 permet ainsi aux employeurs, grâce à "un accord d'entreprise, ou, à défaut, un accord de branche" de "décider de la prise de jours de congés payés acquis par un salarié (...) ou à modifier unilatéralement les dates de prise de congés payés", le tout "dans la limite de six jours de congés". En clair, les employeurs pourront obliger leurs employés à prendre des congés payés durant la période de confinement, mais aussi lors des mois à venir s'ils le jugent nécessaire.

En revanche, pas besoin d’accord d’entreprise ou de branche pour que l’employeur impose la prise de jours de RTT et des jours de repos "affectés sur le compte épargne-temps du salarié" – durant la période de confinement et jusqu'au 31 décembre 2020.

Le secrétaire national du syndicat des cadres CFE-CGC, Jean-François Foucard, interrogé par FranceInfo, note que "c'est intéressant pour l'État, parce que ça évite que les gens soient au chômage partiel", ce qui évitera de creuser un peu plus les finances publiques. Quant aux entreprises, elles "voudront éviter que tout le monde parte en même temps, au moment où ça redémarrera", analyse-t-il.