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Depuis l'aggravation de la pandémie de coronavirus, les différents pays, notamment en Europe, ont pris des mesures très variées et sur un rythme décalé. Selon le médecin Yves Goulnik, cette approche non universelle s'explique notamment par une culture et des traditions médicales variées.

Face à la pandémie de Covid-19, les mesures prises par les différents États contrastent sensiblement d'un pays à l'autre. Alors qu'en Italie ou en Espagne, où la situation est dramatique, le confinement est total, la Suède a par exemple choisi une autre voie, laissant écoles primaires, restaurants et bars ouverts. De son côté, le Royaume-Uni vient à son tour de décréter le confinement mais avec un temps de retard sur ses voisins.

Le médecin Yves Goulnik, directeur exécutif de Univadis international, entreprise de fourniture de contenus éditoriaux aux professionnels de santé, explique à France 24 d'où viennent ces disparités.

France 24 : Au cours des dernières semaines, nous avons constaté que les pays prenaient des décisions très différentes face à la pandémie Covid-19. À quoi cela est-il dû ?

Yves Goulnik : Les contextes sont en effet très différents en termes de politique, d’organisation des soins ou de foyers d’épidémie. Les pays ne réagissent donc pas de la même façon. Les exemples les plus visibles, ce sont le confinement ou l’absence de confinement. Ce dernier est aussi mis en place de manière différente et avec des timings plus ou moins espacés, selon les différents pays. 

Il faut aussi tenir compte de la disponibilité des équipements. En Allemagne, il y a trois fois plus de lits de réanimation qu’en France ou dans d’autres pays. Sur le plan médical, les pays sont aussi confrontés à des volumétries différentes en termes d’afflux de patients dans les centres de réanimation. Les systèmes de soins différents expliquent aussi les réactions très disparates. Le Royaume-Uni a par exemple un système plus nationalisé, tandis que d’autres pays sont plus régionalisés comme l’Italie et l’Allemagne. Ce sont ces différences qui dictent les réponses quand on enlève la couche politique.

Il y a également des différences qu’on ne comprend pas. En Allemagne, il semble y avoir une mortalité plus faible, mais personne aujourd’hui n’est capable de l’expliquer scientifiquement. À l’inverse, en l’Italie, elle est très élevée. Est-ce que c’est parce que socialement et culturellement les gens vivent différemment, plus en famille, avec leurs anciens en Italie et moins en Allemagne ? On ne peut pas encore le dire.

Peut déjà dire que certaines décisions semblent plus efficaces que d’autres ?

Yves Goulnik : Aujourd’hui, personne ne peut juger si les décisions sont bonnes ou mauvaises d'un point de vue médical. On est dans un état de tension entre, d’une part, respecter les protocoles établis scientifiquement et qui ont été développés dans les 30 ou 50 dernières années, et d’un autre côté, l’urgence de la situation qui fait que des décisions doivent être prises sur le terrain par des médecins ou des urgentistes, et qui le font avec les moyens qu’ils ont à leur disposition. 

On observe en tout cas que les personnels de santé se posent des questions concrètes à beaucoup de niveaux, que ce soit sur la disponibilité des équipements de protection pour eux-mêmes ou pour leurs patients, sur la téléconsultation et sa mise en œuvre, sur l’organisation des soins ou sur les recommandations de traitement. Les soignants apprennent au quotidien ce qui a l’air de fonctionner ou pas, mais dans chaque pays, ils sont confrontés à des profils différents de patients, des gens plus âgés ou qui ont plus de comorbidité, qui sont pris en charge plus ou moins tardivement ou qui ont été testés avant ou pas. Nous ne pouvons pas à l'heure actuelle donner de leçons. Nous nous contentons de coordonner les expériences des praticiens ou ce qu’on observe dans la littérature médicale. Aujourd’hui, chacun pense avant tout à ce qu’il peut faire pour traiter ses patients, pour se protéger, et pour freiner la propagation de la pandémie.

Peut-on aussi penser que lors de la sortie de crise et de la fin du confinement, les pays vont opérer des choix très différents ?

Yves Goulnik : Le timing sera différent. Selon l’état de préparation et de diffusion, qui dépendra des traitements et aussi du nombre de foyers, des pratiques sociales ou individuelles, il est évident qu’il y aura des différences de mortalité et que les pays sortiront de cette crise à des rythmes différents. Il ne faudrait d’ailleurs pas que cela génère des réinfections par rapport aux frontières. Dans la mesure où tout le monde n’aura pas forcément été testé, on ne pourra pas dire si y a un risque plus élevé suivant les pays. Ce qui est évident, c’est que cela sera déroulera à un rythme graduel et en tout cas irrégulier.