
Avec Michael Bloomberg, Elizabeth Warren est l'autre grande perdante du "Super Tuesday" des démocrates. La sénatrice du Massachusetts est battue à domicile par Joe Biden et Bernie Sanders et ne glane qu'une poignée de délégués. De quoi alimenter les rumeurs d'un futur retrait.
Elizabeth Warren ne sera pas la première présidente des États-Unis. Du moins pas en 2020. Sa contre-performance dans les 14 États qui votaient, mardi 3 mars, dans le cadre du "Super Tuesday" de la primaire démocrate met un coup d'arrêt à ce rêve qu'elle caressait depuis le lancement de sa candidature en octobre 2018.
La sénatrice progressiste a passé une très mauvaise soirée. Elle n'a remporté aucun des 14 États mis en jeu. Pire : elle a même perdu dans son fief du Massachusetts, où elle a terminé à la troisième place, derrière les désormais grands favoris, Joe Biden et Bernie Sanders.
"Perdre votre État d'origine, c'est dire adieu à la présidentielle" estimait le stratège démocrate Brad Bannon, interrogé par l'Express juste avant le "Super Tuesday". "Si Warren ne remporte pas le Massachusetts, sa campagne sera privée d'argent et elle devra abandonner très rapidement. "
Une perte de vitesse fatale
Jusqu’en octobre dernier, Elizabeth Warren était en tête de plusieurs sondages au point de devenir la grande favorite. Ses partisans appelaient même Bernie Sanders, alors victime d'une crise cardiaque, à se retirer pour unifier la gauche du parti démocrate derrière une candidature unique.
La sénatrice de 70 ans avait trouvé son style. Comme l'indiquait sa couverture du Time, "elle a un plan pour tout". Elle apparaît alors comme une battante. Mais cette professeure de droit sait aussi se montrer pédagogue comme lorsqu'elle présente son projet d’impôt sur la fortune : “2 cents”. Il s’agit d’un impôt sur la fortune avec un taux de 2 % sur chaque dollar au-delà d’une fortune de 50 millions de dollars
“Two cents ! Two cents !”, était d'ailleurs l'un des slogans scandés par ses partisans lors de ses meetings.
Ça c'est l'ambiance dans la salle quand @ewarren parle de son impôt sur la fortune (2 centimes sur chaque dollars au delà de 50 millions). La foule scande "Two cents!!!!" ???????????? #Warren2020 #TwoCents #2020Election pic.twitter.com/1YgcjXU7gA
— Hélène Guinhut (@heleneguinhut) December 1, 2019Mais l'engouement est finalement retombé et sa méthode a changé. Dans les débats, elle s’est mise à attaquer sans retenue ses adversaires, sans pour autant voir des retombées électorales. Cette ancienne grande pourfendeuse des Super-Pac (des organisations privées pouvant lever des fonds et dépenser un montant illimité pour soutenir un candidat) a fini par accepter d'y avoir recours. De quoi détourner les électeurs les plus radicaux ?
Pas de victoire depuis le début de la campagne
Elizabeth Warren est à la peine depuis le lancement de la saison des primaires. Si, lors du caucus de l'Iowa, elle arrive en troisième position, avec 18 % des délégués de l’État, elle obtient des résultats décevants par la suite, terminant en quatrième position au New Hampshire et au Nevada, récoltant entre 9 et 10 %. La primaire de Caroline du Sud du 29 février va confirmer cette perte de vitesse, puisqu'elle arrive seulement en cinquième position avec 7 % des suffrages exprimés.
Certains partisans d’Elizabeth Warren estiment que même si l'investiture démocrate devait lui échapper, les votes qu'elle aura récoltés lors du "Super Tuesday", lui permettront de continuer à peser dans la campagne et promouvoir ses idées.
Se rallier à Bernie Sanders ?
Si elle n'a pas encore renoncé, Elizabeth Warren est désormais pressée par les partisans de Bernie Sanders de se retirer. Elle est accusée de diviser le vote du camp progressiste et d'amputer les chances du sénateur socialiste de mener "sa révolution".
"Il est temps de tirer votre révérence, Sénatrice Warren", l'implorait, mercredi matin, Jacobin Mag, un magazine pro-Sanders.
After her woeful Super Tuesday results, Elizabeth Warren has next to no chance of winning more delegates than Bernie Sanders. But she has a plan for that — only it’s the opposite of everything she once stood for. (And it won’t even work.) https://t.co/5YTglji7pA
— Jacobin (@jacobinmag) March 4, 2020Le retour de bâton est cruel alors que ses partisans exigeaient la même chose de Bernie Sanders il y a encore quelques mois.
Si les deux programmes sont relativement proches (assurance maladie pour tous, impôt sur la fortune…), les deux sénateurs ont pris leurs distances depuis le début de la campagne. Ils continuent de se dire amis et refusent de se critiquer publiquement. Cependant, un épisode lors d'un débat a cristallisé les tensions : Bernie Sanders a démenti avoir affirmé à Elizabeth Warren qu’une femme n’avait aucune chance de gagner la présidence. En retour, elle avait refusé de lui serrer la main.
Elizabeth Warren, future VP ?
Après le retrait tôt dans la course à l'investiture de l'élue de Californie, Kamala Harris, de celui de la modérée Amy Klobuchar et que Tulsi Gabbard reste une candidate ultra-minoritaire, Elizabeth Warren faisait également figure de dernier espoir féminin dans la course démocrate.
À défaut, Lori Cox Han, professeure de sciences politiques à l'Université Chapman, estime qu’Amy Klobuchar et Elizabeth Warren constituent désormais des candidates sérieuses pour le poste de vice-présidente.
La sénatrice du Massachusetts a tenté de se présenter comme le trait d'union entre la gauche du parti, qu'incarne Bernie Sanders, et le côté le plus centriste de Joe Biden. Si cette posture rassembleuse ne lui a pas permis de convaincre les électeurs des deux camps, elle pourrait désormais lui permettre de négocier une place sur le ticket démocrate.
"Si le parti démocrate n'a pas de femme sur son ticket, ils mériteront de perdre", indique l'universitaire Lori Cox Han, sur l'antenne de France 24. "Et avoir la première vice-présidente de l'histoire permettra d'ouvrir la voie à une première présidente."