La décision préfectorale de fermer plusieurs établissements scolaires dans neuf communes du sud de l'Oise a pour objectif de limiter la propagation du coronavirus dans cette zone du département. Au prix de quelques couacs et de beaucoup d'interrogations.
Écoles fermées, enseignants manquants, voyages scolaires annulés : dans la nuit du dimanche 1er au lundi 2 mars, la vie scolaire dans plusieurs communes de l’Oise a été bouleversée par des mesures drastiques prises par le ministère de l’Éducation nationale. Les enseignants qui habitent dans les neuf communes désignées comme "cluster" – c’est-à-dire une zone où il y a un regroupement de cas de Covid-19 – ne peuvent pas se rendre dans leur établissement, même situé dans des zones voisines où le confinement n’est pas de rigueur.
Les mesures du ministère sont parvenues au compte-gouttes aux enseignants, jusque tard dans la nuit, dimanche soir. À Gouvieux ou à Chantilly, villes limitrophes des zones confinées, plusieurs voyages scolaires ont été annulés à la dernière minute, faute d’encadrement pour l’un, et sur décision de la mairie pour l’autre. "Ce sont des mois de travail, de préparation… La déception des enfants est immense", soupire une directrice d’école. Il faut trouver des enseignants de remplacement, parer au plus urgent, trouver des solutions de secours pour la cantine et les activités périscolaires.
Désorganisation également au lycée Jean-Rostand de Chantilly, ville qui n’est pas concernée par la fermeture, mais dont une grande partie des élèves et des professeurs habitent Lamorlaye, Creil ou encore Nogent-sur-Oise – eux sont interdits de se rendre dans l’établissement. "Le lycée tourne au ralenti, il n'y a pas de cantine, on a envoyé nos enfants ce matin en ne sachant pas quels cours auraient lieu", explique un parent d'élève. "Des élèves se sont faits refouler de la grille d'entrée parce qu'ils sont domiciliés dans la mauvaise commune. Les professeurs font cours devant des classes à moitié vides, et enregistrent des .mp3 pour les autres. C'est le bazar."
Le flou organisationnel cède la place à la débrouille dans les villes où les écoles primaires, collèges et lycées sont fermés : Creil, Crépy-en-Valois, Vaumoise, Lamorlaye, Lagny-le-Sec et Lacroix-Saint-Ouen. À Creil, "la ville est morte", résume un parent d’élève, joint par téléphone. Les habitants du sud du département voient, chaque heure, tomber de nouvelles consignes de fermeture : ici la piscine, là le complexe sportif. À l’inquiétude des parents pour la situation sanitaire s’ajoute la question scolaire. "Comment 'assurer la continuité pédagogique' que préconise le ministère de l’Éducation nationale ?", s’interroge une professeure de lettres classiques en classe préparatoire dans un lycée fermé jusqu'au 14 mars. "J'en ai déjà fait l'expérience lors d'une précédente fermeture, j'avais enregistré des vidéos de mes cours à mon domicile. Je sais que les plus consciencieux ont pris le temps de les voir, mais la plupart attendent la réouverture de l’établissement pour travailler. Ça ne vaut pas un vrai cours dans une salle de classe. Et pourtant, c'est un public de classe préparatoire, donc plutôt motivé !"
La question est problématique également pour les élèves de collège et de primaire. "Le CNED (Centre national d'enseignement à distance, NDLR) nous promet des accès en ligne dans deux jours", affirme un représentant de la SNUipp de l’Oise, syndicat d'instituteurs et de professeurs.
"Le contexte électoral prête à la surenchère"
Du côté médical, l’information circule par le biais de la préfecture et de l’Agence régionale de santé, "et elle circule plutôt bien", estime la sénatrice socialiste de l’Oise Laurence Rossignol, jointe par téléphone. "Depuis mercredi, la communication est quotidienne et efficace, on a progressé dans la mise en commun des informations, depuis le virus H1N1", assure l’ancienne ministre des Familles, de l’Enfance et des Droits des femmes sous la présidence de François Hollande.
"Cependant, nous n’avons jamais fait face à une crise sanitaire de cette ampleur. On a déjà confiné des élevages de poulets, certes, mais avons-nous déjà dû fermer des établissements scolaires par le passé ?", interroge la sénatrice socialiste. "Je ne le crois pas. C’est inédit. Je crains surtout que la proximité des élections municipales pousse les mairies à ne pas être raisonnables et à se prêter à la surenchère. La crainte d’un procès en négligence plane sur les autorités locales", estime Laurence Rossignol.
Les interrogations portent avant tout sur la base militaire de Creil, qui a organisé le rapatriement des citoyens français depuis Wuhan, en janvier. À ce stade, affirme le ministère de la Santé, aucun élément n'atteste le lien entre l'activité de la base militaire et l'apparition du Covid-19 dans l'Oise. Or, révélait dimanche Le Parisien, les militaires qui sont allés à Wuhan n'auraient pas été placés en quarantaine, "seulement en permission de quatorze jours à leur domicile, mais sans contrôle de leurs allées et venues, pas plus que celles de leurs familles", affirme une source militaire. "C’est compliqué d’avoir une réponse précise de la part de l’armée", souligne Laurence Rossignol. "J’ai déjà interpellé l’ancienne ministre de la Santé Agnès Buzyn sur Twitter, j’attends de pouvoir le faire dans l’hémicycle lors des prochaines questions au gouvernement, mercredi", affirme la sénatrice de l'Oise.
Dans l’Oise, on s’interroge fortement sur les mesures prises , à la base de Creil, au retour de la mission militaire partie à Wuhan. A ce moment Agnes Buzyn était ministre de la santé. Peut elle nous éclairer sur les mesures qu’elle a prises et les consignes qu’elle a données? https://t.co/6ljZgh8SIo
— Laurence Rossignol (@laurossignol) March 1, 2020Lundi 2 mars au soir, la préfecture a actualisé les consignes et durci encore les conditions de rassemblement dans le département : les mariages et les enterrements doivent "limiter l’effectif présent au strict minimum. En revanche, les rassemblements collectifs consécutifs à ces célébrations sont interdits", tout comme les réunions politiques publiques, les concerts, les séances de cinéma, etc. Les transports publics, eux, continueront à fonctionner.