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Bahreïn : une modernité sans concession

Nos reporters sont retournés au Bahreïn, neuf ans après le mouvement de révolte qui avait secoué ce pays du Golfe. Aujourd’hui, le Printemps bahreïni n’est plus qu'un lointain souvenir. Le roi Hamad est toujours au pouvoir, et face aux manifestations qui reprennent sporadiquement, la monarchie répond libéralisme et développement économique. Enquête de Miyuki Droz-Aramaki et Chloé Domat dans ce petit pays, l'un des plus fermés et des plus secrets du Moyen-Orient.

Bahreïn, le plus petit État du Golfe persique, coincé entre l'Arabie saoudite et l'Iran, est l’un des lieux symboliques des Printemps arabes. En février 2011, plusieurs milliers de Bahreïnis sont descendus dans les rues pour se rassembler Place de la Perle, au centre-ville de la capitale Manama. Durant trois semaines, ils ont demandé plus de démocratie, une meilleure représentation politique, l’élection d’un Premier ministre et plus de justice sociale.

Parmi eux, des membres de la communauté chiite, qui représente la majorité de la population. C’est sur eux que s’est focalisée l’attention. La famille Al Khalifa - sunnite -, qui tient les rênes du pouvoir depuis le 18e siècle, a dénoncé un complot ourdi par l’Iran chiite. Le roi a demandé l’aide militaire de l’Arabie saoudite et des Émirats arabes unis, afin de mater la révolte. La répression a fait des dizaines de morts et des centaines de blessés.

Aujourd’hui, le Printemps bahreïni n’est plus qu’un lointain souvenir. Le monument de la Perle, symbolique, a été rasé par des bulldozers. Les partis d’opposition sont interdits. De nombreux militants ont été envoyés en prison, torturés, déchus de leur nationalité, ou ont pris le chemin de l’exil.

Eldorado de la finance et du high-tech

Sans faire de concessions sur le plan politique, la monarchie a misé sur le libéralisme et le développement économique à grande échelle pour faire oublier le bain de sang de 2011 et ouvrir une nouvelle page.

Le pays souhaite devenir un hub au Moyen-Orient. Aux entreprises étrangères, Manama concède d’importants avantages fiscaux et se positionne comme une porte d’entrée vers le plus gros marché de la région, l’Arabie saoudite. C'est aussi un havre financier. Le pays accueille 400 institutions financières, dont une centaine de banques, pour seulement un million et demi d’habitants. Code informatique, blockchain, cloud... Le high-tech est la nouvelle ambition du royaume.

Une course aux investissements motivée par une urgence : la fin de l'ère pétrolière. Ironie de l’histoire, Bahreïn est le premier pays du Golfe à avoir découvert le pétrole dans les années 1930. C’est aussi le premier à voir ses réserves s’épuiser. Les hydrocarbures représentent déjà moins de 20% du PIB.

Libéralisme en trompe-l’œil ?

Désireux de se faire bien voir des pays investisseurs étrangers, le pays affiche une image d’ouverture et de tolérance. Le voile n’est pas obligatoire et la liberté de culte respectée. Les bars, les concerts et la vente d’alcool y sont autorisés. Résultat : tous les jeudis soir, veille de weekend, des centaines de véhicules font la queue sur le pont qui relie l’archipel à son grand voisin, l’Arabie saoudite.  

Mais pour ceux qui ont manifesté en 2011, cette ouverture n’est qu’une parade. Si les étrangers sont les bienvenus, beaucoup de Bahreïnis, surtout les chiites, majoritaires, sont laissés pour compte. À l’Université de Bahreïn, le manque de débouchés professionnels est la première angoisse des étudiants. Officiellement, le taux de chômage dans le pays s'établit à 4%, mais dans la réalité, il pourrait être beaucoup plus élevé. L’accès à l’emploi était l’une des revendications des manifestants en 2011. Au sein de la population, les cicatrices restent profondes et les inégalités criantes.