Des heurts ont de nouveau opposé, samedi au Liban, des protestataires aux forces de l'ordre dans le centre de Beyrouth, au centième jour d'une contestation inédite contre la classe politique accusée de corruption. Au moins 20 personnes ont été blessées dans les deux camps, alors que la rue rejette la composition du nouveau gouvernement.
De nouveaux heurts ont opposé, samedi 25 janvier, des manifestants aux forces de l'ordre à Beyrouth, au 100e jour d'une contestation inédite contre le pouvoir au Liban, les protestataires dénonçant l'affiliation du nouveau gouvernement à une classe politique accusée de corruption et de gabegie sur fond de grave crise économique.
Au moins 20 personnes ont été blessées dans les deux camps, dont 18 ont été soignées sur place, a indiqué à l'AFP le secrétaire général de la Croix-Rouge libanaise, Georges Kettaneh.
Sous le slogan "Pas de confiance", plusieurs marches pacifiques ont été organisées en début d'après-midi dans plusieurs rues de la capitale avant que le mouvement ne dérape après l'arrivée des manifestants au centre de Beyrouth.
Sur la place Riad el-Solh, la foule massée au pied de la colline du Sérail – le siège du gouvernement où réside le nouveau Premier ministre Hassan Diab –, a tenté d'arracher les barbelés et de déplacer les blocs en béton ainsi qu'un grand portail grillagé, selon un correspondant de l'AFP.
Les manifestants ont également lancé des pierres et des pétards sur la police anti-émeute postée de l'autre côté, qui a répliqué par des tirs de canon à eau et de gaz lacrymogène.
Bouclier à la main et en rangs serrés, les membres de la force anti-émeute ont fini par disperser les manifestants qui avaient réussi à démonter quasiment tous les obstacles érigés à l'entrée du siège du gouvernement, selon le correspondant de l'AFP.
"Partage de gâteau"
Ces deux dernières semaines, des heurts violents ont opposé les contestataires aux forces de l'ordre, alors que le pays était toujours sans gouvernement, faisant des centaines de blessés et entraînant des dizaines d'arrestations.
Le Liban s'est finalement doté mardi d'un nouveau cabinet, près de trois mois après la démission, sous la pression de la rue, de l'ancien Premier ministre Saad Hariri.
Mais la nouvelle équipe est affiliée, comme les précédentes, à des partis politiques que la rue conspue.
Elle est constituée cette fois par un seul camp politique, celui dominé par le puissant mouvement armé du Hezbollah pro-iranien et ses alliés.
#Liban: l'égérie de la révolution s'appelle Lina Boubess.
Pour la jeune génération, fer de lance de la protestation, elle est la "mama" de la révolte, depuis qu'elle a délivré un jeune manifestant en l’arrachant aux griffes de la police anti-émeute. pic.twitter.com/5dc3cHAm1w
La rue réclame depuis le 17 octobre une refonte du système politique et le départ de l'ensemble de la classe dirigeante.
Le point de départ de ce changement réside, selon les manifestants, dans la formation d'un cabinet réduit et transitoire composé de spécialistes indépendants du sérail politique, au pouvoir depuis la fin de la guerre civile (1975-1990).
"Ce n'est pas le gouvernement que nous avons réclamé", déplore Perla, une manifestante.
"Après cent jours, ils continuent de faire ce qu'ils veulent, comme si le peuple n'avait rien dit", ajoute-t-elle.
La rue dénonce un "partage de gâteau" entre partis politiques, dans un pays où la formation de gouvernements prête souvent le flanc à d'interminables négociations pouvant durer plusieurs mois.
Il a fallu un mois au Premier ministre Hassan Diab pour former son gouvernement, composé de vingt ministres, dont certains universitaires et professionnels, sur fond de divisions sur l'attribution des portefeuilles ministériels.
Cette grave crise politique s'est accompagnée ces derniers mois d'une détérioration de la situation économique, avec des licenciements en masse, des restrictions bancaires drastiques et une dépréciation de la monnaie nationale sur le marché parallèle.
Le Liban fait face à une "catastrophe" économique, a reconnu mercredi Hassan Diab, promettant que son gouvernement allait déployer tous les efforts pour éviter un effondrement.
Le pays croule sous une dette avoisinant les 81 milliards d'euros, soit plus de 150 % de son produit intérieur brut (PIB), l'un des taux les plus élevés mondialement.
Avec AFP