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Le procès de Harvey Weinstein est entré mercredi dans le vif du sujet à New York avec une défense décidée à saper la crédibilité des accusatrices du producteur de cinéma déchu.

Le producteur de cinéma Harvey Weinstein est un violeur et prédateur sexuel "expérimenté" et a usé de son pouvoir pour attaquer de jeunes actrices vulnérables, ont affirmé les procureurs à l'ouverture de son procès mercredi 22 janvier à New York, des accusations immédiatement rejetées par la défense.

En cravate et costume sombre, l'ex-magnat d'Hollywood, 67 ans, incarnation de ce que le mouvement #MeToo entend combattre, écoutait en secouant la tête ou passant des notes à ses avocats, tandis que la procureure Meghan Hast le décrivait comme une brute de 135 kilos ayant violé, humilié et traumatisé des femmes durant des années.

"Il apparaîtra clairement pendant le procès que l'accusé savait qu'il ciblait des (femmes) naïves et sans défense", a affirmé Mme Hast. "Elles ne savaient pas qu'il mentait pour les attirer. Elles croyaient que leur carrière décollait enfin. Il était comme la vieille dame de la maison en pain d'épices qui attire les petits enfants chez elle", a déclaré la procureure devant une salle d'audience pleine à craquer.

Meghan Hast a décrit en détail les agressions subies par trois des femmes appelées à témoigner lors du procès. Notamment celles de l'actrice Annabella Sciorra, de la série "Les Soprano", qui accuse Harvey Weinstein de l'avoir violée en 1993 après l'avoir rendue "accro" au valium. "Il l'a laissée émotionnellement et physiquement brisée, inconsciente sur le plancher", selon Meghan Hast.

Quant à Mimi Haleyi, une ex-assistante de production que M. Weinstein est accusé d'avoir agressé sexuellement en 2006, il l'a laissée "inanimée, comme un poisson mort", a affirmé la procureure.

"Poupée de chiffons"

La troisième femme citée mercredi matin, qui accuse Harvey Weinstein de l'avoir violée en 2013, a été identifiée pour la première fois comme Jessica Mann, une actrice vue dans la comédie "Cavemen". M. Weinstein l'a traitée comme une "poupée de chiffons", selon la procureure. Les agressions présumées contre Mimi Haleyi et Jessica Mann sont les seules dont doit répondre M. Weinstein lors de ce procès ultramédiatisé, qui doit durer jusqu'au 6 mars.

Le témoignage d'Annabella Sciorra – bien que son agression présumée soit trop ancienne pour donner lieu à des poursuites – doit montrer que M. Weinstein était un prédateur avéré. Au total, plus de 80 femmes, parmi lesquelles des vedettes comme Angelina Jolie, Gwyneth Paltrow ou Léa Seydoux, l'ont depuis octobre 2017 accusé de harcèlement et d'agressions sexuelles, parfois lors de grands festivals de cinéma comme Cannes, Sundance ou Toronto. Mais la plupart des faits sont anciens et prescrits.

En cas de condamnation, ce New-Yorkais pure souche, père de cinq enfants et divorcé deux fois, risque la perpétuité. Si des dizaines d'hommes de pouvoir sont accusés d'agressions sexuelles depuis octobre 2017, la quasi-totalité ont échappé à des poursuites pénales, faisant du procès de l'ancien magnat du cinéma un cas hautement symbolique.

Mais la défense a indiqué depuis longtemps qu'elle entendait semer le doute sur la crédibilité des accusatrices. Les faits "ne vont pas montrer qu'Harvey Weinstein était un prédateur, au contraire", a affirmé l'un de ses avocats, Damon Cheronis, en entamant sa plaidoirie. Il a souligné que la défense disposait de centaines de mails montrant que Jessica Mann et M. Weinstein avaient une "relation d'amour", et que M. Weinstein était "son petit ami" en 2014, un an après le viol présumé. Il a aussi affirmé que ces accusatrices étaient restées en bons termes avec le producteur jusqu'à ce que sortent les premières accusations contre lui en octobre 2017. "Vous allez vous demander : que se passe-t-il ? Cet homme est-il coupable, au-delà de tout doute ?", a lancé l'avocat aux douze jurés, cinq femmes et sept hommes.

L'accusation ne dispose d'aucune preuve matérielle, ni de témoin direct, des agressions présumées.

Mais le mouvement #MeToo a eu un tel impact aux États-Unis depuis deux ans – avec des dizaines d'hommes de pouvoir détrônés à la suite d'abus sexuels présumés – que l'accusation espère que les jurés écouteront les victimes avec plus de bienveillance qu'autrefois.

Avec AFP