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Le barrage éthiopien sur le Nil embourbé dans des médiations sans fin

Les négociations entre l'Éthiopie, le Soudan et l'Égypte au sujet du barrage de la Renaissance n’ont toujours pas abouti. L'Éthiopie, qui finance ce projet, a demandé au président sud-africain d’intervenir pour apaiser un différend de longue date avec l’Égypte, tributaire du fleuve.

Long de 1,8 kilomètre et haut de 145 mètres, il est censé devenir le plus grand ouvrage hydroélectrique d'Afrique mais depuis le début de sa construction, en 2011, sur le Nil Bleu, le barrage de la Renaissance oppose l'Éthiopie, qui finance le projet, à l'Égypte, dont l'économie dépend du Nil.

Neuf années de discussions n'ont jusque-là abouti à aucun accord. Lors d'une réunion à Washington en novembre, l'Éthiopie, l'Égypte et le Soudan – pays où le Nil Bleu converge avec le Nil Blanc – s'étaient pourtant donné jusqu'au 15 janvier pour s'entendre. De retour à Washington, mercredi 15 janvier, en présence du Département américain au Trésor et des représentants de la Banque mondiale, les trois pays ne semblent pas pouvoir y parvenir.

Pourtant, ce ne sont pas les médiations qui manquent. Dernier médiateur en date : l'Afrique du Sud. Dimanche 12 janvier, le Premier ministre éthiopien a demandé au président sud-africain d’intervenir, en tant que prochain président de l’Union africaine, pour apaiser le différend avec l’Égypte, inquiète car son approvisionnement en eau dépend du Nil à plus de 90 %.

L'Éthiopie, qui finance entièrement le projet, souhaite que le barrage commence à produire de l'électricité d'ici fin 2020 et soit complètement opérationnel d'ici à 2022. Une "intransigeance" qui serait à l'origine, selon le journal égyptien Al-Ahram, de l’échec des discussions à Addis Abeba.

La vitesse de remplissage, cœur de la discorde

Les dernières discussions tripartites, début janvier, avaient une nouvelle fois achoppé sur une des questions les plus épineuses : la vitesse de remplissage du réservoir.

L’Égypte dit craindre qu’un remplissage trop rapide du réservoir de 74 milliards de mètres cubes d'eau n’entraîne une réduction trop importante du débit du Nil et n’affecte des millions d’Égyptiens.

Addis Abeba souhaite effectuer l'opération sur une période de quatre à sept ans, contre, selon elle, une période de 12 à 21 ans pour Le Caire. Mais l'Égypte nie de son côté avoir formulé une telle demande.

"Des droits historiques sur le Nil"

Le Nil Bleu, qui prend sa source en Éthiopie, rejoint le Nil Blanc à Khartoum, pour former le Nil, qui traverse le Soudan et l'Égypte avant de se jeter dans la Méditerranée.

Le fleuve fournit 97 % des besoins en eau de l'Égypte, qui estime avoir des "droits historiques" sur le fleuve, garantis par les traités de 1929 et 1959. Ses rives abritent 95 % des quelque 100 millions d'habitants du pays, selon les Nations unies.

Un risque de guerre

Le groupe de réflexion International Crisis Group (ICG) a prévenu en mars que ces pays pourraient "être poussés à la guerre", car l'Égypte voit une "menace existentielle" dans tout ce qui met en péril son approvisionnement en eau.

De son côté, le Premier ministre éthiopien, Abiy Ahmed, a assuré en octobre, juste après avoir obtenu le prix Nobel de la paix 2019, qu'"aucune force" ne pouvait empêcher la construction du barrage. Et avait averti que des "millions" de personnes pouvaient être mobilisées pour le défendre si besoin était.

Le barrage de la Renaissance, qui engage un budget d’environ 4,2 milliards de dollars, devrait fournir à l’Éthiopie assez d’électricité pour en faire une industrie d’exportation. L’implication de toute la population éthiopienne dans le financement de l’ouvrage, fortement encouragée par le gouvernement, est devenue un enjeu national, comme le montre un reportage de France 24 datant de 2015.