![Face au Brexit imminent, les indépendantistes écossais vent debout Face au Brexit imminent, les indépendantistes écossais vent debout](/data/posts/2022/07/25/1658713671_Face-au-Brexit-imminent-les-independantistes-ecossais-vent-debout.jpg)
À l’appel du collectif All under one banner, des dizaines de milliers d’Écossais manifestaient samedi pour réclamer à Londres un nouveau référendum dès 2020 sur l’indépendance de leur région, qu’ils refusent de voir aspirée dans la spirale du Brexit.
À quelques semaines du divorce entre le Royaume-Uni et l’Union européenne (UE), le Brexit ravive les velléités indépendantistes en Écosse. Une foule d’Écossais, rassemblés derrière la banderole "Indyref2020", ont manifesté samedi 11 janvier à Glasgow, pour exiger la mise en place d’un nouveau référendum sur l’indépendance en 2020 du pays, et ainsi échapper à un Brexit dont ils ne veulent pas.
À l’origine de l’appel à manifester : l’association All under one banner (AUOB). Ce collectif, dont le nom signifie "tous sous le même drapeau", rassemble les partis et mouvements favorables à l’indépendance de l’Écosse.
Si un rassemblement de masse, prévu à l’issue de la marche, a été annulé en raison de la prévision de pluies et de vents violents, de 100 000 à 300 000 personnes étaient attendues, pouvant faire de cette manifestation la plus grosse jamais organisée dans ce pays qui ne compte que 5 millions d’habitants.
Dès 11 h 30 (heure locale), des dizaines de milliers de manifestants étaient rassemblés dans les rues de la métropole écossaise, troisième ville du Royaume-Uni, brandissant des pancartes sur lesquelles étaient écrits des slogans aussi éloquents que "Scotland of Britain" (l'Écosse hors de la Grande-Bretagne), "Another Scotland is possible" (une autre Écosse est possible), ou encore "end London rule" (finissons-en avec l'autorité de Londres).
"Si nous laissons un peu de pluie écossaise nous empêcher de marcher, nous n’avons aucune chance. La marche est en marche.", a tweeté le collectif.
In 3 days we take to the streets in an #EmergencyMarch that we called after the #GE2019 where Scotland's electorate rejected Westminster rule & gave a mandate to @theSNP for #indyref2020.
If we let the some Scottish rain stop us marching then we've no chance. The March is on ????????????????????????????????????????????????????????
Demande légitime, mais refusée par Londres
"Parce qu’ils sont dépendants de l’accord de Londres, la seule arme des Écossais est aujourd'hui politique", explique Nathalie Duclos, professeure des universités à Toulouse (Jean-Jaurès), et spécialiste de l’Écosse, contactée par France 24. "C’est dans ce contexte qu’il faut comprendre la manifestation d’aujourd’hui : l’idée est de montrer que le peuple est derrière cette demande, qu’il y a beaucoup d’Écossais qui la portent, et qu’elle est donc légitime faute de pouvoir être imposée légalement."
En effet, l’Écosse, membre du Royaume-Uni, ne peut organiser ce scrutin sans l’autorisation de Londres, et une fin de non-recevoir a déjà été envoyée par le Premier ministre britannique, Boris Johnson.
En 2014, un premier référendum sur l’indépendance avait été organisé. Résultat : le "non" l’avait emporté à 55 %, notamment en raison des craintes économiques que pouvait représenter l’émancipation de l’Écosse du reste du Royaume-Uni.
C’est cette raison qui est officiellement brandie par Londres pour justifier son refus d’autoriser l’Écosse à organiser un nouveau référendum. "Ce à quoi le gouvernement écossais répond que les circonstances ont complètement changé depuis le Brexit", ajoute Nathalie Duclos. Un argument qui, selon l’Écosse, devrait pouvoir justifier une réouverture du dossier.
En effet, le 23 juin 2016, deux ans après la première consultation, les Britanniques ont voté en faveur de la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne. Alors que les Écossais, à la différence des Anglais et des Gallois, se sont massivement prononcés contre (à 62 %), le Brexit a réveillé les tentations indépendantistes écossaises dans une région qui refuse majoritairement d’être emportée dans une spirale qu’elle n’a pas choisie.
Les élections législatives du 12 décembre dernier ont marqué une nette victoire du camp du Premier ministre conservateur, en Angleterre, laquelle lui permet de mettre en œuvre son plan de sortie de l’Union européenne sans trop d’encombres.
Mais dans le même temps, un raz de marée indépendantiste s’est abattu sur l'Écosse. Le Parti national écossais (SNP) a raflé la mise et obtenu 48 sièges sur les 59 alloués à l’Écosse à la chambre des Communes, soit pas moins de 80 % des élus écossais.
Forte de cet assentiment national, Nicola Sturgeon, Première ministre écossaise et cheffe du SNP, a réclamé un nouveau référendum d’indépendance. "Boris Johnson n’a pas de mandat pour faire sortir l’Écosse de l’Union européenne", a-t-elle alors affirmé dans une interview au média écossais STV News.
Saisir la Cour suprême, l’ultime solution
Dans ces conditions, l’hypothèse d’un référendum sur l’indépendance est-il possible, en 2020 ? "Dans un futur proche, ça ne me parait pas envisageable", affirme Nathalie Duclos. "Tant que les conservateurs seront au pouvoir, et que le Premier ministre écossais conserve cette stratégie que de demander l’autorisation à Londres, cela n’aboutira pas."
Pour la spécialiste de l’Écosse, le SNP aurait pu envisager une stratégie "à la catalane" et organiser un référendum malgré tout. Mais les autorités s’y refusent, cette voie n’étant pas constitutionnelle ou légale.
"La seule corde qui reste à leur arc est de porter l’affaire devant les tribunaux", abonde la professeure, qui précise que cela passerait forcément devant la Cour suprême.
Et si un référendum en 2020 semble peu plausible, il ne le sera pas plus en 2021. Les conservateurs seront toujours en majorité à Londres, et une nouvelle victoire du SNP aux élections écossaises de 2021 ne changera, pour Nathalie Duclos, pas grand-chose.
"Le SNP a largement remporté les dernières élections britanniques le mois dernier et avait déjà remporté les élections écossaises en 2016. Ça n’a rien changé", explique-t-elle, concédant que cela pourrait, tout au plus, renforcer l’argument de la légitimité démocratique qui a, à maintes reprises, été mis en avant par le parti indépendantiste.
2020, année du bras de fer entre Londres et Édimbourg
Existe-t-il donc une solution au problème écossais ? Si le référendum semble impossible en 2020, et s’il n’y a aucune raison qu’il le soit en 2021, peut-être faudra-t-il aux Écossais attendre les prochaines élections législatives britanniques en espérant un changement de majorité
"Oui, mais…", avertit Nathalie Duclos. "Ça va compliquer les choses pour l’Écosse, car au lieu de négocier sa transition vers l’indépendance de l’intérieur de l’UE, l’Écosse sera déjà sortie avec le Brexit et devra négocier une adhésion." Or, cette adhésion implique de nouvelles difficultés comme par exemple la possibilité pour les États-membres d’opposer leur véto à l’entrée de l’Écosse au sein de l’Union européenne. Autant d’obstacles sur la route des Écossais, qui justifient que ces derniers militent pour une émancipation dès 2020.
Si le bras de fer engagé entre Londres et Édimbourg semble difficilement pouvoir pencher en faveur de l’Écosse avant le divorce effectif du Royaume-Uni avec l’UE, les militants indépendantistes écossais sont déterminés à accroître la pression sur le gouvernement britannique. Qu’il pleuve ou qu’il vente, ceux-ci ont d’ores et déjà prévu de marcher "sous le même drapeau" à l’occasion de sept autres manifestations.