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Trafigura échappe de nouveau à son procès

La multinationale, qui devait comparaître devant la justice à partir du 6 octobre dans l'affaire du "Probo Koala" - pour la mort de 17 personnes et l’intoxication de milliers d’autres à Abidjan - a signé un accord avec les 31 000 plaignants.

Pour Trafigura, il s’agit d’un nouveau succès. Le procès de la multinationale – accusée d’avoir provoqué la mort de 17 Ivoiriens et l’intoxication de milliers d’autres, en déversant des boues toxiques dans des décharges à ciel ouvert d’Abidjan, en août 2006 – devait s'ouvrir le 6 octobre devant la Haute Cour de justice de Londres. Mais la firme spécialisée dans le négoce de matières première n'aura pas à se présenter dans le box des accusés. Dimanche, elle a fait savoir qu’elle était parvenue à un règlement à l’amiable avec les quelque 31 000 plaignants qui l’avaient assignée devant la justice britannique.

L'entreprise basée à Londres, Amsterdam et Genève versera 1 150 euros à chacun d’eux pour les désagréments causés par le déversement dans la capitale économique ivoirienne des 500 tonnes de déchets issus du vraquier qu’elle avait affrété, le "Probo Koala". Soit l’équivalent de 33 millions d’euros… au lieu des 198 millions demandés par les victimes devant les tribunaux.

En échange, les parties civiles s’engagent à clore le dossier et à reconnaître la conclusion des experts, qui "n’ont pas été en mesure d’établir un lien entre l’exposition aux produits chimiques émanant des déversements d’une part, et les décès, les fausses-couches, les naissances d’enfants mort-nés, les malformations, les pertes d’acuité visuelle ou d’autres maladies graves et chroniques" constatées par la suite, d'autre part.

"Nous disons plutôt qu’il s’agit d’un accord entre deux cabinets d’avocats", a réagit Denis Yao Pipira, président de la Fédération nationale des associations de victimes des déchets toxiques de Côte d’Ivoire, sur l’antenne de RFI. "Si Trafigura veut en finir de façon sérieuse avec cette affaire, elle doit prendre contact avec nous pour que nous ayons des discussions responsables qui incluent toutes les victimes", dont le nombre est bien supérieur à 31 000, estime-t-il.

La multinationale récidive

Trafigura avait déjà réussi la même manœuvre il y a deux ans. Le 13 février 2007, la firme avait annoncé la conclusion d’un accord avec l’État ivoirien prévoyant le versement d’une indemnisation globale de 152 millions d’euros contre la fin des poursuites engagées par la Côte d’Ivoire et la libération de deux de ses dirigeants emprisonnés à Abidjan. À l’époque, Eric de Turckheim, le directeur de l’entreprise, avait, comme cette fois, souligné qu’un tel règlement dégageait Trafigura de toute responsabilité dans l’affaire.

Il n’en demeure pas moins que l’énergie déployée par la firme pour éviter de se trouver dans une salle d’audience interpelle. Si Trafigura est persuadée de n’avoir rien à se reprocher, pourquoi s’acharne-t-elle à faire en sorte que la justice n’instruise le dossier ? Pourquoi refuse-t-elle d’être confrontée au rapport de l’ONU, rendu public la semaine dernière, indiquant que la cargaison du "Probo Koala" est à l’origine de 15 décès et de 69 hospitalisations ? Pourquoi ne veut-elle pas s'exprimer sur la publication par la presse britannique des échanges de mails entre ses dirigeants qui semblent prouver qu'ils connaissaient la toxicité des boues déversées à Abidjan ?

La dernière chance de voir Trafigura répondre aux questions que beaucoup d’Ivoiriens se posent encore interviendra l’an prochain. Un procès intenté par Greenpeace contre l’entreprise doit, normalement, se dérouler courant 2010 aux Pays-Bas.