Le centre de réhabilitation d'Ibn Sina, près de Kaboul, abrite actuellement 900 toxicomanes, dont la plupart sont victimes d'une épidémie d'addiction aux méthamphétamines. Un phénomène récent dans un pays déjà confronté aux fléaux de l'opium et de l'héroïne.
Des dizaines de toxicomanes arrivent régulièrement dans le vaste centre de réhabilitation situé à l'extérieur de Kaboul, l'air perdu en descendent des cars de police. Ils sont victimes d'une épidémie d'addiction aux méthamphétamines, qui concurrencent désormais les opiacés en Afghanistan.
Arrêtés dans les rues de la capitale, ces hommes sont soumis à un programme de désintoxication obligatoire, censé contenir la demande croissante pour les méthamphétamines, qui a pris les autorités par surprise dans un pays déjà aux prises avec les fléaux de l'opium et de l'héroïne.
"Je ferais n'importe quoi pour obtenir une dose"
"Ma vie a été brisée par la toxicomanie", dit Sulaiman, 25 ans, fraîchement arrivé avec une quarantaine d'hommes. "Je ferais n'importe quoi pour obtenir une dose, du travail jusqu'au vol", ajoute-t-il.
Les patients d'Ibn Sina, le plus grand centre de désintoxication d'Afghanistan, suivent une cure de 45 jours. Sulaiman est devenu accro à la meth, il y a trois ans lors d'un séjour en Iran.
Jusqu'en 2017, le centre traitait essentiellement des accros aux opiacés, dit son médecin et conseiller en chef, Abdul Jabar Jalili. "Aujourd'hui, environ 70 % des patients sont accros à la meth". Et leurs chances de s'en sortir sont faibles, avec plus de 80 % de rechute.
Trois millions de toxicomanes
Selon les dernières données disponibles, l'Afghanistan comptait, en 2015, trois millions de toxicomanes pour une population estimée à 37 millions. Les experts estiment que ce nombre a augmenté depuis, et selon les responsables de la santé, la part de ceux utilisant du meth pourrait être de 40 %.
C'est une révolution pour une substance quasiment inutilisée il y encore quelques années. Dans ce pays produisant environ 90 % de l'opium dans le monde, la première saisie de meth, représentant quelques grammes, est survenue dans la province méridionale du Helmand en 2008. L'an dernier, les autorités en ont confisqué 180 kilos. Et 935 sur les dix premiers mois de 2019, selon Kabir Ibrahimkhail, un responsable de la lutte contre la drogue. "À ce rythme, ce ne sera pas une surprise s'il remplace bientôt l’opium en Afghanistan" pour la consommation, dit-il.
La production locale était maigre avant 2015, l'essentiel venant d'Iran où l'on utilise la pseudoéphédrine, un ingrédient classique des médicaments contre le rhume, comme élément de base pour sa fabrication. Mais les trafiquants ont découvert qu'ils pouvaient utiliser une herbe de montagne, connue dans l'ouest et le sud de l'Afghanistan sous le nom d'"Oman".
Selon la mission de l'ONU en Afghanistan, les Taliban, qui ont longtemps utilisé l'opium comme une source de financement, sont désormais arrivés sur le marché de la méthamphétamine.
Avec AFP