L'ex-président bolivien Evo Morales, qui a accepté l'asile politique offert par le Mexique, est arrivé mardi à Mexico. L'ancien chef d'État qui a dirigé le pays durant près de 14 ans, a promis de "continuer la lutte" à sa descente d'avion.
L'ex-président bolivien Evo Morales a atteri à Mexico, après avoir accepté l'asile politique offert par le Mexique. L'avion militaire s'est immédiatement dirigé vers un hangar de l'aéroport international de Mexico où il a été accueilli par le chef de la diplomatie mexicaine Marcelo Ebrard.
"La lutte continue", a promis Evo Morales, pantalon noir et polo bleu ciel, affirmant qu'il ne cesserait pas de "faire de la politique". "Tous les peuples ont le droit de se libérer", a-t-il dit, après avoir remercié le Mexique de lui avoir "sauvé la vie".
Il était notamment accompagné de l'ancien vice-président Alvaro Garcia Linera et de l'ex-ministre de la Santé, Gabriela Montaño.
Après trois semaines de violente contestation contre sa réélection à un quatrième mandat fin octobre, il avait annoncé sa démission dimanche, lâché par l'armée. Il était le plus ancien dirigeant en exercice d'Amérique latine, au pouvoir depuis 2006.
"Ça me fait mal d'abandonner le pays"
"Frères et sœurs, je pars pour le Mexique", a twitté lundi le dirigeant socialiste. "Ça me fait mal d'abandonner le pays pour des raisons politiques, mais (...) je reviendrai bientôt avec plus de force et d'énergie", a-t-il promis. Il était attendu mardi au Mexique, qui a envoyé un avion militaire pour le faire sortir de Bolivie. Celui qui a longtemps incarné un symbole d'émancipation pour les populations indigènes d'un pays réputé instable, qu'il a dirigé durant près de 14 ans, est aujourd’hui en exil.
Lorsqu'il a accédé au pouvoir en 2006, Evo Morales était le premier chef d'État indigène du pays. À tout juste 60 ans, il était un des derniers représentants de la "vague rose" qui a déferlé au tournant des années 2000 sur la région.
Depuis, la gauche a été défaite au Brésil, au Chili et en Equateur, alors qu'elle vient de revenir au pouvoir en Argentine. Quant au Venezuela, pays avec lequel le président bolivien entretenait d'étroites relations, il traverse la pire crise politique et économique de son histoire récente. Evo Morales était également fermement soutenu par Cuba, elle aussi engluée dans une grave crise économique. "La Bolivie est différente, nous allons bien", répétait ce fan de football comme un mantra, repris en chœur par ses partisans du Mouvement vers le socialisme (MAS).
L’ancien berger devenu président
Cet ancien berger de lamas, né le 26 octobre 1959 dans un village miséreux de la région d'Oruro (centre), pouvait se targuer de nombreux succès économiques : maintien d'une croissance élevée, forte réduction de la pauvreté, niveau record de réserves en devises. Le pays a aussi multiplié les accords d'investissement internationaux pour l'exploitation du gaz naturel et surtout du lithium, dont il espère devenir le quatrième producteur mondial d'ici 2021.
"Ces dernières années l'économie bolivienne était au beau fixe sous Evo Morales", expliquait récemment Michael Shifter, président du groupe de réflexion Dialogue interaméricain à Washington. "Mais avec la chute des cours des matières premières, le gouvernement a été obligé d'emprunter davantage et puiser dans les réserves. Le modèle économique bolivien (basé sur l'exploitation des matières premières), qui a fonctionné durant des années, n'est plus tenable".
"La Bolivie, ma vie"
Ses adversaires dénonçaient le caractère têtu de l'ancien leader syndical des producteurs de coca, qui l'empêche de reconnaître ses erreurs. Ses détracteurs l'accusaient d'avoir instauré un gouvernement antidémocratique et abandonné les valeurs qu'il a longtemps symbolisées, notamment la défense de l'environnement et des indigènes, faisant pâlir son étoile.
Réélu en 2009, Evo Morales avait remporté en 2014 un troisième mandat grâce à une interprétation contestée de la Constitution, qui ne permettait pourtant que deux mandats consécutifs. La Cour constitutionnelle avait alors estimé qu'il s'agissait de sa première réélection, la Constitution ayant été modifiée en 2009.
Une partie des Boliviens ne lui pardonnent pas d'avoir brigué un quatrième mandat, alors que les électeurs s'étaient prononcés contre à l'occasion d'un référendum en 2016. Il est passé outre, grâce à une nouvelle décision très contestée de la Cour constitutionnelle. "Je ne veux pas (continuer), mais je ne peux pas décevoir mon peuple", s'était-il justifié.
Mi-octobre à Santa Cruz (est), dans la région agricole du pays, une marche indigène avait crié sa colère contre la politique environnementale de Morales.
Les gigantesques incendies qui ont ravagé en août et septembre une zone atteignant presque la taille de la Suisse ont provoqué l'indignation des peuples indigènes, qui accusent Evo Morales d'avoir sacrifié la Pachamama, la Terre mère en langue quechua, pour étendre les terres cultivables et produire davantage de viande pour l'exporter vers la Chine.
Pourtant, le "frère président", comme l'appelle son entourage, se disait convaincu d'œuvrer tous les jours pour le bien de son peuple. "Ma famille, c'est le peuple et la Bolivie, ma vie", affirmait-il en 2015 dans un documentaire pour une chaîne espagnole.
Avec AFP